Made in France, E15 : « Le permis Inter-pas-net »

Tranches de vie ordinaires en République Démocratique (et Populaire) Française, imaginées mais pas dénuées de réalité – Épisode 15 : « Le permis Inter-pas-net. »

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
internet-seriousbizness.jpg

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Made in France, E15 : « Le permis Inter-pas-net »

Publié le 16 mai 2014
- A +

Par h16 et Baptiste Créteur.

Les membres solidement attachés à un parpaing, des millions de Français entrent de plain-pied dans un monde nouveau que certains ont fantasmé et que tant d’autres ont redouté, où la technologie, sous l’œil bienveillant de l’État, simplifie notre quotidien (parfois à coup de pelle dans la nuque).

Cet œil bienveillant nous scrute : il scrute nos transactions bancaires et notre épargne, nos e-mails et messages personnels, nos photos et nos (lol)chats, nos forums et nos blogs. La finance était sans visage ; l’État lui en a trouvé un. Il connaît intimement les citoyens, même sans reproche. Et désormais, avant de nous laisser seuls dans le grand bain au milieu des caméras tels une Loana jadis dans la piscine, l’État va nous apprendre Internet et nous y encadrer finement. Pour cela, il va nous faire passer un Permis Internet.

permiternetLe Permis Internet est né dans le cerveau turbulent d’un jeune conseiller ministériel aux mains oisives et aux pulsions d’asservissement mal contrôlées. Selon lui, pour lutter contre la cybercriminalité, les pédonazis et les amateurs de porno amateur, quoi de mieux qu’un permis ? Dans l’histoire de l’État, rarement invention avait autant renversé la vapeur. Avant lui, l’action était possible par défaut et l’État parfois interdisait ; il était méchant. Depuis, l’action est habituellement interdite et l’État parfois autorise ; il est donc gentil. Mieux : il devient nécessaire puisque sans lui, qui donnera les autorisations ?

Construire une maison sur un terrain qui vous appartient ? On verra. Servir de l’alcool à des majeurs avertis ? Pas sans licence, mon gars. Conduire une voiture ? Oh oh, vous n’y pensez pas ! De la viande que nous pourrions aussi servir à nos alliés ? Il faut un ticket. Quoi de mieux, dès lors, qu’un permis pour l’usage d’Internet ? Comme le dirait n’importe quel politicien avide de régulation,

♫ Internet, c’est un espace de liberté, mais c’est aussi un espace de danger ♫ …

pedobear - tu as quel ageEt pour avancer en politique, c’est bien comme espace de danger qu’on va le présenter. Ça tombe bien : les enfants et adolescents ne sont pas en sécurité sur Internet. Notez que les personnes âgées non plus, mais la gérontophilie est un sujet nettement moins porteur. L’enfant est innocent et représente l’avenir, que voulez-vous. C’est petit, c’est mignon, c’est bankable sur le plan médiatique.

Et c’est donc à l’école qu’aura lieu l’endoctrinement l’apprentissage de l’Internet Citoyen, ce lieu de vivre-ensemble virtuel. Car rien de tel que l’école, citoyenne, républicaine (et souvent festive, d’ailleurs) pour habituer les enfants à l’idée qu’ils ont besoin d’une autorisation pour faire quoi que ce soit. Le maître d’école peut refuser à l’enfant d’aller aux toilettes, l’État peut refuser qu’on conduise une voiture, pourquoi pas refuser qu’on pilote sa souris sur les intertubes sans foi ni loi ? Il y avait déjà la sécurité routière à l’école, avec un Brevet de Sécurité Routière, maintenant il y aura désormais le permis Internet.

Après quelques séances de brainstorming, le cabinet tout entier parvient à un accord sur le nom. Loin devant « Perminator » et « DerPermis », c’est le « Permiternet » qui suscite le plus grand enthousiasme. Avec le Permiternet, une nouvelle ère s’annonce ! Fini le casse-tête de trouver les bons relais presse pour limiter la visibilité des critiques de l’IVG. Finies les manœuvres complexes pour faire disparaître le phishing, les pédophiles, les intégristes et les pédonéo-nazis (parfois même turbo-libéraux). En créant un permis pour un web citoyen, tout est réglé. Les dangers d’une information libre et non contrôlée sont maîtrisés, puisqu’il n’y a plus d’information folle non contrôlée !

Bien sûr, il faut ensuite trouver un promoteur au permis Internet. Pour cela, rien de tel que les réseaux, pas numériques mais d’influence : quelqu’un dans un ministère connaît un copain quelque part dans une compagnie d’assurances et hop ! Voilà Axa dans les écoles délivrant aux futurs citoyens leur « Permiternet ». Tout le monde y gagne !

♥ Les enfants découvrent l’Internet fiable et les sites d’information de l’État.
♥ Les parents découvrent les offres « Protection Internet » d’Axa dans le petit fascicule (aussi présent en PDF sur la clé USB offerte aux parents).
♥ Les ministres mettent en place une action rassurante pour les parents, résolument tournée vers le numérique.
♥ Le collectivisme avance en faisant de petits bonds joyeux, renforçant l’idée qu’il faut une autorisation et un permis pour tout.

Tout le monde y gagne, sauf Kevin, 12 ans, élève de CM2. Jugé par ses professeurs comme un élève « à potentiel mais dissipé », Kevin serait plutôt considéré par les spécialistes comme un grand surdoué.

pas de pedonazis sur les interwebsKevin connait très bien Internet et ses dangers. Il n’a jamais trouvé nécessaire la présence d’un adulte pour utiliser un ordinateur, surtout si un filtre parental le protège des sites malveillants ou impropres à son jeune âge. Il a, seul, beaucoup appris en ligne : entre cours gratuits en ligne et films documentaires, Kevin, entre deux lolcats trop mignons et des hamsters rigolos, utilise Internet pour échanger conseils et astuces avec ses amis en ligne, qui, hasard ou lucidité, peu importe, ne sont pas des pédonazis. Mieux : sans en avoir parlé à ses parents, qui, de toute façon, sont un peu largués par ces questions, Kevin apprend seul à programmer et coder, et rêve même de créer des jeux vidéos.

Non, il n’a pas vraiment le profil le plus adapté à l’École Égalitaire Et Républicaine. Et aujourd’hui, son inadaptation culmine avec un cuisant échec : Kevin est recalé au Permiternet. Il est et restera jusqu’à la fin de l’année la risée de la cour d’école et le paria du préau, un noob de première catégorie, owned par le Permiternet, pwned par l’EdNat, NoScope360 de Benoît Hamon et SpawnKill de Vincent Peillon. La grosse te-hon.

va sur internet - sans permisMais ce qu’il ne sait pas encore, c’est que dans quelques années, il aura l’occasion de mettre tout cela derrière lui. En effet, le frétillant conseiller ministériel à l’origine du Permiternet sera alors une étoile montante de la politique française. Beau parleur et pipotron de combat, il sera présenté comme l’inventeur d’un permis qui sera plébiscité, et il en profitera pour devenir le promoteur de deux nouveaux permis : le permis pour les Caddies de supermarché et le permis de conduire « vélo ».

Car il faut le rappeler :

♫ Si les ailes de supermarché et les pistes cyclables sont, certes, un espace de liberté, ils sont aussi et surtout un espace de dangers ♫ …

Jean-Philippe (dit Bronx) Espoir recevra alors une lettre du jeune adulte Kevin, lui racontant en détail son histoire et justifiant ses choix de réponse au test. Puis une autre quelques jours plus tard. Puis des tas d’autres, toutes laissées sans réponse comme la première. Jusqu’au jour où le leader politique recevra aussi dans l’enveloppe des photos compromettantes et documents confidentiels retrouvées par Kevin en piratant son disque dur. Pour mettre fin au harcèlement et préserver sa carrière politique — les photos le montrent en compagnie d’autres hommes politiques et de nombreuses mineures et les documents l’impliquent directement dans de nombreuses affaires criminelles — il enverra à Kevin un joli Permiternet signé de sa main.

De frustration, Kevin était devenu un cybercriminel, utilisant ses talents pour voler leurs données personnelles à des citoyens pas tous innocents. La première de ses victimes fut cette intervenante d’Axa qui organisait les formations au Permiternet. Kevin placarda discrètement le préau de photos de ses dernières soirées — pas du tout certifiées Web Citoyen…

Quitte à ne pas avoir le permis, autant être un pirate.

Vous vous reconnaissez dans cette histoire ? Vous pensez qu’elle ressemble à des douzaines de cas relatés par la presse ? Vous lui trouvez une résonance particulière dans votre vie ? N’hésitez pas à en faire part dans les commentaires ci-dessous !

Voir les commentaires (12)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (12)
  • Hors sujet:

    L’Etat Français est un système caractérisé par sa capacité à ruiner les gens. Les pays qui prêtent de l’argent à la France disent : à collecter (ou percevoir) les impôts. Le système ne tient qu’avec ça.

    Alors, faisons un petit tour en Italie, où le pouvoir se partage officiellement entre état et mafia.
    Vous remarquerez, que bien que le pouvoir et l’argent se découpent en 2 parts, qu’au final, l’Italie s’en sort mieux que la France.

    On peut donc en conclure que la France est un état-mafia qui absorbe et détruit les 3/4 des richesses Française à lui tout seul. Belle performance (record mondial même).

  • Le permis truc donnera avec précision les sites à ne pas consulter:
    Piratebay, pornhub, youporn, contrepoints…pire H16.

    Devant une telle déviance que fait la police ?

    Bah, elle se paluche devant internet avec les ministres en chantant la Marseillaise.
    Ségo, folle de rage, en train de se raser les jambes en pensant aux élections 2017 dénonça cette ignominie masculine. Beurk.

    Il faut absolument un permis internet pour les élus. C’est sur. A ranger à côter de la transparence de leur compte en banque. Clairement ils sont tous et toutes des pervers narcissique socialistes.

    Vive les pirates. Car il est injuste d’etre espionné sans pouvoir savoir par qui, ni pourquoi. C’est une nécessité d’avoir un contre pouvoir. Même illégal.

    • Piratebay, pornhub, youporn, contrepoints…pire H16.

      Devant une telle déviance que fait la police ?

      Il faut créer un label « PUR ».

  • C’est amusant, mais pourquoi ne pas se concentrer sur les monstrueuses casseroles actuelles plutôt que d’inventer des fictions qui ne feront, au mieux, que rire quelques libéraux ?

  • Jean-Philippe (dit Bronx) Espoir. Très bon 🙂

  • Chantal perrichon me souffle à l’instant que toutes les études ont démontré qu’un Permiternet à points permettrait de sauver des milliers de vies chaque année.

    • Oui, elle a une énorme responsabilité : combien d’ égarés pornos- internet perdent la vie en sodomisant le pot d’ échappement de leur bagnole arrêtée chauffé au rouge dans leur garage.

  • Franchement je suis pessimiste sur l’avenir d’Internet, maintenant ils ont leur « droit à l’oubli », un bel euphémisme pour censure de masse.

    • Bel exemple de créativité judiciaire surtout!

      Une information qui devait être publiée sur le Web, d’après la loi, ne doit plus être trouvable sur le Web par un outil effectuant un traitement automatique, d’après la loi…

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Internet rend toutes vos données publiques et éternelles. Or, chaque donnée peut vous porter préjudice ultérieurement.

Dans cet article, nous examinerons les mesures que vous pouvez prendre pour protéger les données de vos enfants et garantir leur sécurité en ligne.

 

Sensibiliser au risque

Les données alimentent notre traçage sur internet, et parfois des trafics douteux.

On trouve sur internet des reventes massives de comptes Facebook ou Instagram, de cartes bancaires pirates ou des photos illégales. De pl... Poursuivre la lecture

Par Nicole Saad Bembridge.

La Cour suprême vient d'entendre les arguments dans l'affaire Gonzalez contre Google. Selon les médias de tous les horizons idéologiques, elle déterminera l'avenir de la liberté d'expression sur Internet.

Les gros titres n'ont pas tort : une décision contre Google pourrait anéantir la loi essentielle à la liberté d'expression qui offre aux sites web la protection dont ils ont besoin pour accueillir les propos des utilisateurs. Mais l'affaire Gonzalez n'est que l'une des quelques affaires de liberté d'e... Poursuivre la lecture

Par Yannick Chatelain et Jean-Marc Huissoud.

 

En Chine, le pouvoir dispose de plus de 280 000 « fonctionnaires » rémunérés pour « fabriquer » l’opinion publique. Leur appellation ? La water army (l’armée de l’eau) créée en 2010. Cette « armée » se compose d’utilisateurs et utilisatrices – qui peuvent faire partie de firmes privées – rémunérés pour publier des commentaires en chinois sur des sites web selon les directives gouvernementales. Ils opèrent généralement sur les plateformes en ligne les plus prisées comme le site ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles