Par Johan Rivalland.
Le joueur d’échecs
Ce court roman de Stefan Zweig se lit d’une traite, sans difficulté et avec passion. Il nous emporte dans l’univers prodigieux du cerveau humain et de ses capacités parfois étonnantes, mais malheureusement également limitées, certaines situations extrêmes pouvant mener, malgré toute la puissance intellectuelle de l’être le plus équilibré qui soit, jusqu’à la schizophrénie et la démence, dont il est bien difficile ensuite de se départir.
Roman écrit après la montée du Nazisme, postérieur à l’annexion de l’Autriche puis de la Tchécoslovaquie, il est surtout le roman de la captivité, de l’oppression, de la tentative de résistance intellectuelle et culturelle face à l’anéantissement et la destruction d’un monde.
Le jeu d’échec n’est qu’un prétexte, mais un beau symbole de l’envolée intellectuelle qu’il peut occasionner, sans pour autant que la culture ou d’autres formes d’intelligence, notamment émotionnelles, y soient hélas forcément associées.
Une belle réflexion sur le pouvoir du cerveau, mais surtout sur l’importance ultime du discernement et des tentatives de résistance face à la tempête du siècle, que la profonde déception et le pessimisme de Stefan Zweig n’auront pas permis de dépasser, entraînant comme on le sait, le suicide avec son épouse…
Stefan Zweig, Le joueur d’échecs, Le livre de poche, janvier 1991, 94 pages.
Un soupçon légitime
De même que pour Le voyage dans le passé, dont j’expliquais dans notre volet précédent l’avoir découvert tardivement en tant qu’inédit, les éditions Grasset ont renouvelé la surprise un an plus tard, en 2009, en éditant ce nouvel inédit.
Il s’agit là aussi d’une nouvelle courte (81 pages de petit format, la seconde partie du volume étant le même texte en allemand. Mais on trouve le même texte uniquement en français, en format livre de poche).
Cette fois, il est question au départ d’un voisin par certains côtés bien « encombrant », ce qui aurait pu faire penser à la situation de Les Catilinaires d’Amélie Nothomb, si vous connaissez, sauf qu’ici ce voisin est tout à l’inverse extrêmement courtois, sympathique et enjoué, mais peut-être à la longue justement un peu trop envahissant.
Puis on s’intéresse surtout à l’arrivée d’un chien, qui sera au centre de l’histoire.
N’ayant pas d’attrait particulier pour les bêtes, cela ne m’enchantait pas a priori.
Mais, de même que Jirô Taniguchi avait su m’éveiller et m’émouvoir à travers sa Terre de rêves (tiens… une nouvelle idée de série pour août ou décembre ?), le talent de Stefan Zweig que l’on retrouve bien présent ici une fois de plus, m’a permis de découvrir et ressentir de manière magnifiquement bien exprimée la psychologie de l’animal, ou du moins ce que l’on peut en percevoir ou imaginer.
Et c’est cette psychologie qui est au centre de l’histoire ou du drame qui va se dérouler de manière très subtile sous nos yeux de lecteur captivé.
Une nouvelle à ne pas manquer. Toujours de l’aussi grand Zweig.
Stefan Zweig, Un soupçon légitime, Grasset, octobre 2009, 140 pages.
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