Venezuela : autopsie d’un chaos

Un livre sur le chaos vénézuélien. Pour rendre compte d’une « folie » et dessiller les yeux des crédules séduits par le « socialisme du XXIe siècle ».

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Venezuela : autopsie d’un chaos

Publié le 28 août 2019
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Par Lionel Chanel.

Les séides de l’utopie socialiste ont toujours eu un don singulier pour rester sourds et aveugles aux effets funestes et mortifères que leur idéologie produit systématiquement.

Au siècle dernier, nous avions affaire aux idolâtres de Staline, aux adorateurs de Mao, aux thuriféraires de Pol Pot et aux admirateurs de Castro et Che Guevara vers lesquels les témoignages bienveillants existent encore de nos jours.

Au XXIe siècle, c’est le Venezuela chaviste qui fait rêver toute une gauche occidentale, française en particulier, du Grand Soir.

 

« Rendre intelligible une folie »

C’est pourquoi la lecture du livre de la sociologue et anthropologue Paula Vasquez Lezama, Pays hors service. Venezuela : de l’utopie au chaos, publié cette année, devrait s’imposer aux sectateurs du socialisme du XXIe siècle et à leurs compagnons de route.

L’auteur l’écrit elle-même : elle a dû se battre, en tant que chercheuse, contre cette « fascination pour Chavez et la crédibilité automatique dont il a bénéficié au sein de l’opinion publique française1 ». Elle raconte en particulier ce moment où, lors d’une émission de « Arrêt sur images » à laquelle elle était invitée pour débattre avec la militante politique et politologue Janette Habel, celle-ci la traita de menteuse…

L’ouvrage de Paula Vasquez Lezama est une analyse du désastre vénézuélien provoqué par le chavisme, une analyse qui vise à dessiller les yeux de ceux qui refusent de voir la nature tyrannique du régime instauré par Chavez et perpétué par Maduro. La sociologue a voulu « rendre intelligible cette folie aux Français2 ». Elle nous donne à voir les persécutions dont sont victimes les opposants politiques, les agissements ignobles des « coopérants patriotiques », ces larbins du régime chargés d’espionner, d’infiltrer les groupes et les manifestations d’opposants et de les dénoncer, les massacres commis par les forces d’actions spéciales chargées du « nettoyage social » dans les quartiers populaires, ou encore la sombre besogne du SEBIN, la police politique du régime.

Son livre se base également sur sa propre histoire familiale, qui a l’avantage d’apporter un éclairage personnel sur la catastrophe. Ainsi, s’appuyant sur le parcours de son père, un universitaire professeur de philosophie qui se définissait comme un « penseur rationaliste3 », Paula Vasquez Lezama souligne qu’il fut en butte à l’hostilité de toute une intelligentsia pro-stalinienne qui lui en voulut d’enseigner une pensée critique différente des dogmes soviétiques. Pour expliquer l’une des raisons de l’avènement du chavisme, l’auteur pointe les affrontements, « non résolus4 », écrit-elle, entre modérés et extrémistes à cette époque.

 

Une note d’espoir

Dans sa description du drame vénézuélien, la chercheuse déplore l’ampleur de la corruption et l’enrichissement d’une nomenklatura insensible aux malheurs du peuple, l’instauration d’un état d’exception permanent justifiant tous les abus, la censure médiatique concernant les accidents à répétition qui surviennent dans les usines de pétrole et les conditions sanitaires insoutenables dans lesquelles vivent — le mot survivent serait plus approprié — les Vénézuéliens. Avec cette anecdote révélatrice : les médecins, qui ont interdiction de mentionner certaines maladies, ce qui reviendrait à discréditer le « socialisme radieux » en cours d’édification, rédigent leurs ordonnances en code…

Vers la fin de son essai, Paula Vasquez Lezama glisse cette remarque5 :

« Il me semble qu’il y a un consensus autour de l’idée de l’irréversibilité de certaines décisions politiques. […] Cette irréversibilité est un constat récurrent, mais difficilement saisissable dans mes analyses des changements politico-institutionnels de la « révolution bolivarienne » […]. Revenir à un état précédent est impossible, et même contre-productif. La manière de faire “avant” est oubliée, effacée, à cause d’un fossé qui est déjà générationnel. »

À lire ces lignes on ne peut s’empêcher de repenser à celles écrites par Jean-François Revel, il y a plus de trente ans, dans Politique internationale, qui traitait de la « réversibilité du communisme » : il posait exactement le même diagnostic sur l’impossibilité d’un retour en arrière une fois le socialisme établi6 :

« Toute révolution socialiste a pour objectif d’abolir les structures politiques, économiques, sociales, culturelles existantes et de les remplacer par d’autres ; elle se propose même de substituer à l’homme « ancien » un « homme nouveau ». Bien évidemment, le passage au socialisme est beaucoup plus qu’une simple alternance sur laquelle on pourrait revenir par une autre simple alternance de sens contraire : ce retour devient irréalisable puisque les matériaux de base en ont justement été détruits. »

Toutefois, derrière ce constat désespérant émerge une note d’espoir qui termine l’ouvrage.

La mobilisation massive des Vénézuéliens à l’appel de Juan Guaidó, à partir de janvier 2019, la volonté de l’opposition de rassembler tous les secteurs de la société pour mener une transition politique, et le fait qu’une partie de l’institution militaire puisse faire défection au despote de Caracas laissent présager un possible — mais incertain — retour à la liberté.

Paula Vasquez Lezama, Pays hors service. Venezuela : de l’utopie au chaos, Paris, Buchet-Chastel, 2019, 222 pages.

  1. Paula Vasquez Lezama, Pays hors service. Venezuela : de l’utopie au chaos, Paris, Buchet Chastel, 2019, p. 54.
  2. Ibid., p. 200.
  3. Ibid., p. 48.
  4. Ibid., p. 51.
  5. Ibid., p. 202.
  6. Jean-François Revel, « De la réversibilité du communisme », in Politique internationale, n° 41, automne 1988, repris dans Le Regain démocratique, Paris, Fayard, 1992, annexe 1, p. 481.
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  • depuis Kravchenko, rien n’a changé !

  • “l’enrichissement d’une nomenklatura”

    Voilà l’enjeu réel, le but ardemment désiré mais profondément dissimulé pour tromper les peuples, de tout socialisme, de toute collectivisation, de tout monopole, de tout étatisme.

    Le socialisme n’a d’autre objet que permettre à des incompétents notoires d’atteindre richesse et pouvoir, toutes choses auxquelles ils n’auraient pas eu accès dans le cadre normal d’un marché libre capitaliste honnête, quand pour s’enrichir il faut travailler dur et être utile à autrui.

  • Nomenklatura, de M. Voslensky, est paru en 1980 et décrit par le détail les privilèges que s’octroyait l’élite du régime soviétique. Pour le coup le mot “privilèges” n’est pas usurpé.

  • A chaque génération, sa tentative de socialisme, et qui fini toujours mal.

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