Le Livre de la Jungle, une nouvelle manière de faire du cinéma

Le Livre de la Jungle illustre comment la génération actuelle est introduite à une forme d’art totalement différente, grâce à un film presque entièrement numérique.

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Le Livre de la Jungle, une nouvelle manière de faire du cinéma

Publié le 25 mai 2016
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Par Jeffrey Tucker.
Un article de la FFE

Le Livre de la Jungle, une nouvelle manière de faire du cinéma

Si vous regardez Le Livre de la Jungle dans l’espoir d’y trouver une intrigue complexe, des retournements de situation inhabituels, des avis politiques passionnés, et autres choses du même acabit, vous serez probablement déçu. Le Livre de la Jungle est une histoire vieux jeu de la fin du XIXe siècle, mais elle est sympathique. Elle manque néanmoins d’un niveau de lecture plus adulte. En cela, elle est différente de deux films Disney qui comptent parmi mes préférés, La Reine des Neiges et Zootopie, qui sont des histoires conçues pour plaire à un public de 7 à 77 ans.

Cependant, son thème est bon pour Disney, et pas seulement car il touche à des sujets qui parlent aux enfants, entre la peur de l’abandon et l’idée que chaque humain possède la capacité d’écrire sa propre histoire dans le monde, quelles que soient les circonstances.

La dimension financière est également à prendre à compte. Comme pour la plupart des classiques de Disney, le livre de Rudyard Kipling n’est plus protégé par un copyright depuis longtemps, permettant ainsi de le réadapter au cinéma.

Pourquoi ce film est-il fantastique ?

Quelques jours m’ont été nécessaires pour comprendre pleinement ce qui rend ce film encore plus génial que l’original. Cela tient en fait à la réalité physique du film, qui est la suivante : absolument rien n’a été filmé sur le terrain. Tout a été entièrement filmé dans un entrepôt du centre de Los Angeles, en général avec un fond bleu et seulement quelques accessoires. En fait, il n’y a eu aucune interaction entre un garçon et des animaux ou même des feuilles qui aient été capturée par la caméra.

Cela semble incroyable.

Au début du film, nous faisons connaissance avec Mowgli, le garçon élevé dans la jungle sans parent. Il court au milieu des arbres, se déplace avec agilité sur des branches, et escalade des troncs rapidement. C’est sympathique mais, en termes d’effets spéciaux, nous y sommes plutôt habitués.

Tout est possible avec des ordinateurs, n’est-ce-pas ? Oui, mais ce film élève cette déclaration à un tout autre niveau.

Le moment surprenant arrive tôt dans le film. Mowgli est poursuivi par une panthère noire qui semble effrayante jusqu’à ce que nous entendions Bagheera parler. Bagheera est l’ami et le bienfaiteur de Mowgli. C’est ici que les choses deviennent étrangement charmantes. Cette panthère parle anglais, et le parle bizarrement bien. Elle parle vraiment comme les gens parlent, avec leur visage et leurs sourcils, et sa personnalité rayonne.

Ce n’est plus simplement de l’anthropomorphisme ici. L’animal reste fidèle à lui-même, réaliste de toutes les façons possibles. C’est une vraie panthère. Elle aurait aussi bien pu être filmée dans la nature par National Geographic, excepté le fait qu’elle parle et pense comme un humain. Et pourtant, nos cerveaux nous disent que cela ne peut pas arriver. Les vraies panthères ne sont sûrement pas aussi expressives. Le processus de création va bien plus loin que simplement attacher une piste audio à un film. Il s’agit d’une création entièrement nouvelle.

Le Livre de la Jungle illustre comment la génération actuelle est introduite à une forme d’art totalement différente, qui grandit et gagne en maturité à chaque film. Cela n’est ni du cinéma du réel, ni du cinéma d’animation. Il s’agit de quelque chose d’autre, bien plus puissant et exigeant pour l’imagination que ce qui est normalement appelé (parfois de façon désobligeante) « les effets spéciaux numériques ».

100 ans de progrès

La production d’art dramatique est un processus itératif et qui dépend entre autres des technologies disponibles. Par exemple, j’aime à penser que les films sont des reconstitutions modernisées des opéras du XIXe siècle. L’opéra avait tout : de la musique, de la danse, des décors magnifiques, des histoires dramatiques, des grosses stars…etc. Aujourd’hui, les gens pensent que l’opéra est une forme d’art pour les snobs. Je ne peux pas croire que de telles personnes aient vraiment assisté à un opéra un jour. Une fois que vous le faites, et si vous pouvez vous projeter au XIXe siècle, vous voyez immédiatement de quoi il s’agit : du divertissement populaire dans la forme technologique la plus explosive possible à cette période.

Une fois que les images en mouvement sont devenues possibles, et auxquelles va s’ajouter une piste audio, nous avons vu l’évolution progressive. Une caméra capture ce que les gens font. Ce qui pouvait être filmé était alors limité aux choses que les gens peuvent faire, et Hollywood a alors utilisé des doubles et des cascadeurs pour éblouir le public. Une telle limitation a inspiré le cinéma d’animation, pour créer des mondes qui ne pouvaient pas exister en réalité. C’était magnifique, et cela l’est toujours.

Voici les deux types de films qu’ont pu voir beaucoup de générations : soit des films avec des gens bien réels ou soit des films avec des personnages animés. C’est une division claire. Nous savons qui est qui. Cette division ne fait pas de mal à notre cerveau et ne met pas à l’épreuve notre sens des réalités très établi. Si une scène est conceptuellement possible dans la vraie vie, alors elle est filmée. Si ce n’est pas le cas, alors elle est animée.

Une troisième voie a émergé durant la dernière décennie. Le Livre de la Jungle est un exemple de la plus haute forme d’art aujourd’hui visible à l’écran. Ce n’est ni réel, ni irréel. Ou plutôt, c’est à la fois réel et irréel. À ce jour, cette forme est appelé « Action réelle / Effets spéciaux numériques ».

Elle a besoin d’un nouveau nom. Elle est trop brillante pour traîner un nom aussi maladroit.

Un nouveau monde de films

Dans Le Livre de la Jungle, cette nouvelle forme n’est pas exposée dans une seule scène. Elle couvre le film entier, qui est rempli d’animaux extrêmement réalistes qui interagissent avec le garçon de la même manière que des adultes le feraient. Ils lui enseignent des choses, deviennent son ami, complotent contre lui, l’aiment, le détestent, l’aident, le manipulent…etc. Mowgli est d’accord avec l’exigence de la meute de loups quant au fait qu’il ne doit pas utiliser « d’astuces humaines » pour fabriquer des outils. Il est même content lorsque l’ours qu’il rencontre l’encourage à exercer sa créativité et son ingéniosité.

Dans toutes les dimensions de l’intrigue, ce film est une fête pour les yeux et l’imagination. Il brouille la différence entre la vie et le rêve jusqu’au point où nous ne savons plus qui est quoi. Finalement, le spectateur abandonne et se contente d’apprécier le spectacle.

Cette nouvelle forme d’art émerge comme un phénomène culturel, mais sans fanfare et sans même beaucoup de déclaration publique. Elle vient à nous au cinéma comme un paquet complet, prêt à consommer, et testé par le marché. La façon dont nous l’expérimentons en tant que consommateur dissimule la vérité sous-jacente : il s’agit d’une entreprise énorme et complexe comprenant des milliers de personnes qui travaillent à rendre ce film parfait image par image. À lui tout seul, le générique de fin, qui liste des centaines de techniciens, vous gardera assis dans votre siège cinq minutes de plus.

Chaque scène nécessite des centaines d’experts, chacun apportant son expérience passée et la mêlant avec ce qu’il apprend des autres. Ils font appel à l’expérience des meilleurs experts du marché pour créer quelque chose de jamais vu avant.

Le marché fait l’art

Il est difficile d’imaginer que les critiques du XIXe et du début du XXe siècle aient dit que le marché ne pouvait pas créer de l’art. Il était largement établi que l’art ne peut qu’être réalisé par des spécialistes et des experts académiques qui vivent grâce au soutien de l’État et sont guidés par des hommes aux goûts élitistes.

C’est totalement faux. Un film comme celui-ci vous fait réaliser que le marché axé sur le consommateur est capable d’inspirer les plus hautes formes de réussite artistique, dans le but d’apporter du bonheur au plus grand nombre. Nous n’avons pas besoin de comprendre comment c’est réalisé. Nous n’avons pas à supporter l’énorme risque financier. Nous ne payons rien si le film ne fonctionne pas en salles. Nous n’avons qu’à débourser 10$, prendre quelques popcorns, et apprécier le spectacle.

Le marché rend la vie belle.

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Auteur : Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of Management

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