Par Francis Richard.
Le titre de ce roman, Les nuits sont calmes à Téhéran, fait penser à la formule L’ordre règne à Varsovie… C’est l’apparence des choses, ce qu’on voit. Ce qu’on ne voit pas, c’est à quel prix l’ordre ou le calme règne.
Tous les dix ans, un membre de la famille Hedayat prend la parole dans ce livre : le père, la mère, la fille et le fils. Et c’est la petite dernière qui clôt l’histoire, à une date inconnue, dans le futur…
La fin du Shah
Le père, Behsad, parle donc le premier, en 1979. Cette année-là le Shah d’Iran perd le pouvoir et l’ayatollah Khomeini le prend. Behsad se réjouit, dans un premier temps. Il est de gauche, qui plus est marxiste. Mais il déchante, assez vite :
Plus la révolution est ancienne, plus les photos de l’ayatollah Khomeini sont nombreuses et plus les rassemblements sont interdits et retournent dans la clandestinité.
C’est à cette époque-là qu’il tombe amoureux de Nahid, la mère, avec laquelle il se marie et qui est de gauche, comme lui : Heureusement que tous les hommes de gauche ne sont pas des combattants acharnés et sans humour, s’est-elle dit…
La fuite en Allemagne
En 1989 (l’année où meurt l’ayatollah Khomeini), Nahid raconte à son tour : leur fuite (quelques années plus tôt) et leur exil en Allemagne, avec leurs deux enfants, Laleh et Morad. Elle n’y a pas découvert l’Allemagne fortement inégalitaire décrite par les camarades :
En fait, ici, personne n’a l’air très riche ni très pauvre, en fait tous les groupes se ressemblent beaucoup par leurs vêtements et par leurs habitudes.
En 1999, Laleh, la fille, retourne en Iran, sans son père, mais avec sa mère, son petit frère Morad et sa petite soeur Tara. Ils vont voir toute la famille restée là -bas. Sont inévitables les comparaisons entre l’Allemagne et l’Iran, même si ce dernier pays a changé :
Les nuits sont calmes à Téhéran. Et les journées si bruyantes.
Mo, alias Morad, le fils, est étudiant en 2009, en Allemagne, et participe à des protestations estudiantines contre les frais d’inscription, tout en suivant, avec espoir, qui sera déçu, l’élection présidentielle, où, hélas, Ahmadinejab est réélu.
Revenir en Iran
Il aurait tant aimé que son père puisse revenir en Iran :
Il ferait sa valise, pour la première fois après tant d’années […]. Il montrerait son passeport iranien et personne ne le retiendrait, il entrerait en Iran, ils viendraient le chercher, ils le salueraient, il verrait sa mère, je les verrais tous, nous serions libres…
C’est à la petite Tara, que, bien des années plus tard, revient donc le mot de la fin de cette fresque multidécennale, mémorable et instructive, d’une famille iranienne, exilée d’un malheureux pays, en proie, pendant tout ce temps, à un régime théocratique durable…
Shida Bazyar, Les nuits sont calmes à Téhéran, 248 pages Slatkine & Cie (traduit de l’allemand par Barbara Fontaine).
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