Par Johan Rivalland.
La croix
Cette très courte nouvelle d’à peine 16 pages a été écrite en 1906 par le jeune Stefan Zweig, tout juste âgé de 25 ans. Une époque où il n’était pas encore le pacifiste convaincu qu’il sera plus tard, lorsque les horreurs de la guerre l’auront saisi au plus profond.
Il semblerait que, comme la plupart des intellectuels à l’époque, il n’ait pas caché son enthousiasme à l’annonce de la guerre contre la France. Ainsi, lit-on dans la préface, « il passait encore pour un enfant gâté de la littérature, un dandy, tel que le dénonçait encore Franz Blei en 1922 – jeune homme qui ne connaissait aucun souci matériel et pouvait s’adonner à son goût pour les voyages et la culture européenne ».
Le présent récit, écrit par le jeune passionné d’histoire de France qui sera bientôt l’auteur de la monographie sur Joseph Fouché, se déroule durant la guerre d’Espagne, menée par Napoléon. Il met en scène un colonel qui va être victime, en compagnie de son unité, d’une escarmouche durant laquelle il va être laissé pour mort après avoir chuté et s’être cogné la tête lourdement contre un arbre. À son réveil, il se retrouve seul, en territoire hostile.
Une situation angoissante, tel qu’on peut l’imaginer, et durant laquelle on retient son souffle… Servie par une narration rythmée et dans un style agréable, servi par un vocabulaire assez riche.
Attention toutefois à ne pas faire comme moi : la lecture de la préface, sensée contextualiser ce texte, dévoile toute l’histoire, jusqu’à son issue. Pour une texte aussi court, il est dommage de gâcher à l’avance tout son plaisir. À lire, donc, plutôt comme postface.
Stefan Zweig, La croix, Bouquins, février 2013, 16 pages.
L’égaré
Cette nouvelle inédite de 1908, extrêmement courte puisqu’elle ne fait que 8 pages, n’est pas d’un très grand intérêt. On y sent déjà tout le talent du Stefan Zweig que l’on connaîtra plus tard à travers ses romans et nouvelles, mais en version très condensée.
Un jeune étudiant qui a échoué à l’examen se trouve engoncé dans les conventions du milieu dans lequel il vit, partagé entre l’envie de laisser libre court à ses envies et la nécessité de se conformer aux attentes de sa famille. S’enfermant lui-même dans la spirale de l’échec, il en vient à haïr son professeur, qu’il estime être responsable de son redoublement.
Vu la longueur de la nouvelle, je ne peux en dire plus. Une issue assez classique lorsqu’on pense à Stefan Zweig, mais beaucoup trop rapide et insuffisamment fondée vu la rapidité de ce qui précède. Probablement un simple exercice de style pour un auteur en devenir.
Stefan Zweig, L’égaré, Le livre de poche, février 2012, 8 pages.