Géants du Net : les taxer pourrait nous coûter une fortune

C’est notre conception d’un Internet libre et démocratique qui est ici en question.

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Géants du Net : les taxer pourrait nous coûter une fortune

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 février 2015
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Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Google CC Carlos Luna
Google CC Carlos Luna

 

La régulation de l’économie numérique et d’Internet est un sujet structurel et lancinant, qui revient de façon répétitive dans le débat public, en France et ailleurs, ces dernières années. Cette semaine, c’est la Federal Communications Commission américaine (FCC) qui a remis un nouveau volumineux plan à ce sujet, qui prévoit des réglementations à la pelle. Dans le même temps, Fleur Pellerin, ministre de la culture, vient de proposer une nouvelle taxe sur « le débit » pour faire payer les groupes étrangers du web. Derrière les considérations techniques, l’enjeu est important : c’est notre conception d’un Internet libre et démocratique qui est en question.

En décembre 2012, près de 200 États s’étaient réunis à Dubaï pour discuter de la régulation d’Internet.

La France a toujours été en pointe dans ce débat, trop inquiète de laisser le gouvernement américain exercer seul le contrôle des infrastructures du Net. Sans grande surprise, les plus fervents défenseurs du sujet restent néanmoins les États les plus autoritaires : ceux-ci n’aiment pas beaucoup l’espace de créativité et de liberté qu’est Internet.

La Chine est en pointe sur le sujet : The Economist relève ainsi que Pékin a engagé récemment une offensive de choc pour renforcer le contrôle – et pour tout dire, la censure – du réseau. Les réseaux privés sont ainsi désormais fortement contraints et l’accès à Google a été réduit drastiquement au nom de la souveraineté de la Chine sur son cyber-espace. Elle n’est pas seule : en 2012, l’Éthiopie avait banni Skype.

Les États démocratiques ne sont pas en reste : d’une manière très différente, mais significative, ils s’immiscent dans le fonctionnement d’Internet. Google publie régulièrement les demandes que lui adressent les États, comme vient également de le faire Twitter :  le rapport de la firme à l’oiseau bleu indique que les requêtes ont augmenté de 40 % en 6 mois ! La France a ainsi transmis 35 demandes de retrait (mises en œuvre à 43 % par Twitter), contre 43 en Allemagne, 1 en Espagne, 22 au Royaume-Uni, 32 aux États-Unis et… 477 pour la seule Turquie !

Cette tendance présente plusieurs risques.

D’abord économiques. La balkanisation d’Internet que pourrait engendrer cette fragmentation ruinerait le projet même du « worldwide web ». L’intérêt de ce réseau est d’accélérer la communication et les échanges humains et économiques ; tous les freins seront également des obstacles pour la croissance. Cette dynamique néfaste imposerait également une forme de protectionnisme déguisé, qui serait « une taxe sur l’efficacité » du réseau et de ses principaux acteurs.

Les propositions fiscales en tous genres qui fleurissent pour faire payer les grands d’Internet s’inscrivent dans cette logique contre-productive : mises en œuvre de façon abrupte, elles pourraient avoir pour effet d’accroître les coûts des géants américains, lesquels n’hésiteront pas à les répercuter sur les consommateurs (vous et moi), soit en termes de prix (à la hausse) soit en termes de qualité de service (à la baisse). La course à la taxe, particulièrement en France, doit être une course de lenteur et de précision, plutôt qu’une précipitation maladroite qui pourrait nous coûter cher.

Les risques sont également politiques. La liberté d’expression est en jeu – et il n’est pas réellement prouvé que les États en soient les meilleurs défenseurs (ni d’ailleurs de la liberté économique). Les régulateurs auront vite fait d’imposer à leurs citoyens leur bonheur contre leur gré, quitte à porter atteinte à leurs libertés fondamentales. La multiplication de contraintes sur Internet serait une atteinte à la philosophie même du réseau, qui est un espace de créativité et de liberté. La vigilance est de mise !

Sur le web

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  • C’est exact.

    Bon article ! Merci!

  • Ça « craint » !

  • Internet et le Web ont profondément changé les relations économiques et les méthodes de travail dans les entreprises. Je pense donc que ceux qui se risqueront à vouloir contrôler le Web de façon unilatérale le paieront très cher économiquement et devront faire machine arrière.

    Par ailleurs Obama vient de monter au créneau sur le côté protectionniste des mesures anti-google, et je ne vois pas comment les bisounours pourraient être plus efficaces que dans tout autre domaine de libre concurrence qui les chagrinent. Les problèmes auxquels ils s’attaquent aujourd’hui datent de 10 ans. Leurs problèmes de demain sont en cours de développement logiciel dans des milliers de petites ou grosses entreprises ou même chez des particuliers sous forme de code open-source.

    La vigilance est de mise, mais non pas pour l’avenir d’internet – son indépendance est inscrite dans son architecture. Le danger est une fois de plus la perte d’efficacité, de compétitivité et de pouvoir de l’Europe et de la France en particulier.

    • « son indépendance est inscrite dans son architecture » : on peut s’inquiéter pour cette indépendance. S’ils parviennent à le taxer, cela signifiera sans l’ombre d’un doute que le système n’est plus indépendant. Il serait d’ailleurs intéressant qu’un expert nous éclaire sur une méthode crédible de taxation de la bande passante qui ne soit pas source de contentieux sans fin parce que, pour l’instant, ça ressemble à la chasse au dahu numérique pour ministère en mal de communication.

      • Ils sont capables de scier branche après branche. Et de faire pression sur les voisins pour qu’ils collaborent 🙁

      • Il faut simplement un portique internet !

        Chaque citoyen étant filtré, contrôlé puis ré-éduquer, et finalement taxé.

        C’est un process en plusieurs étapes, façon rasoir 4 lames. Ce rasoir est très bien car il ne fait pas saigner.
        Apres son passage, aucun poil ne dépasse.

        Bien entendu les élus auront un autre internet, ceux qui travaillent aussi.
        De même que celui qui travaille le dimanche sous la loi Macro.

        La petite dame, le fonctionnaire, etc….autant de tarifications, de lois et bien sûr de taxes différentes.

        Ah, que c’est bon le socialisme ! C’est sans fin, ça se mange sans faim.

      • Taxer sur BP de façon indifférenciée, c’est tuer les services qui consomment beaucoup de BP par utilisateur, c’est à dire les services de vidéos et les services de sauvegarde à distance.

        Donc il faudra différencier selon les services, et selon les types de contenus.

        Le gouvernement voudra analyser l’activité de chacun.

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