Changeons un peu de registre aujourd’hui, puisque Jirô Taniguchi sait aussi faire Å“uvre de diversité dans les thèmes qu’il aborde ; même si on reste toujours sur l’attachement à l’individu et la force des sentiments et émotions, au-delà de l’apparence de personnages toujours un peu secrets, avec leur part d’intimité.
Le sauveteur
Malgré un titre et une couverture qui semblent s’écarter un peu de l’univers habituel qui est celui de Jirô Taniguchi, on retrouve bel et bien ici encore tous les ingrédients qui font la force de l’œuvre de notre mangaka : la sensibilité, l’intensité et la profondeur du regard des personnages, qui expriment tant de choses, la psychologie très fine de ces mêmes personnages dans toute leur complexité, voire leur mystère et la part de l’intimité qu’on leur devine sans qu’elle ne soit totalement dévoilée autrement que par petites touches pleines de pudeur.
Et ici, en plus de toutes ces qualités consubstantielles à leur auteur, un grand courage. Le courage d’aborder un sujet très difficile, sans sombrer dans l’impudeur ni se voiler la face.
Une descente dans les bas-fonds du Japon moderne, dont je ne soupçonnais même pas la perversion, révoltante. Et la confrontation subtilement mise en scène de deux mondes opposés, mettant particulièrement bien en scène, selon l’un des thèmes forts habituels de l’auteur, la coexistence entre un Japon traditionnel (ici, plutôt authentique, proche de la nature et de l’Homme, mais jamais exempt de ses propres défauts) et une société moderne souvent victime des maux de la transition rapide et difficile, qui entraîne bon nombre de souffrances ou de névroses.
Et le courage exceptionnel d’un personnage, guide de montagne, qui mettra en conformité d’une manière devenue rare aujourd’hui, ses actes avec ses principes. Un hymne à la fidélité, à la force de l’amitié, à la valeur de l’engagement et à la détermination dans ses idées, au péril de sa vie.
Un exemple de force morale et de courage. Exceptionnel.
- Jirô Taniguchi, Le sauveteur, Casterman, avril 2007, 333 pages.
Enemigo
Nous avons affaire ici à l’édition en français d’une ancienne réalisation du maître du manga, une sorte de première carrière dont le style était tout simplement différent, plus vif, plus violent, moins sentimental que les réalisations plus récentes avec lesquelles ce volume ne tient évidemment pas la comparaison. Mais c’est aussi le thème qui le veut.
Pour autant, si l’on considère maintenant le livre en lui-même, indépendamment de ce que l’on connaît et apprécie chez l’auteur, l’histoire ne m’a pas déplu, le rythme et l’atmosphère non plus ; j’ai été quasiment tout aussi captivé que lorsque je lis un autre Taniguchi habituellement, ne m’ennuyant à aucun instant. Les dessins sont toujours impeccables, très travaillés, avec toute la minutie de l’auteur, qui ne s’est jamais démentie. Pas grand’chose à redire, donc, de mon point de vue.
Le thème : un détective privé japonais qui officie à New York et apprend l’enlèvement de son entrepreneur de frère par la guérilla d’un État sud-américain, dans un imbroglio complexe qui mêle intérêts économiques américains, gouvernement de l’État sud-américain avec lequel un grand projet d’infrastructures a été signé et engagé, la guérilla communiste qui y est opposée, considérations d’écologistes, voire petites et grandes trahisons au sein même de l’establishment de l’entreprise ou d’ailleurs.
Inspiré de l’esprit du cinéma américain de l’époque ou de certaines BD bien connues, une histoire difficile, forcément assez rude dans son essence, le personnage principal, ancien commando de la guerre du Vietnam, étant fermement décidé à tout tenter pour sauver par lui-même son frère, retenu prisonnier au plus profond de la jungle amazonienne et tous ses dangers.
À lire pour le plaisir.
- Jirô Taniguchi, Enemigo, Casterman, juin 2012, 311 pages.
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