Mouvement, de Philippe Sollers

Pour Philippe Sollers, « les seuls vrais dieux sont des livres ».

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Mouvement, de Philippe Sollers

Publié le 24 juillet 2016
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Par Francis Richard.

Mouvement, Philippe Sollers
Mouvement, Philippe Sollers

Si Hegel avait écrit un roman d’aventure, selon Philippe Sollers, il lui aurait donné pour titre : Mouvement. Mais il n’a pas eu besoin de l’écrire, il a eu lieu. Et, de toute façon, Philippe Sollers l’a écrit à sa place. Pour ce faire, il n’a pas cherché à interpréter le philosophe, mais à l’être et, pour y parvenir, à penser à travers lui. Car tous les interprètes de Hegel se trompent : La révolution, l’érotisme ou le pouvoir financier sont des solutions frivoles…

On sait que Philippe Sollers a une conception bien à lui du roman. Certes il s’agit pour lui d’un texte où subsistent quelques traces de fiction : il est ainsi brièvement question, au début du livre, de Lola, chaude et rose, qui partage le lit du narrateur. Mais c’est dit en passant, fugacement, l’essentiel n’est évidemment pas là ; il est dans les digressions savantes et provocantes dont il use, et abuse, où il excelle.

Pourquoi ces digressions ? Il les justifie clairement, sans détours : le seul vrai roman est le mouvement de l’Esprit et rien d’autre. Et qui est le héros le plus emblématique de ce mouvement ? Hegel lui-même (parmi d’autres), qu’il cite dans l’épigraphe : La vérité est le mouvement d’elle-même en elle-même. Dans ce vrai roman, où ce qui compte avant tout c’est le mouvement, (le truc de Hegel), Hegel se meut.

Le narrateur pense donc Hegel dans les livres qu’il lit, dans les rêves qu’il fait, dans l’Histoire passée qu’il se repasse, présente, qu’il vit et à venir qu’il imagine, sans souci de chronologie, laquelle est inutile quand on sait que le passé est parfois en avance sur l’avenir. Dans Mouvement, Hegel, donc, pense que, a raison, ne veut pas s’étendre sur Freud, porte une attention soutenue à la télévision etc.

Hegel est omniprésent en personne ou en filigrane. Il l’est, par exemple, dans un passage comme celui-là : Il s’agit maintenant d’imaginer une existence humaine ayant atteint le mouvement perpétuel, ou ce qui revient au même, un volume très clair, qui se lirait continuellement lui-même, ou dans cet autre, où est évoqué l’homme de Lascaux, animé par une spontanéité insoumise : il s’agit d’une extrême liberté dans le mouvement du mouvant.

Hegel l’est encore dans ce que dit l’historien chinois Sima Qian à propos de Zhuangzi : son langage déborde de toute part, il ne suit que sa propre inspiration, de sorte que les puissants n’ont jamais pu en faire leur instrument. Philippe Sollers y voit une définition possible de la dialectique

Il ne faut pas se faire de souci pour l’Esprit : au cours de son mouvement il surmonte tous les obstacles, même la pulsion de mort, plus ténébreuse que prévue, Goulag, Shoah, Hiroshima, Allah, et puis quoi encore, tant il est vrai que bien qu’elles opèrent simultanément, il ne faut pas confondre décomposition et mutation : la décomposition mélange et détruit, la mutation crible et trie.

Après avoir digressé sur le mouvement qui anime des personnages de la Bible, des penseurs, des écrivains, des poètes chinois, des hommes politiques, les galaxies, les religions, l’ADN, les textos, les big data de la Toile, Philippe Sollers reste ferme : les seuls vrais dieux sont des livres, un certain nombre de livres agissent comme des dieux ; et reste serein : son dernier roman, tout aussi atypique que les précédents, se termine ainsi :

La nuit a été tranquille, et, une fois de plus, j’ai embrassé l’aube d’été. C’est aussi simple qu’une phrase musicale.

Maintenant la brise du nord-est, ma préférée, se lève, et, rapide, une mouette, très reconnaissable, traverse le ciel.

  • Philippe Sollers, Mouvement, Gallimard, Mars 2016.

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