Par Francis Richard.
Le héros s’appelle Frédéric Beigbeder, comme l’auteur. Les personnages qu’il rencontre apparaissent sous leurs vrais noms.. Il a seulement changé les noms de ses proches pour ne pas les embarrasser.
C’est pourtant un roman. Mais ce n’est pas un roman de science-fiction, même si le narrateur fait quelques incursions dans l’avenir et qu’il mène une enquête scientifique sur celui de l’Homo Sapiens dont il pressent la fin.
Le narrateur ne veut pas mourir. Il ne déteste pas la mort, il déteste sa mort. À défaut de vie éternelle posthume, en laquelle il ne croit pas, il souhaite sinon l’immortalité sur Terre, du moins d’y prolonger sa vie le plus possible.
De son état il est « animateur de disputes audiovisuelles et réalisateur de films satiriques ». Comme il vient d’être viré par sa chaîne de télé, il a tout son temps pour dresser un état de la science en matière de post-humanité.
C’est là que le roman devient reportage. Pour les besoins de la cause romanesque, à ce reportage se greffe cependant une histoire personnelle qui ressemble à celle de l’auteur, à quelques détails près, non négligeables.
Ayant dépassé la cinquantaine, la mort n’étant dès lors plus une abstraction pour lui, sa quête d’immortalité lui fait effectuer un tour du monde en famille pour connaître « toutes les procédures à accomplir pour [s’]éterniser ici-bas » :
- lasérisation du sang
- congélation de cellules
- séquençage de génomes
- ingestion de nicotinamide adénine dinucléotide
- reprogrammation de cellules en cellules souches
- transfusion de sang frais, etc.
En famille, car il emmène avec lui, à peu près partout, sa jeune femme, biologiste suisse, et leur bébé, sa fille d’un premier lit, collégienne parisienne, et même le robot japonais qu’il a offert à cette dernière pour lui tenir compagnie…
Lui seul est convaincu qu’une vie sans fin, c’est merveilleux. Sa femme trouve qu’à ce moment-là elle est sans but. « Si tu enlèves la mort, y a plus d’enjeu. Plus de suspense. » Mais il poursuit sa quête folle, tout en en mesurant le prix :
Le problème de la vie éternelle, c’est qu’elle a besoin de cambrioler le corps d’autrui…
Ce roman qui commence à Genève (qui « contient le mot « gène » dans son nom : bienvenue dans le pays qui a toujours voulu contrôler l’humanité »), se termine imprévisiblement, par une ironie de son destin, au Pays Basque qu’il aime :
Dans ce pays il pleut souvent, ce qui confère à chaque rayon de soleil l’allure d’un miracle…
- Frédéric Beigbeder, Une vie sans fin, Grasset.
—
Sur le web
Laisser un commentaire
Créer un compte