SACEM, rémunération « équitable » et monopole de connivence

La SACEM n'aime décidément pas les petits malins qui se passent de ses services. Un monopole de droit, c'est un monopole et quiconque essaie la liberté peut se retrouver condamné, non mais !
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SACEM, rémunération « équitable » et monopole de connivence

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 mai 2018
- A +

Qu’il est doux de vivre aux crochets des autres ! L’État français, premier parasite de France, en sait quelque chose. Il sait, cependant, être généreux avec ceux qui ont compris son mode d’action et n’hésitera donc pas à donner un coup de main à ceux qui voudraient le rejoindre. Comme le montre l’actualité récente, c’est le cas avec la myriade d’associations très lucratives de collecte des droits d’auteurs, notamment dans le monde de la musique.

En fait de musique, c’est un petit air de flutiau qu’il faut entendre, celui qu’avaient commencé à jouer, il y a quelques années et que j’évoquais ici, différents noms de la diffusion et de la distribution de musique dite « libre de droits ».

En substance, en 2009, Saint-Maclou décidait de sonoriser ses magasins avec de la musique distribuée par MusicMatic. Ces musiques étaient piochées dans le catalogue de Jamendo, composé de musiques « libres de droits » : ici, cela ne signifie pas que les musiques sont gratuites, mais simplement que leurs auteurs ne passent pas par la SACEM et autres sociétés d’auteurs pour la collecte de leurs droits, mais par Jamendo directement, ce qui évite la redevance obligatoire pour « rémunération équitable » (qui est aussi équitable que les Républiques démocratiques étaient démocratiques, comme vous allez le comprendre ci-après).

La SACEM, apprenant qu’ainsi, Saint-Maclou, malgré la diffusion de musique dans ses magasins, échappait à sa copieuse ponction, décidait d’attaquer tout ce beau monde en justice, parce que laisser faire, c’était s’assurer la disparition d’une tranche épaisse d’un gros gâteau dodu (dont le montant total frise le milliard d’euros tout de même).

Et le dernier rebondissement en date de cette affaire nous amène donc à constater que la justice française cocoone décidément fort bien ses petits protégés pour lesquels la loi a été très probablement entièrement écrite, cousue mot par mot pour lui laisser de grandes latitudes d’interprétation favorable : alors que les auteurs de ces musiques « libres de droit » ne sont nullement inscrits à la SACEM (et ne le veulent pas), la cour d’appel de Paris confirme que les magasins diffusant cette musique doivent bien rémunérer les sociétés de gestion collective.

Oui, vous avez bien lu : magie d’un monopole de droit artificiel et inique, même si les auteurs ne veulent pas passer par la SACEM, c’est elle qui doit absolument se charger de la collecte des droits.

Mais le pompon n’est pas là. Ici, on pourrait se dire que c’est une simple bisbille pour la collecte et qu’au final, tant que l’auteur est rémunéré en accord avec l’usage de sa musique (ce que « rémunération équitable » laisserait supposer), tout finira par s’arranger.

Il n’en est rien.

Comme l’auteur n’est évidemment pas dans les fichiers de la SACEM, l’argent collecté… reste à la SACEM. Charge à l’auteur de faire toutes les démarches pour obtenir son dû, ce qui lui promet quelques moments de plaisir tant on se doute que la société en question fera absolument tout pour lui être agréable, c’est une évidence. Et lorsqu’au final, zut et flûte, l’auteur n’a pas été cherché retrouvé ou qu’il ne s’est pas manifesté (ou pas assez fort, ou pas avec le bon cerfa), eh bien… l’argent reste à la SACEM, comme on l’a dit.

Au passage, à la lecture du compte-rendu de l’audience en appel, on comprend assez bien que la loi, directement issue d’une directive européenne, laissait pourtant une assez large marge de manœuvre dans son interprétation, afin de « s’adapter aux réalités économiques nouvelles, telles que les nouvelles formes d’exploitation » et qui aurait largement pu laisser Jamendo et MusicMatic rémunérer directement les auteurs qui ne jugeaient pas nécessaire (ou pas économiquement malin) de passer par la SACEM et sa douzaine de petites sœurs taxophiles.

Le tribunal français aura très consciencieusement fermé ces latitudes pour ramener tout ce beau monde sur l’impérative obligation de passer par les monopoles en place : comme l’explique sans rire l’avocat des collecteurs, « Il faut se méfier de ceux qui promettent de la liberté ». Et le Delacroix bien connu, c’est « l’Égalité et le Monopole guidant le peuple », dites-le vous bien une fois pour toutes.

Un monopole que les directives européennes ont normalement fait sauter, une justice française qui s’empresse d’invalider toute velléité de liberté, une bande de pillards collecteurs qui n’existerait pas sans ce monopole tant leur service rendu est sujet à caution et non désiré par les premiers intéressés… Tout ceci vous rappelle peut-être un autre monopole, une autre directive, d’autres décisions de justice tout aussi orientées et les mêmes dégâts collatéraux. c’est normal, ce sont exactement les mêmes ressorts qui sont en jeu…

Vous pourriez vous dire que c’est du vol, du racket ?

Mais non, voyons ! On ne peut pas dire ça, puisque tout ceci est légal ! Car oui, il est légal pour ces sociétés de collecter l’argent pour des artistes qui ne veulent pas passer par eux, puis, ensuite, de ne pas retrouver ces artistes et de garder l’argent pour elles. Bien sûr, s’il me prenait la fantaisie de faire ça avec mon bras armé pour obliger mon voisin à me donner de l’argent pour le compte d’un tiers mais que, fortuitement, je ne trouvais jamais le tiers (ni ne le cherchais, d’ailleurs) pour ensuite garder cet argent, je serais accusé de racket.

La loi, commodément interprétée, transforme ce racket en opération parfaitement normale.

L’histoire peut durer encore un moment, et la cassation puis la Cour de justice européenne seront probablement saisies. En attendant, les auteurs de musique « libre de droits » (i.e. ne passant pas par la SACEM) devront peu ou prou faire une croix sur leur rémunération, en espérant qu’au final prévaudra enfin la loi européenne, plus souple et adaptée aux nouvelles méthodes de diffusion.

Mais il faut bien comprendre que cette affaire dépeint une fois de plus un véritable état d’esprit français, celui qui consiste à toujours favoriser le monopole en place, le plus fort, au détriment du nouvel entrant, du plus faible et du plus innovant.

Pas étonnant, dans ces conditions que, par la sclérose de son marché, la France périclite…
—-
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  • L’auteur a oublié le pire…C’est que la SACEM qui rakette les organisateurs de spectacles est sensée redistribuer cet argent….Qui ne va qu’aux grosses pointures, les besogneux, musiciens locaux, créateurs en devenir ne voient rien passer….
    Comme mon pseudo l’indique je suis fan de jazz, j’ai organisé plusieurs années de suite dans mon village des soirées jazz (conférences, musique,films), droit d’entrée modique (5€) donnant droit en plus à une collation et à un document (20-40 pages) sur le thème de la soirée…
    Madame SACEM nous a rattrapé…. Dans son courrier….le mot » redistribution »…Ça m’étonnerait qu’elle redistribue quoi que ce soit aux descendants de ces musiciens noirs aux fins fonds des Etats du Sud des USA….

    • C’est précisé dans l’article : « Comme l’auteur n’est évidemment pas dans les fichiers de la SACEM, l’argent collecté… reste à la SACEM. « 

    • Quelle grosse blague. La pratique, c’est que la SACEM débarque, distribue des « amendes », et utilise la méconnaissance ou la collusion de la justice pour racketer les commerçants. Des cas où des types qui passaient de la musique ET gratuite ET libre de droits se sont fait traîner au tribunal sont nombreux (et la SACEM n’a pas toujours perdu, ce qui est un comble).

    • Dans le même genre, mon fils a organisé un petit rassemblement en soutient à une salle associative (qui pourtant raque la SACEM). Pendant le rassemblement, l’asso avait posé un stand avec quelques machines pour improviser de la musique techno. Qui dit improvisation, dit absence de droit, par définition.
      Eh bien depuis la SACEM envoi des courriers avec des menaces d’amendes, comme si celle-ci avait un droit divin de ponctionner toute diffusion de son dans l’espace public.
      Je ne pense pas que l’état ait son mot à dire là dessus. La SACEM est un monopole privé, une vraie petite mafia, qui j’imagine s’arrange pour corrompre ou faire du lobbying auprès de tout politique ou juge qui voudrait s’opposer à ses dictats.

      • @Tigrou666
        Bonjour,
        « comme si celle-ci avait un droit divin de ponctionner toute diffusion de son dans l’espace public. »
        Le tribunal qui a jugé St-Maclou va exactement dans ce sens.

  • SAFER, SACEM… à supprimer et vite !

  • « Il faut se méfier de ceux qui promettent de la liberté ».

    ça en dit long…

    • @fm06
      Bonsoir,
      « « Il faut se méfier de ceux qui promettent de la liberté ». » … et accueillir à bras ouverts ceux qui veulent et font acte de la supprimer.

  • a/ société privée, mais monopole de droit et totalement dépendante de l’état pour que ce monopole de droit tienne. Lol pour la gestion, quelle grosse blague. On peut revenir sur quelques unes des affaires bien scabreusesqui secouent ces repaires, ça permettra de remettre les idées en place.
    b/ il existe plein de libéraux tout à fait authentiques qui sont contre les droits d’auteur et de propriété intellectuelle. Renseignez-vous mieux, ici par exemple : https://www.wikiberal.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle
    c/ une musique « libre de droit » ne veut pas dire « gratuite » mais veut dire « libre de droits SACEM » (et c’est d’ailleurs expliqué dans les liens mentionnés dans l’article). Nulle part il n’a été écrit « musique gratuite ». Et libre à vous d’aller lire les articles qui expliquent très bien le cas.

    • h16
      Bonjour,
      « a/ société privée, mais monopole de droit et totalement dépendante de l’état pour que ce monopole de droit tienne. Lol pour la gestion, quelle grosse blague. On peut revenir sur quelques unes des affaires bien scabreuses qui secouent ces repaires, ça permettra de remettre les idées en place. »
      … Mmmmm… La S.N.C.F !!? La Sécu !!? E.D.F !?
      La S.A.C.E.M serait-elle aussi en déficit abyssal ?

      • Non ici je faisais référence aux salaires assez incroyables de certains des dirigeants de ces sociétés, ainsi qu’à leur façon très à elles de gérer certains avoirs (notamment ceux des Juifs pendant l’occupation). Par exemple. Mais il y a tellement à redire…

        • @h16
          Merci pour la précision.
          Je me rends compte que j »aurais dû arrêter la citation de votre point a/ à « tienne », pour que mes exemples soient plus pertinents. Bref, c’est tombé à côté, c’est pas bien grave.

  • Que saint Maclou compose sa musique et la diffuse pour voir…

  • Que la SACEM compose sa musique et la diffuse pour voir. St Maclou n’est pas en cause, si les auteurs/compositeurs veulent que ce soit Jamengo qui gère leurs droits et non la SACEM ils en ont bien le droit, non ? Ah ben non…

  • « Qu’il est doux de vivre aux crochets des autres » tout est dit.

  • Si les gens se mettent à ne plus payer les monopoles même quand ils ne s’en servent pas, ils vont finir par demander le remboursement de la part obligatoire de leur impôt finançant par exemple l’éducation nationale alors qu’ils ont inscrit leurs enfants dans le privé… faut quand même pas déc….

  • lu sur wiki: « Salaires des dirigeants SACEM:
    En 2010, le rapport de la commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) pointe que la moyenne des cinq plus gros salaires de la Sacem serait de 363 908 euros, avec 600 000 euros pour celui du président du directoire de l’époque. Se défendant de ces critiques, le conseil d’administration, uniquement composé d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs élus par l’assemblée générale, rappelle que la Sacem est une entreprise privée, libre de fixer le montant des salaires de ses dirigeants en fonction des qualités professionnelles requises, que le président du directoire a été élu de façon transparente et que son mandat a été renouvelé à trois reprises. Le conseil ajoute que le niveau de rémunération des cadres supérieurs correspond à celui d’autres sociétés percevant des montants similaires (830 millions d’euros en 2010) ou à celui des sociétés d’auteurs étrangères comparables.

    Le rapport a également fait référence aux notes de frais abusives d’un cadre de la société30. S’agissant des notes de frais incriminées, le rapport ne pointe qu’un seul abus, au demeurant mis au jour par les services de contrôle interne de la Sacem et sanctionné plusieurs mois avant la parution du rapport. Le cadre mis en cause pour ces dépenses abusives avait en fait été licencié et mis dans l’obligation de rembourser les sommes en cause[réf. nécessaire].

    Depuis juin 2012, le président de la SACEM est Jean-Noël Tronc et sa rémunération a été fixée à 350 000 € (brut) en fixe et 50 000 € en variable par an.31. « 

    • @gaston79
      350.000€ bruts, pas mal ! C’est cool d’avoir la justice et son bras armé pour faire gonfler les comptes. Tu m’étonnes qu’ils aient tous pesté contre les plateformes d’échanges de musique !
      Etrangement, il n’a pas quitté le territoire lui, comme l’ont fait 754 autres patrons dans la tranche des 300.000€ annuels…

  • mais c’est exactement ce que souhaitent les syndicats de tout bord…..Vive Le Chatelier !

  • Dans le cas des assurances vie, les compagnies d’assurance ont le devoir (depuis peu) d’en rechercher les bénéficiaires.
    Deux poids deux mesures

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