Murray Rothbard : un monument de la liberté

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Murray Rothbard

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Murray Rothbard : un monument de la liberté

Publié le 11 septembre 2019
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Par Marius-Joseph Marchetti.

Chers lecteurs, aujourd’hui, nous vous proposerons cette revue de Murray Rothbard : Économie, Science et Liberté, traduit par Stéphane Geyres et Daivy Merlijs. Il est originellement tiré de The Great Fiction, et correspond au chapitre 19 du livre de Hans-Hermann Hoppe.

Dans ce chapitre, Hans-Hermann Hoppe rappelle sommairement quelques faits et détails sur l’économiste de l’École Autrichienne par trop méconnu. Rothbard est né et a grandi à New-York. Il est le fils d’un chimiste polonais et d’une mère russe. Il étudia à l’Université de Colombia, et y obtint son doctorat en 1956, sous la direction de Joseph Dorfman. Il travailla au sein de plusieurs fondations, telle que la William Volker Fund, enseigna Brooklin Polytechnic Institute, et fut professeur consacré à l’Université de Nevada de 1986 jusqu’à sa mort. Il fut l’un des principaux acteurs du mouvement libertarien à ses débuts.

Intellectuellement, Rothbard s’inspire de quelques sommités de l’École autrichienne d’économie telles que Carl Menger, Eugen Von Bohm-Bawerk et Ludwig Von Mises. Il est un membre éminent de la branche rationaliste de l’école : les lois de l’économie sont des lois « exactes » (Menger) ou « aprioristiques » (Ludwig Von Mises) et peuvent donc être tirées de la déduction via l’observation de fait élémentaire sur la nature humaine ou d’un axiome (le fameux axiome de l’action de Mises, « l’Homme agît »). Il s’oppose comme eux aux approches holistiques sur lesquels reposent le scepticisme, l’historicisme, l’organicisme, etc. en vertu de son individualisme méthodologique.

Une pensée de système

Hans-Hermann Hoppe rappelle ensuite que Murray Rothbard est le seul, avec Mises, à avoir proposé une théorie économique autrichienne systémique, dans son magnum opus, Man, Economy and State. Human Action et Man, Economy and State sont d’ailleurs les deux ouvrages de référence de l’économie autrichienne d’économie. Murray Rothbard associa également son œuvre économique à un activisme politique (comme Mises dans son Libéralisme), qui aboutit en 1982 avec son second magnum opus, Ethics of liberty, et aboutit à une grande théorie sociale austro-libertarienne unifiée.

Murray Rothbard, en bon élève de Ludwig Von Mises, apporta une toute nouvelle représentation du caractère ordinal de l’utilité marginale décroissante, fondée à la fois sur les concepts de propriété individuelle et de préférence démontrée. Se basant sur ces apports, et sur les critères d’optimum de Pareto, il en déduit que l’appropriation naturelle (homesteading) par un individu est respectueuse des critères de Pareto en même temps qu’elle lui est profitable1.

Toujours dans la même continuité, Murray Rothbard a contribué à édifier une théorie autrichienne de l’État : ainsi, alors que tout acte d’appropriation légitime est créateur d’utilité, un acte d’expropriation ne peut jamais être créateur d’utilité. Aucun acte criminel d’aucune sorte ne peut respecter l’optimum de Pareto2. Pour rappel, Rothbard se base sur la définition non controversé de l’État, à savoir qu’il est l’organisation qui acquiert ses revenus par la contrainte physique (imposition) et/ou qu’elle établit et maintient un monopole obligatoire de la force et du pouvoir de décision absolu sur un territoire donné.

De ce fait, il devient évident pour l’économiste que les agents de l’administration bénéficient de la taxation, car ils ne la mettraient pas en place dans le cas contraire. À l’inverse, si les individus étaient réellement bénéficiaires des impôts, ils les paieraient volontairement et dans le même montant, et de la même façon, chaque homme préférerait avoir un contrôle exclusif plutôt que se voir retiré le contrôle de ses biens. L’aboutissement logique de l’observation de ce fait, qu’aucun acte d’expropriation ne peut créer d’utilité sociale, conduit à réclamer l’abolition de l’État.

L’État ne se limite pas

L’État limité est donc une contradiction dans les termes, car il signifierait que l’État est à la fois un protecteur de la propriété et un expropriateur de la propriété. De cette constatation, Murray Rothbard est le premier, depuis le franco-belge Gustave de Molinari, à avoir déclaré que même les fonctions régaliennes pouvaient être fournies par la concurrence sur le libre-marché, et que les individus pourraient en tirer les mêmes avantages que lorsque l’État dénationalise un autre secteur.

L’un des apports que Murray Rothbard a apporté à l’économie réside également dans sa reformulation de la théorie du monopole. La concurrence correspond à l’accès libre à un marché, et la situation monopolistique à l’absence d’entrée sur le marché (du fait d’un privilège exclusif d’État).

Tous les monopoles reposent donc, in fine, sur le monopole originel territorial. Ainsi, une politique anti-trust est une contradiction dans les termes. Rothbard conteste également d’autres particularités de la théorie mainstream de la concurrence et du monopole, tel que le fait que le monopoleur est « faiseur de prix » (price-maker, comme si chaque entrepreneur, en vertu du contrôle qu’il a sur ses ressources, ne fixait pas par lui-même un prix), ou que le « monopole » tel que décrit par la théorie néoclassique était nécessairement néfaste. Pour Rothbard, du fait de la recherche des courbes de coûts futurs, aucune distinction n’est possible entre prix de marché (ou concurrence) et prix de monopole.

Outre ces innovations majeures, Murray Rothbard utilise la théorie de Ludwig Von Mises sur l’impossibilité du calcul économique en économie socialiste pour expliquer que, plus généralement, l’édification d’un grand cartel sur le marché libre est impossible3. Toujours en se reposant sur les théories de son mentor, Murray Rothbard utilise la théorie de la régression monétaire de Mises (le processus par lequel une marchandise finit par devenir un moyen d’échange) pour fonder la « théorie de la progression », qui détaille l’enchaînement d’actions de la politique pour passer d’une monnaie formée par le marché et couverte à 100 %, jusqu’à la contrefaçon et le dévoiement le plus total de celle-ci (avec les étapes intermédiaires que sont la création d’une Banque centrale, les réserves fractionnaires, la fin de toute couverture, etc.)

Cependant, le travail de Murray Rothbard va bien au-delà du simple domaine économique. Plus qu’économiste, Rothbard fut également philosophe et historien, et contribua à redorer le blason des doctrines du droit naturel de part son attachement philosophique avec John Locke, en témoigne son Ethics of Liberty. Pour le côté historien, plusieurs livres peuvent être cités : son America’s Great Depression est une application de la théorie du cycle économique de Mises et Hayek pour expliquer la Grande Dépression de 1929 ; Conceived in Liberty couvre l’histoire de l’Amérique coloniale ; ou encore Economic Thought Before Adam Smith and Classical Economics, qui correspond à deux grands volumes couvrant l’évolution de la pensée économique et sociale.

Nous en avons terminé avec notre revue de Murray Rothbard : Économie, Science et Liberté. Nous espérons que le lecteur, en parcourant ces quelconques lignes, sera désireux d’en apprendre davantage sur les thèses de ce pilier du libertarianisme qu’est Murray Rothbard.

Murray Rothbard, Économie, science et liberté, 2019, 28 pages.

 

  1. Hans-Hermann Hoppe : « si un homme utilise (« travail ») son corps pour étendre son contrôle (s’approprier) à des ressources fournies par la nature (« terres » non possédées), comme il le doit ne serait-ce que pour tenir debout, cette action démontre que ces ressources sont également des biens pour lui. Par conséquent, il doit donc avoir gagné en utilité en se les appropriant. En même temps, son action ne vient appauvrir personne d’autre, car en s’appropriant des ressources précédemment non appropriées, rien n’est dérobé à autrui. »
  2. « aucun acte de l’administration, quel qu’il soit, ne peut accroître l’utilité sociale »  Rothbard, Logic of Action, vol. 1, p. 243.
  3. Rothbard, Man, Economy, and State, p. 585 : « (L)e marché libre imposa des limites précises à la taille de l’entreprise, c.-à-d. aux limites de la calculabilité sur le marché. Pour pouvoir calculer les profits et pertes de chaque branche, une entreprise doit pouvoir se tourner vers les marchés externes pour ses activités internes, pour chacun des divers facteurs et produits intermédiaires. Lorsqu’un quelconque de ces marchés externe disparaît, parce que tous sont absorbés comme satellite d’une seule firme, la calculabilité disparaît, et la firme n’a plus aucun moyen de rationnellement affecter des facteurs à ce domaine spécifique. Plus ces limites seront ancrées, plus la sphère d’irrationalité sera grande et plus il sera difficile d’éviter des pertes. Un grand cartel ne pourrait pas du tout allouer rationnellement les biens issus des producteurs et ne pourrait donc pas éviter de lourdes pertes. En conséquence, le cartel ne pourrait jamais être réellement établi, et si tenté, il s’effondrerait rapidement. »
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