L’urgence d’un nouveau Bretton Woods

Il serait temps de convoquer un nouveau Bretton Woods, simplifiant drastiquement l’architecture internationale des banques de développement.

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Xi Jinping en 2012

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L’urgence d’un nouveau Bretton Woods

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 janvier 2016
- A +

Par Gaspard Koening.
Un article du site Generation Libre

Xi Jinping en 2012
Xi Jinping en 2012

Ayant passé près de quatre ans au service de la BERD (Banque européenne de reconstruction et de développement), je fus tout ému d’apprendre la semaine dernière que mon ancien employeur accueillait en fanfare un nouveau pays membre : la Chine. Hasard du calendrier, le lendemain, le président chinois, Xi Jinping, inaugurait sa propre banque de développement, l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank). La Chine en est l’actionnaire principal, mais la plupart des pays européens ont participé à la levée de fonds initiale de 100 milliards de dollars, dont la France et le Royaume-Uni (au grand dam des Américains). Si l’on ajoute à cela le fait que, le mois dernier, le Sénat américain a finalement approuvé la réforme du FMI qui permet à Pékin d’augmenter de 60 % ses droits de vote, on doit admettre que la stratégie chinoise d’influence multilatérale est couronnée de succès.

On pourrait se réjouir que la Chine prenne ainsi dans la gouvernance économique mondiale la place que sa puissance lui donne naturellement, et redynamise des institutions souvent en quête de légitimité. À deux réserves près. D’une part, il n’y a plus, si tant est qu’il y en ait jamais eu, de gouvernance économique mondiale. La multiplication des banques de développement, dont on rappelle qu’elles sont financées par le contribuable pour pallier de supposées failles de marché, a généré un inextricable réseau d’investissements croisés, chaque pays étant actionnaire du plus grand nombre possible de banques, et chaque banque opérant selon des mandats subtilement divergents dans des zones géographiques qui se recoupent en grande partie. Rien qu’en Afrique du Nord, vous trouvez désormais, sagement alignés dans les salons d’attente des ministères, les fonctionnaires de la Banque mondiale, la Société financière internationale, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement, la Banque européenne d’investissement, la BERD, sans compter les institutions bilatérales comme l’Agence française de développement, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (son équivalent allemand), le FMO (néerlandais), etc. Le temps passé à la « coordination » entre les différents projets, les luttes de pouvoir inévitables entre les uns et les autres, la complexité de processus décisionnaires qui réunissent des dizaines de pays différents, ont transformé le monde du développement public en un labyrinthe bureaucratique à l’échelle internationale, dont les États les plus agiles tirent profit pour mieux promouvoir leurs intérêts nationaux.

D’autre part, la montée en puissance de la Chine pose d’importantes questions de principe. La BERD, par exemple, a été fondée après la chute du « rideau de fer » pour financer la transition de l’ancien bloc de l’Est. Elle est ainsi censée investir dans des pays « engagés en faveur de l’économie de marché et la démocratie multipartite ». N’est-il pas paradoxal de la voir accueillir un actionnaire officiellement marxiste maoïste, qui poursuit sans sourciller une politique intérieure répressive ? La BERD reconnaît, elle-même, dans son communiqué que cet accord lui permettra de travailler avec des grandes entreprises chinoises liées au gouvernement : s’agit-il donc de promouvoir l’économie de marché ou de renforcer les intérêts du capitalisme d’État ? Inversement, les articles fondateurs de l’AIIB mentionnent le développement économique, l’amélioration des infrastructures et la coopération régionale, mais ignorent superbement l’idée de « marchés », sans parler, bien sûr, des libertés politiques. Les banques de développement poursuivent-elles encore un autre but que leur propre développement, au risque de brûler l’argent public et d’étouffer les initiatives privées ?

Force est de constater que le système d’investissement public, hérité des accords de Bretton Woods, est aujourd’hui caduc. Fondé après-guerre sur les principes d’ouverture commerciale et d’autodétermination politique inscrits dans la Charte de l’Atlantique, il se retrouve aujourd’hui débordé par sa croissance tentaculaire, et prisonnier de ses propres contradictions. Il serait temps de convoquer un nouveau Bretton Woods, simplifiant drastiquement l’architecture internationale des banques de développement et énonçant les principes politiques et économiques sur lesquels le monde pourrait s’entendre pour le siècle à venir.

  • Article initialement publié sur le site des Échos

Sur le web

Lire sur Contrepoints notre dossier spécial Chine

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  • D’accord avec l’analyse, mais convoquer un nouveau Bretton Woods ne conduirait-il pas à des décisions collectives renforçant encore la gabegie actuelle ? Ne faut-il pas développer un système d’investissement privé qui contourne et supplante le système public, plutôt qu’espérer que ce dernier se fasse hara-kiri dans un éclair soudain et inattendu de lucidité ?

  • un nouveau bretton woods serait avant tout utile pour faire cesser les manipulations monétaires des banqeus centrales, qui sont, faut-il encore le rappeler ettoujours le rappeler, à l’origine des cycles de crises que nous vivons, et de la baisse continue des taux de croissance ?

    manipuler la monnaie ne sert qu’à renforcer la mauvaise allocation du capital.

  • “Un nouveau Bretton Woods” : cela semble nécessaire si l’ensemble des Nations pouvaient définir des règles équitables de création des monnaies et, par là même, définir des règles de cotation des monnaies les unes avec les autres.
    Pour l’heure, nous sommes et, nous demeureront encore longtemps, sous l’emprise du dollar.
    Nous sommes donc dépendants directement ou indirectement de la politique monétaire des USA.
    Dans ces conditions pourquoi l’oncle Sam accepterait il de perdre une hégémonie de fait qui lui a permis de financer sa relative prospérité économique.

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