Alfred de Musset, le dandy débauché

Il y a 160 ans disparaissait l’écrivain et poète Alfred de Musset.

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Alfred de Musset, le dandy débauché

Publié le 16 décembre 2017
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Par Gabrielle Dubois.

Moi, Alfred de Musset, né le 11 décembre 1810 dans une famille aristocratique, lettrée et aimante, étais poète dans l’âme et dans la vie.

À dix-sept ans, je fréquentais déjà le Cénacle : Victor Hugo, Théophile Gautier, Vigny, Mérimée, Dumas, Balzac ou encore Nerval.

Le bonheur perdu

J’ai eu le courage de vivre et d’aucuns m’ont traité de dandy débauché… d’aucuns n’avaient pas tort. Pas même George Sand, qui répondit à mon cher ami Sainte-Beuve quand il voulut me présenter à elle qu’elle ne le voulait pas, disant que j’étais très dandy et que nous ne nous conviendrions pas.

Mais il était écrit que nous étions nés pour nous connaître et pour nous aimer et que la postérité répèterait nos noms comme ceux de ces amants immortels qui n’en ont plus qu’un à eux deux, Roméo et Juliette, Héloïse et Abélard. Je croyais au bonheur alors, et toute ma souffrance est de l’avoir perdu sans lui avoir donné. Maudite mémoire importune qui m’empêchera de l’oublier, Ô mon George, ma maîtresse !

Le maître des mots

Si j’ai manqué de courage, c’est du courage d’enfant qui consiste à vieillir.

Pourtant les dieux s’étaient penchés sur mon berceau : outre la beauté, la richesse et l’esprit, je parlais indifféremment la langue des dieux et la langue des hommes, comme l’a si aimablement écrit Théophile Gautier, notre bon Théo.

Musset, mort il y a 160 ans

Ma première pièce de théâtre a été un échec ? Oui. Mais depuis 160 ans que mon corps de 46 ans, fatigué par la maladie et l’alcool, repose au Père Lachaise ; à ce propos, avez-vous fait ce que j’avais demandé ?

 

« Plantez un saule au cimetière.

J’aime son feuillage éploré ;

La pâleur m’en est douce et chère,

Et son ombre sera légère

À la terre où je dormirai. »

 

Depuis 160 ans, donc, combien de milliers, de millions d’entre vous ont pleuré d’émotion ou de rire dans les théâtres où l’on joue toujours mes comédies :

À quoi rêvent les jeunes filles ? Les Caprices de Marianne, Lorenzaccio ou On ne badine pas avec l’amour ?

L’amoureux

Alors, oui, j’ai aimé les comédiennes sur scène autant que dans leurs lits !

Je me suis même permis de remettre, fort courtoisement, la grande Rachel à sa place quand elle m’invita à un dîner de cérémonie dans l’hôtel qu’elle avait fait bâtir rue Trudon. Rachel avait pris mon bras pour aller à la salle à manger. Nous passâmes par un escalier un peu étroit. Je marchais malencontreusement sur sa robe, alors Rachel me dit, avec ses grands airs :

« – Quand on donne le bras a une femme, on prend garde où l’on met le pied.

– Quand on est devenue princesse, lui répondis-je, et qu’on se fait bâtir un hôtel, on commande à son architecte un escalier plus large. »

Malgré cela, que voulez-vous, quelques comédiennes m’ont aimé !

Le viveur

J’ai vécu, malgré la maladie, ou peut-être grâce à elle, en voulant connaître et éprouver toutes les émotions du monde. Je ne me suis pas privé d’inventer quelque folie qui perde l’âme et le corps.

Qu’y puis-je si quand un bon souper me réveille, je faisais sortir le poème de la bouteille ?

Qu’y puis-je si mon cÅ“ur, mon faible cÅ“ur, me disait : ce n’est point assez d’aimer sa maîtresse et en changer sans cesse nous rend doux et chers les chagrins passés ?

Au siècle où j’étais, la plupart des hommes étaient inconstants. Sur deux amoureux pleins d’un zèle extrême, la moitié aimait pour passer le temps.

Le tourmenté

C’est là toute ma vie. Pendant que mon esprit cherchait sa volonté, mon corps savait la sienne et suivait la beauté. J’ai vécu autrement, mais ainsi j’ai aimé. Dans cette vie, rien n’est bon que d’aimer, n’est vrai que de souffrir.

Bien que l’adversité m’ait fait d’Alfred Tattet un ami pour la vie, une autre compagnie ne m’a jamais quitté :

« Le ciel m’a confié ton cÅ“ur.

Quand tu seras dans la douleur,

Viens à moi sans inquiétude.

Je te suivrai sur le chemin ;

Mais je ne puis toucher ta main,

Ami, je suis la Solitude. »

En moi il existe un poète endormi toujours jeune et vivant. Pourtant vers la fin de ma vie terrestre, mon imprimeur crie à tue-tête que sa machine est toujours prête, et que la mienne n’en peut mais.

Et malgré tout cela, enfant dissipé, j’ai été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur et, poète salué par Pouchkine, j’ai été élu à l’Académie Française !

Le poète

Je suis Alfred de Musset, le poète qui n’a cherché qu’à

« Chasser tout souvenir et fixer sa pensée,

Sur un bel axe d’or la tenir balancée,…

Aimer le vrai, le beau, chercher leur harmonie ;

Écouter dans son cÅ“ur l’écho de son génie ;

Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard ;

D’un sourire, d’un mot, d’un soupir, d’un regard

Faire un travail exquis, plein de crainte et de charme

Faire une perle d’une larme :

Du poète ici-bas voilà la passion,

Voilà son bien, sa vie et son ambition. »

 

Ah ! chers lecteurs, quand on y pense, ce temps qu’en folie on dépense, comme il nous échappe et nous fuit ! Mais pourquoi donc tant d’impatience, d’aller plus vite à l’échéance, au lieu de lire la poésie ?

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