L’utopique planification optimale

Les « machines du communisme » promettaient d’élaborer le « plan parfait ».

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L’utopique planification optimale

Publié le 6 juin 2014
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Par Guillaume Nicoulaud.

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À la mort de Staline en 1953, s’il est un constat que tous partagent, c’est l’état de délabrement catastrophique de l’appareil de planification. La méthode des balances par laquelle le Gosplan assigne des quotas de production à toute l’économie soviétique n’est pas seulement profondément dysfonctionnelle : elle mobilise aussi un appareil bureaucratique colossal à tel point que la plupart des milliers d’ingénieurs que revendique l’Union soviétique sont en réalité exclusivement absorbés par des tâches administratives. Après la tentative de décentralisation avortée de Khrouchtchev – qui n’a abouti qu’à une chute de la production accompagnée d’un quasi-triplement des effectifs bureaucratiques – et le rétablissement d’une planification strictement centralisée, le problème se posait avec plus d’acuité que jamais : il fallait faire en sorte que ça marche.

Le plan parfait

Pour la première fois, la théorie de la planification va prendre le pas sur la pratique et toute une génération d’économistes et de mathématiciens – Vasily Nemchinov, Leonid Kantorovich ou Viktor Novozhilov pour ne citer que les plus éminents – vont se lancer dans la conceptualisation d’un optimum économique socialiste. Il faut bien mesurer l’ampleur de la tâche et ce qui la distingue d’un débat purement théorique. En cette fin des années 1950, la possibilité d’un calcul économique rationnel en économie socialiste est déjà un vieux débat : initié en 1920 par Ludwig von Mises1 qui affirmait que c’était impossible, il avait déjà mobilisé les plus brillants partisans de l’hypothèse socialiste à commencer par Oskar Lange2. L’entreprise dans laquelle vont se lancer les économistes-mathématiciens soviétiques ne consiste pas à participer à ce débat théorique mais, partant du principe que Mises se trompe, à construire un modèle de planification optimale qui n’a pas vocation à garnir les bibliothèques moscovites mais à être mis en œuvre pour de bon.

L’entreprise est colossale et, dès les premières tentatives, il apparaît clairement qu’une telle entreprise nécessitera un système de traitement et de transmission de l’information qui dépasse largement les capacités du Gosplan – fussent-elles déjà gigantesques. C’est pour faire face à cette limite technique qu’une solution va progressivement s’imposer dans les esprits, une nouvelle technologie importée de l’Ouest mais qui, en Union soviétique, va trouver un terrain d’application prodigieux : la cybernétique.

Les machines du communisme

Comme souvent en URSS, c’est un impératif militaire qui est à l’origine de l’affaire : en l’occurrence, l’implication de la recherche soviétique dans cette nouvelle technologie vise essentiellement à rattraper le retard pris sur l’armée américaine3. C’est donc sans grande surprise un militaire, l’ingénieur-colonel Anatoly Kitov, qui proposera en janvier 1959 le premier véritable plan d’informatisation du processus de planification ; idée proprement révolutionnaire qui, avec le soutien actif de plusieurs personnalités éminentes dont, notamment, celui de l’ingénieur-amiral Aksel Berg, va progressivement faire son chemin jusque dans le programme officiel adopté à l’issue du vingt-deuxième Congrès du Parti communiste en 1961.

Les opérations sérieuses commenceront véritablement en novembre 1962, lorsqu’Alexei Kosygin, l’ancien patron du Gosplan devenu numéro deux du régime, va lancer la superstar de la cybernétique soviétique sur le projet : Viktor Glushkov. Dès son premier projet, le directeur de l’Institut cybernétique de Kiev donne le ton : il est question de rien de moins qu’un gigantesque réseau informatique national capable non seulement de concevoir mais aussi d’assurer l’exécution du plan. L’idée n’est pas de créer un outil à la disposition du Gosplan mais de créer un outil pour remplacer le Gosplan.

Contrairement aux militaires, Glushkov va avoir l’intelligence de construire le pont qui séparait encore cybernéticiens et économistes en commençant à travailler activement avec le tout jeune Institut central d’économie mathématique (CEMI) de l’Académie des sciences d’URSS et notamment son premier directeur : Nikolay Fedorenko. C’est ce duo, Glushkov et Fedorenko, qui va être à l’origine de la plus grande tentative jamais entreprise de conception d’un système de planification optimale. Dès 1963, les « machines du communisme »4, telle que la presse populaire soviétique désigne désormais les ordinateurs, suscitent autant d’enthousiasme en Union soviétique que d’inquiétude aux États-Unis : s’ils parviennent à leur fins, espère-t-on d’un côté et craint-on de l’autre, Glushkov et Fedorenko pourrait bien consacrer la victoire totale du socialisme sur le capitalisme.

Noyés dans la complexité

Considérez bien ceci : primo, ils disposaient d’une véritable armée d’économistes, de mathématiciens et d’ingénieurs tous rompus à la pratique de la planification ; deuxio, ils ont bénéficié de moyens considérables dont – rêve de tous les économistes – la possibilité de tester leurs idées en conditions réelles ; tertio, cette aventure intellectuelle a duré plus de vingt ans. Mais malgré tout cela, le projet de Glushkov, même sous une forme édulcorée, n’a jamais vu le jour. Avec Fedorenko et ses équipes, ils ont bien produit quantité de modèles, pourvu le Gosplan et les ministères en ordinateurs mais le projet ultime, le système de planification optimale, n’est jamais sorti des archives du CEMI.

Il y a eu, bien sûr, l’écueil technologique. De l’aveu même de Glushkov, ce projet était plus complexe que le programme de conquête spatiale et la bombe atomique réunis et Fedorenko estimera plus tard qu’il lui faudrait pas moins de 30 millénaires de calculs pour préparer un plan complet et fonctionnel pour l’année suivante. En plus de cela, le projet a dû faire face à une résistance acharnée de la part des opérationnels qui craignaient d’être livrés à un Big Brother encore plus intrusif que les fonctionnaires, lesquels craignaient de perdre leurs prérogatives5 et des marxistes orthodoxes qui voyaient d’un œil mauvais ces modèles qui – effectivement – ressemblaient furieusement à ceux des néoclassiques de l’Ouest. Enfin, ils se sont aussi et surtout heurtés au plus fondamental des problèmes : concevoir, ne serait-ce qu’en théorie, un système de planification réellement fonctionnel.

En 1971, Rand corporation se lançait dans une étude approfondie des progrès soviétiques6 et notait avec étonnement que la plupart des travaux de Fedorenko restaient étrangement cantonnés à l’industrie chimique, son domaine d’expertise d’origine. Tout se passait comme si le titanesque programme de travail officiel du CEMI s’était progressivement réduit à quelques points de détail, de minuscules parcelles de l’économie soviétique qui semblaient, pourtant, poser d’insolubles problèmes aux équipes de l’Institut. En voulant concevoir un système de planification optimale, Glushkov, Fedorenko et tous ceux et celles qui s’y sont essayé se sont noyés dans la complexité. La conclusion d’Abel Aganbegyan, qui dirigeait à l’époque un programme de recherche similaire pour la Sibérie, tombera comme un couperet : « c’était une utopie, une illusion. »7

Où est votre plan ?

On sait aujourd’hui que les moyens informatiques dont disposait l’Union soviétique ont été largement surévalués par les observateurs occidentaux de l’époque ; la réalité était à l’image de tout le reste : c’était la pénurie. De fait, le CEMI a dû attendre 1967 pour recevoir son premier ordinateur : un Ural-14B parfaitement inadapté à des simulations à grande échelle8. Quand bien même, il va de soi que la puissance de calcul dont nous disposons aujourd’hui est sans aucune commune mesure avec ce que pouvaient espérer les cybernéticiens, mathématiciens et économistes de l’Union soviétique ; c’est-à-dire que les contraintes techniques qui se sont imposées à l’époque sont sans doute déjà levées ou sur le point de l’être.

Autrement dit, si l’on omet les éventuelles objections des uns et des autres, il ne reste aujourd’hui qu’un seul véritable obstacle à la création du rêve de Glushkov : c’est le modèle lui-même. Malgré les efforts de l’Union soviétique et de quelques autres9, l’hypothèse socialiste en est toujours là : aucun système de planification n’a jamais réellement fonctionné et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Jusqu’à preuve du contraire, Ludwig von Mises avait bel et bien raison : aucun calcul économique rationnel n’est possible dans une économie socialiste.

Mais qui peut dire ce que l’avenir nous réserve ? Peut-être qu’après tout, il se trouvera quelqu’un, un beau jour, pour relever ce gant bientôt centenaire. À titre personnel, je n’y crois pas mais je veux bien être surpris. Le seul message que j’ai à adresser aux anticapitalistes de tous bords se résume en peu de mots : dire que vous souhaitez abandonner l’économie de marché – peu importe vos raisons – ne suffit pas : vous devez d’abord présenter une alternative crédible. Si nous devons retenir au moins une leçon de l’expérience soviétique, c’est qu’une entreprise de planification économique ne se résume pas à quelques mots jetés au hasard d’un programme politique10 : c’est un sujet on ne peut plus sérieux, c’est un sujet vital. En un mot : à supposer que vous en ayez un, montrez-nous votre plan !


Sur le web.

  1. Ludwig von Mises, Le calcul économique en régime socialiste (1920).
  2. Oskar Lange, On the Economic Theory of Socialism (1936).
  3. Le système SAGE (pour Semi-Automatic Ground Environment) est opérationnel dès la fin des années 1950.
  4. On rappellera ici que le communisme, en Union soviétique, a toujours été l’objectif proclamé – et réaffirmé maintes fois – et que le socialisme était considéré comme une phase de transition vers le communisme.
  5. Slava Gerovitch, InterNyet: why the Soviet Union did not build a nationwide computer network (2008).
  6. Simon Kassel, Soviet Cybernetics Research : A Preliminary Study of Organizations and Personalities (décembre 1971).
  7. Voir le documentaire Pandora’s Box — The Engineers’ Plot (Adam Curtis pour la BBC, 1992) dans lequel vous rencontrerez Fedorenko ainsi qu’Aganbegyan (qui omet de préciser que lui aussi y a cru !).
  8. Slava Gerovitch, The cybernetics scare and the origins of the Internet (2010).
  9. Notamment le système Cybersyn au Chili sous Allende.
  10. La « Planification écologique » du Front de gauche comme la « Planification stratégique de la réindustrialisation » du Front national ne restent, encore à ce jour, que des mots sans aucune substance.
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  • Il y a la fiabilité de l’information, de sa remontée. Vous êtes responsable d’un kolkhoze ou d’un complexe militaro-industriel soumis à un quota de production inatteignable. Vous allez déclarer des productions farfelues pour éviter le goulag. C’est ainsi que l’URSS était 1ère puissance mondiale et la RDA 6ème. Un responsable d’un complexe se faisait tancer par Moscou qui n’avait pas reçu son rapport de production. Il s’est trouvé contraint d’arracher du papier-peint pour remplir cette formalité…

  • ASSOCIATION POUR LA MEMOIRE DES CRIMES HISTORIQUES ET ACTUELS DU COMMUNISME: https://www.facebook.com/pages/AMCHAC/166611226830060

  • Guillaume,

    J’ai beaucoup apprécié votre article et l’ai trouvé très intéressant. Néanmoins, je pense que dans les conclusions que vous tirez vous passez à côté d’un point important.
    Il est vrai que Mises estimait que sans système de marché avec des prix, aucune prévision rationnelle centralisée n’était possible car on est dans le l’obscurité totale, incapable de connaitre les conditions de production d’un bien ou d’un service. Cependant, vous omettez que, même avec un système de fixation des prix, le plannisme est détestable car il prétend connaitre les besoins et les désirs des individus, il entend les déterminer à leur place. Or, personne ne pourra jamais savoir ce que les individus veulent et, à plus forte raison, ce qui est susceptible de les rendre heureux.
    En conséquence, je vous trouve trop optimiste lorsque vous doutez grandement que l’on puisse élaborer un tel plan, puisque cela est en fait impossible. Il n’y a donc ni défi à relever, ni attente à avoir…

    Bien cordialement,

    • « Il n’y a donc ni défi à relever, ni attente à avoir » : c’est bien pourquoi il est divertissant de proposer aux collectivistes de relever le défi.

      Ceci dit, c’est une erreur de penser que les collectivistes essayent de connaître les besoins et les désirs des individus. Dès le début de l’aventure socialiste, ils ont en réalité choisi de décréter ces besoins. Et lorsqu’on décrète les besoins d’autrui, on se contente évidemment de sa survie, et encore, pas pour tout le monde. C’est ainsi que le socialisme conduit inexorablement les populations à la pauvreté absolue et au massacre de masse.

      Le socialisme, même partiellement appliqué, est une barbarie incompatible avec la civilisation humaine.

    • Bonjour,
      Pas nécessairement : les théoriciens (dès le début) et les praticiens (à partir des années 1970 en URSS) du plan ont cherché à qualifier la demande pour guider la production. Typiquement, le Gosplan a vu venir la mode des chaussures à semelles compensées et a lancé la production pour répondre à cette demande… trop tard, la mode était passée (véridique !)
      Voir là : http://youtu.be/h3gwyHNo7MI (vers 40′)

  • le seul « gosplan » du socialisme est prendre et de rester au pouvoir,il fonctionne assez bien(malheureusement)

  • Le but ultime du socialisme : réduire l’Homme à un simple rouage.

  • Les idéologies qui renient, détruisent, altèrent le système de prix, s’amputent ab initio du plus vieux, du plus naturel, du plus simple, du plus décentralisé, et du plus efficient des systèmes d’information (et donc d’organisation) jamais inventés par l’Homme.

    La fonction de prix dépend fondamentalement du libre-arbitre de l’individu, et pour s’en extraire totalement il est nécessaire de subordonner totalement l’individu, de le réifier en un simple processus.

    Les idéologies qui violent le système de prix, violent inévitablement les droits individuels et la nature même de l’Homme à savoir sa sociabilité et sa raison, ces idéologies sont par essence, instables, dangereuses, (le mot n’est pas fort) inhumaine.

    Le socialisme scientifique c’est un peu la recherche du problème P = NP…

  • Bon article, mais … article de libéral, pour des libéraux.

    Le fond de l’affaire, c’est que la « valeur » d’un objet de consommation reste une appréciation individuelle irrationnelle, et donc évidemment, quasiment par définition, ingérable par un outil de calcul rationnel.

    Mais l’organisation collectiviste n’a que foutre de la valeur (subjective). Elle est fondée sur des « besoins », conçus comme objectifs.
    Elle ne suivra jamais la mode, mais elle est parfaitement capable de vous livrer chaque année X paire de chaussures et Y tenues complètes, standardisées, et de calculer combien de caoutchouc, de coton et d’énergie il a besoin pour les produire et les livrer, et ainsi de suite.
    D’ailleurs la planification économique existe et est très développée au sein des entreprises. EDF et la SNCF fonctionnent (plus ou moins bien , certes … mais elles fonctionnent).

    Ainsi, le « plan », il existe, il est notoire : fermer les centrales nucléaires, multiplier les éoliennes, remplir les champs de « petits producteurs » bio, jeter dehors Google au profit d’une nouvelle ORTF autogérée, restaurer les PTT (avec un nouveau département « internet » …). etc. Ce qui évidemment ne donnera pas un bon résultat d’un point de vue libéral, mais … c’est le but !!!

    • Bonsoir
      « article de libéral, pour des libéraux. »
      Tout à fait
      La critique libérale utilitariste qui consiste à démontrer que le système planiste ne fonctionne pas n’est pas recevable pour les socialistes, même, elle n’est pas dans leur champ conceptuel.
      On peut leur démontrer que la production va s »effondrer, que la qualité aussi, qu’importe c’est justement leur but, entraver le fonctionnement normal de l’économie et instaurer une vision totalitaire de la production.
      Les socialistes sont anti-libéraux, ils veulent tout les pouvoirs et aussi le pouvoir économique et se moquent du plaisir consumériste du petit peuple qu’ils méprisent.

  • L’ironie dans tout cela, c’est que la folie de la planification centralisée n’est jamais disparue! En effet, la planification centralisée peut prendre plusieurs formes et plusieurs noms.

    Notamment, la finance internationale est une machine de planification centralisée qui dépasse l’ampleur de tous les régimes communistes réunis!

    Les fonds d’investissements sont constitués des épargnes de millions de citoyens qui sont ensuite dirigés non pas selon la volontée éclairée de chaque investisseur individuel, mais selon l’analyse d’un gestionnaire de portefeuille.

    L’idée que le gestionnaire de porte-feuille réalise des investissements optimaux fondés sur rien de moins que la même bonne vieille recette: économistes-mathématiciens ordinateurs et illusion de prestige. Suffit de porter un beau complet et d’afficher un air confiant pour que n’importe quel épargnant dépose ses liasses et signe la décharge. On vous promet 3% de rendement et pour le reste, pas nécessaire de connaitre les détails.

    • Toute petite différence…
      Les investisseurs, les futurs retraités, ont le choix. Ils peuvent allouer leurs ressources à l’épargne où à la consommation, et dans le cas où ils choisissent l’épargne ils peuvent choisir les gérants. En cas d’insatisfaction, il peuvent partir (et le font fort souvent). La concurrence entre les fonds fonctionne très bien. C’est un système de marché pour une fois assez bien mis en place.

      Les deux petits problèmes du système sont tout autres : 1° la gestion pour compte d’autrui ou gestion collective est réglementée à un point inimaginable. De fait, ni l’investisseur ni le gérant n’ont pleinement le choix de ce qu’ils font. 2° les banques centrales et les gouvernement créant de la monnaie de façon artificielle, toute activité tournant autour de la monnaie et de son usage risque le malinvestissement. C’est très visible aujourd’hui où les marchés sont en régime de formation de bulles du fait de l’injection de crédit à tout va par les gouvernement, que les banques n’arrivent pas à placer à des entreprises et particuliers qui sont au contraire en train de réduire la voilure.

  • quand j’allais a Moscow Il y a plus de 45 ans je trouvais que la taille des taies d’oreillers augmentaient chaque année L’explication m’en fut donnée qq années plus tard
    Le plan quinquenal
    Il prevoyait une croissance des champs de coton et autre de 5% par an et les filatures les manufactures devaient aussi suivre comme le marché ne suivait pas il fallait bien trouver un systeme d’ou l’augmentation de la taille des tete d’oreillers et autres Vive la planification

  • A l’auteur:

    Une minime correction historique si vous me permettez.

    Le débat sur l’impossibilité du calcul économique en régime planifié n’a pas été initié par Von Mises.

    Barone en 1908 en a fait la démonstration mathématique et d’autres auteurs en tout cas dès le début du 20ème l’avaient compris et commençaient à en parler.

    La référence: Barone, E. (1908). « Il Ministro della Produzione nello Stato Collettivista », Giornale degli Economisti, Sept./Oct., 2, pp. 267–293, 392-414.

    L’un de ceux chez qui c’est le plus clair c’est Bourguin qui pose en 1906 le problème d’une façon assez proche de celle de Von Mises dans un livre intitulé: « Les systèmes socialistes et l’évolution économique « .

    Et dans mes lectures j’ai déjà croisé l’idée exprimée ou évoquée, même si pas complètement développée, chez d’autres auteurs dont notamment Pareto, déjà bien avant, en l’occurrence à la fin du 19ème, mais je ne me souviens plus des sources exactes.

    Ceci étant dit, j’adore vos articles.

  • Si la planification ne marchait pas du tout, la France ne serait pas la 5ème puissance économique mondiale…

    • Tout le monde planifie (ou presque ; il n’y a guère que l’état, paradoxalement, qui est totalement incapable de planifier…), et évidemment que ça marche

    • Très mauvais argument.

      Imagine que tous les pays soient complètement communistes, avec des variations entre eux dans la façon d’implémenter la planification économique. Imagine ça en 1980 avec l’union soviétique dans un état de délabrement et de ruine économique comparable à celui qu’on lui a vu.

      Et là arrive un type qui sort du politbüro moscovite, qui se rend sur la place rouge, et qui dit tout content devant le micro à la foule dubitative qui manque de tout : « Si la planification ne marchait pas du tout, l’union soviétique ne serait pas la 5ème puissance économique mondiale ».

      Est-ce qu’avec ma boutade tu entraperçois la lacune de ton argument ou est-ce que je dois l’expliciter?

    • Et je t’épargne la faiblesse de ton argument qui réduit à néant la prétention si on regarde la valeur de la production par tête en PPA…….

    • si la france est 5 puissance économique c’est malgré la planification et non pas grace à la planification. La france a beaucoup d’atouts et a été pendant longtemps l’une des plus grandes puissances mondiales ce n’est pas la planification qui a fait de la france une grande puissance mondiale elle était une grande puissance avant la planification

  • bien que je sois un libéral convaincu, je trouve très excessif de dire que la France vive dans une économie de plan…

    • Bah pourtant il m’en semble qu’on a bien toujours un « commissariat au plan » même si on n’en parle plus trop…

      • Le commissariat général au plan n’existe plus depuis 2005, il n’a pas fait de plan depuis Mitterrand et même à son apogée son influence était extrêmement faible dans l’économie.

  • Dans l’article des universitaires britanniques Paul Cockshott, économiste et Allin Cottrell, spécialiste en informatique, « Economic planning, computers and labor values » (1999), il a été calculé que la recherche d’une solution itérative en valeur-travail pour 10 millions de produits dans une économie prendrait à peine 63,10 secondes pour un multicalculateur moderne, contre les fameuses 30 000 années (12 billions de secondes) auparavant avec une solution gaussienne ! En effet, « avec les ordinateurs modernes, on peut envisager de calculer une liste de valeurs-travail quotidiennement et de préparer un plan de perspective chaque semaine. C’est en quelque sorte plus rapide que ce qu’une économie de marché peut réaliser ».

    • Ça me semble soit très optimiste, soit très approximatif, soit les deux.
      La calibration d’un modèle pas trop approximatif (mais loin d’être très précis) pour du choix de portefeuille ou de l’évaluation de dérivés sur les 25 actions du Dow Jones prend plusieurs minutes.
      Enfin, en vrai et pas dans le cadre virtuel d’une planification dont l’échec n’est pas bien grave pour celui qui la fait, puisqu’il n’y risque ni sa fortune ni sa réputation ni son boulot (comme le prouve l’historique fabuleux de l’INSEE dans les -bien plus simples à faire, et pourtant bien plus lentes- prévisions de croissance).

      • Je doute fortement qu’on utilise les mêmes procédés et les mêmes « machines » pour calculer les dérivés d’une Bourse. Les calculs de Cockshott et Cottrell sont fondés simplement : ils ont pris pour exemple un superordinateur (de 1999) avec une vitesse de 10 milliards de calculs par seconde et ils l’ont mis en rapport avec le nombre de calculs à faire avec une solution itérative, dans un exemple de 1993 ils avaient trouvé 17 minutes avec un superordinateur plus faible. Oui le progrès technologique est exponentiel ; aujourd’hui la vitesse des meilleurs superordinateurs sont de l’ordre de plusieurs millions de milliards d’opérations par seconde. Si me je souviens bien on en est déjà à faire des simulations du monde réel.

        • Parce que vous croyez que les centres de recherche actuels (banques ou universités) n’ont pas des super-calculateurs de course ?
          Et votre PC de bureau est déjà, certainement, plus performant que le « superordinateur » de 1993. Et que là où il y a vraiment de l’argent à faire en calculant vite il y a des machines moins performantes que dans les officines publiques ? C’est plutôt l’inverse.

          Et les « simulations du monde réel » ça ne marchera que lorsqu’on saura le modéliser correctement. On en est très très loin, nonobstant les puissances de calcul cumulées de tous les superordinateurs de la planète.

        • Et le calcul d’une solution (et une seule) d’un problème de planification d’une économie, même avec un superordinateur ne peut pas prendre aussi peu de temps. Sauf à être violemment simplifié. Et là, ben in fine ça ne marche pas du tout… Alors le temps d’arriver par itération à une convergence acceptable, on doit dépasser le siècle. A vue de pif, et si on ne simplifie pas trop. Ce qui serait malgré tout trop… 😉

          • Ça ne peut pas prendre plus d’un siècle, l’avantage de l’itération c’est justement que c’est simplifié. Si vous n’êtes pas convaincu des bienfaits de l’informatique moderne pour la pratique de la planification je vous conseille de jeter un coup d’œil sur les travaux des deux auteurs cités sur l’économie planifiée dont l’essentiel est disponible ici (malheureusement en anglais pour la quasi-totalité) : http://ricardo.ecn.wfu.edu/~cottrell/socialism_book/

            Sur les simulations du monde réel, vous êtes encore pessimiste (bien que les difficultés soient réelles), Bijan Davari disait (en 2008) « Nous nous rapprochons de la simulation du monde réel… La latence des calculs est si faible que, à toutes fins pratiques, il est en temps réel ».

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