Par Philippe Dupuy.
Un article de The Conversation
Cet article est tiré de la dernière enquête Duke University–Grenoble École de Management qui mesure chaque trimestre, depuis plus de 20 ans, le climat des affaires tel qu’il est perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête recueille plus de 1000 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant. Vous pouvez consulter les résultats complets de cette enquête.
Les guerres commerciales nuisent aux perspectives économiques au niveau mondial, c’est ce qui ressort de la dernière édition de l’enquête Duke University–Grenoble École de Management portant sur le climat des affaires. Pour la première fois en dix ans, aucune région du monde ne semble être suffisamment solide sur le plan économique pour être le moteur qui tire l’économie mondiale à la hausse.
Ces inquiétudes concernent aussi les États-Unis. Certes, outre-Atlantique, le climat des affaires (65,5) reste supérieur à sa moyenne historique de 60 et semble indiquer le maintien d’une croissance élevée. Mais dans ce contexte, les tensions sur le marché du travail devraient s’intensifier, alors que les difficultés de recrutement sont déjà le principal frein à la croissance pour les entreprises américaines notamment dans le secteur des nouvelles technologies.
Déficit de main-d’œuvre
Aux dernières étapes d’un cycle économique, il n’est pas rare que les entreprises soient confrontées à un marché du travail restreint et qu’elles rencontrent des difficultés pour embaucher et fidéliser les meilleurs talents. Néanmoins, la réorientation de plus en plus importante de l’économie américaine vers la haute technologie rend ce problème particulièrement intense au cours du cycle actuel.

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C’est pourquoi de plus en plus de responsables financiers (80 % selon notre enquête) demandent un assouplissement des règles d’immigration aussi bien pour les travailleurs qualifiés que pour les travailleurs non qualifiés. Ils sont par exemple de plus en plus nombreux à critiquer le système d’attribution des permis de travail par loterie. Ce système peut paraître adapté lorsque la main-d’œuvre est faiblement différenciée en termes de qualification.
Mais dans une économie dont le moteur de croissance est désormais le secteur des nouvelles technologies, secteur où les entreprises ont des besoins en compétences de pointe, ce système ne semble plus idéal. Les responsables financiers lui préféreraient un système au mérite. À terme, ce déficit de main-d’œuvre pourrait peser sur la croissance américaine et les responsables financiers américains envisagent aujourd’hui une récession pour le deuxième trimestre 2020.

Leo Traveling/Shutterstock
Le Royaume-Uni à la traîne en Europe
En Europe, notre indicateur de climat des affaires ressort à 57 pour le deuxième trimestre 2019 contre 59 au trimestre précédent sur une échelle de zéro à cent. L’optimisme est toujours particulièrement élevé en France (61) et en Allemagne (65). Ces niveaux de confiance restent compatibles avec une croissance soutenue de l’activité à court terme. Pour le moyen terme, plus de la moitié des responsables financiers européens envisage néanmoins une récession de l’économie d’ici la fin du premier trimestre 2020. Cette récession toucherait d’abord et avant tout le Royaume-Uni qui affiche un climat des affaires toujours dégradé (45).
Plus de 50 % des responsables financiers britanniques envisagent une récession dès le quatrième trimestre de cette année. À l’inverse, en France le ralentissement ne viendrait qu’au deuxième trimestre 2020. Il semble que le Brexit qui pèse fortement sur le moral des industriels britanniques n’affecte pour l’heure que marginalement le climat des affaires sur le continent.

Ailleurs dans le monde, l’incertitude
L’optimisme en Asie reste modéré ce trimestre à 54, sur une échelle de 0 à 100. L’incertitude économique reste la principale préoccupation. Citons également la difficulté à attirer des employés qualifiés, le risque de change et les politiques gouvernementales. Les dépenses en capital devraient croître d’environ 4 % et l’emploi de 2,3 % au cours des 12 prochains mois.
En Amérique latine, le climat des affaires a chuté à 56 ce trimestre, par rapport à 65 au trimestre précédent. Une grande partie de cette baisse est imputable au Brésil, qui est passé de 69 à 56. L’optimisme a également chuté au Chili (58) et au Pérou (47) et reste faible en Équateur (34). L’optimisme est relativement fort en Colombie (66). L’incertitude économique est toujours la principale préoccupation des responsables financiers en Amérique latine. Les politiques gouvernementales, la faiblesse de la demande et le risque de change sont également des préoccupations importantes.
Enfin, en Afrique, notre indicateur de climat des affaires est tombé à 46 ce trimestre. L’emploi devrait rester stable et les dépenses en capital augmenter lentement au cours des 12 prochains mois. Les responsables financiers africains sont les plus préoccupés par l’incertitude économique, la faiblesse de la demande, les politiques gouvernementales et le risque de change.
Au total, le climat des affaire mondial, pondéré par le PIB, ressort à 57, un niveau compatible avec une croissance modérée de l’économie.

Auteur.
Pour voir les résultats complets de cette enquête : grenoble-em.com/climat-des-affaires. Prochaine enquête du 20 mai au 8 juin 2019 : ceocfo.org/French
Philippe Dupuy, Professeur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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