Les quatre biais de l’électeur (4) : le biais pessimiste

Au travers d’une série d’articles, voici les quatre biais de l’électeur décrits par l’économiste Bryan Caplan.

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Pessimisme (Crédits Carolina Valtuille, licence Creative Commons)

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Les quatre biais de l’électeur (4) : le biais pessimiste

Publié le 27 juin 2014
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Par Emmanuel Bourgerie

hong_kongDans son ouvrage The Myth of the Rational Voter, Bryan Caplan expose quatre biais que l’on retrouve systématiquement chez les électeurs. En tant qu’économiste, il s’est particulièrement attardé sur les points où les économistes et le grand public (et par extension les hommes politiques) sont systématiquement en opposition. Ces biais sont le biais anti-marché, le biais anti-étrangers, le biais pro-emploi et le biais pessimiste.

Je vais vous faire découvrir ces quatre biais au travers d’un série d’articles. Que vous soyez démocrate convaincu ou sceptique, il est important de combattre ces idées fausses qui nuisent au débat démocratique et poussent les politiques à prendre de mauvaises mesures sous les applaudissements de la population.

Le biais pessimiste est probablement le plus évident des quatre. Il suffit d’allumer votre poste de télévision à 20 heures pour voir de quoi je parle. Le journal télévisé obéit aux lois de l’offre et de la demande ; et ce faisant il diffuse ce que les gens ont envie de voir pour faire de l’audience. Concrètement, il montre le plus grand nombre de mauvaises nouvelles : crises, catastrophes, manifestations et autres meurtres.

Les gens ont une mémoire très sélective. Le biais pessimiste en est la manifestation concrète. Ce biais explique qu’il y a une tendance culturelle à surestimer les aspects négatifs et à sous-estimer les aspects positifs du présent, alors que dans le même temps nous avons une tendance contradictoire vis-à-vis du passé. Nous oublions combien ça a pu être difficile et nous surestimons les souvenirs positifs.

Le résultat est plus palpable en France qu’ailleurs, où tous les partis sont plus ou moins conservateurs, quand ils ne sont pas totalement réactionnaires. Ce sentiment de « c’était mieux avant » n’est pas chose neuve. Il serait tentant et extrêmement réducteur de penser que cette expression n’a jamais été prononcée auparavant. De tous temps, il y a eu des vieux pour se plaindre des jeunes générations, et de tous temps les jeunes ont grandi pour devenir ces vieux réacs. Platon déjà ruminait contre ces jeunes qui ne respectent pas leurs ainés.

Sauf que, lorsque l’on regarde les chiffres, non ce n’était pas « mieux avant ». Le temps de travail moyen avoisinait les 47 heures par semaine dans les années 60. Les salaires, une fois corrigés de l’inflation, n’étaient pas folichons, et tous les biens que nous considérons comme « normal » de posséder n’étaient réservés qu’à une élite. Songez que la première machine à laver commercialisée en France dans les années 50 coutait plusieurs années de salaire d’un ouvrier.

pessimisteSur certains points précis, sur une certaine période précise, on peut montrer que la situation s’est détériorée. Mais si l’on prend du recul, il est difficile d’affirmer que la vie était meilleure il y a un demi siècle. Les plus pauvres dans notre société actuelle ont un niveau de vie qui est incomparable avec celui des pauvres de cette époque. Aux États-Unis par exemple, 80% de ceux vivant sous le seuil de pauvreté aujourd’hui ont accès à l’air conditionné.

Et si l’on arrête le nombrilisme et que l’on regarde à l’échelle de la planète, alors le verdict est sans appel. L’extrême pauvreté descend plus vite que prévu, la Chine est passée en un demi siècle de la plus grande famine de l’histoire de l’humanité à exportateur de riz. De nombreux anciens pays soviétiques sont sortis de la misère et ont un niveau de vie comparable au nôtre.

Un autre aspect du biais pessimiste est la croyance dans des catastrophes imminentes. De tous temps, des prédictions alarmistes nous ont annoncé la fin du pétrole, l’effondrement du capitalisme, les pluies acides et des pénuries planétaires de nourriture à cause de la surpopulation. Devinez quoi ? Nous sommes toujours là, il y a toujours du pétrole et nous sommes maintenant 7 milliards d’individus, dont un milliard fraichement sorti de l’extrême pauvreté et, même si tout n’est pas rose, force est d’admettre que la fin du monde n’a pas eu lieu.

Ces prédictions catastrophistes jouent avec les peurs de la population, qui généralement les accueillent à bras ouverts, mais ne prend jamais le temps de vérifier si ces prédictions se sont réellement produites ou non. Entre Henry Adams, qui prophétisait en 1898 la fin du monde d’ici deux générations à cause de la surpopulation, et CNN qui annonçait des émeutes de la faim en Chine et au Pakistan pour 2013, ces oiseaux de mauvais augure nous annoncent catastrophe économique sur catastrophe économique et créent un climat délétère.

Lire aussi :

Les quatre biais de l’électeur : (1) Le biais anti-marché

Les quatre biais de l’électeur : (2) Le biais anti-étrangers

Les quatre biais de l’électeur : (3) Le biais pro-emploi

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  •  » non ce n’était pas « mieux avant ». Le temps de travail moyen avoisinait les 47 heures par semaine dans les années 60. Les salaires, une fois corrigés de l’inflation, n’étaient pas folichons, « Aux États-Unis par exemple, 80% de ceux vivant sous le seuil de pauvreté aujourd’hui ont accès à l’air conditionné. »

    Petit sondage : préférez vous être pauvre et avec un taf à vie il y a 40 ans, ou pauvre avec perspectives bouchées à vie aujourd’hui ?

    • « préférez vous… » : chaque époque a ses problèmes. On a tendance à idéaliser les époques passées comme autant d’âges d’or. En effet, parce qu’on ne subit pas leurs aspects négatifs, il est aisé de n’en retenir que les aspects positifs. Votre remarque, exacte par certains aspects, ne remet pas en cause l’observation objective que les pauvres aujourd’hui ont des conditions de vie moins mauvaises que ceux d’hier, et surtout que leur nombre est en chute rapide grâce aux marchés, pas à la suite d’un plan organisé par quelques fonctionnaires.

  • Inévitablement devenu pessimiste je constate qu il y a plu ou très rarement des possibilités de pouvoir trouver un travail pour toutes classes d age de ma couche sociale CAD vivant alentour de l aumone qu est un SMIC.c etait mieux avant est incontestablement vrai sur le plan de l emploi, dans ma petite ville de 5ooo âmes il y avait de nombreuses entreprises qui offraient des emplois, elle n avaient pas les reins brisées en ce temps la meme si ca en prenait le chemin, dorénavant c est « mort » pour user d un terme de « jeune ».Par le passé et meme il y a 1 siecle le citoyen pouvait croire en l avenir, l espérer prospère,de nos jours…qui n a pas deja vu, meme en tatouage « no futur »? Il n y a pas d avenir visible.
    L avenir? Un marecage brumeux.

  • En fait, ça pourrait ne pas être grave d’être pessimiste.

    Après tout, gouverner c’est prévoir.

    Mais si on regarde bien, les « démocraties » actuelles ne cherchent absolument pas à prendre en compte les risques/incertitudes sur l’avenir, elles les alimentent pour mieux accentuer leur ascendant sur une population de petits êtres serviles, démunis et couards.

    C’est un cercle vicieux, entretenu à dessein.

  • bryan caplan est un drôle d’économiste , il doit forcer sur la bouteille .que penser quant on voie l’état de
    la grèce ,le portugal , l’espagne, l’italie et bien d’autres, et les comptes en banque des chypriotes qui ont
    été bloqués et pillés par leur banque en accord avec le fmi et bruxelles . que penser , quant on demande a
    des dizaines de patrons si ils pensent embaucher ,que tous répondent que non ,et même certains
    parlent de débaucher . actuellement tout le monde est informé de tout . ce brayn caplan nous prend pour des
    imbéciles ainsi que ceux qui le paient pour sortir ces craques . pas brillant bryan.

  • Les commentaires sont fermés.

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