Pologne : affaire de prison secrète

La CIA a utilisé pendant plusieurs années une prison secrète en Pologne. Pour 15 millions de dollars, le pays a fermé les yeux.

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Pologne : affaire de prison secrète

Publié le 27 janvier 2014
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KiejkutyIl n’est pas facile pour l’homme de la rue de respecter la loi quand les politiciens, pour des raisons diverses, méprisent la Constitution. Il s’avère que n’importe quel prétexte est valable pour l’ignorer. Quand il faut rafistoler un budget pourri par des années d’absence de réformes, on ira puiser dans les économies des épargnants. Quand les citoyens sous l’influence de tabloïdes inspirés craignent la sortie d’un criminel de prison et n’ont pas confiance dans la police, on mettra en place des mesures pour assurer leur sécurité. Grâce à la publication du Washington Post, nous savons maintenant qu’il suffit parfois de 15 millions de dollars.

La CIA aurait payé cette somme aux services spéciaux polonais pour avoir accès à une prison secrète en Mazurie. Au début de l’année 2003, deux cartons d’argent en liquide devaient être envoyés par voie diplomatique de Berlin à l’ambassade américaine à Varsovie au colonel Andrzej Derlatka, vice-chef des Services de renseignements ainsi qu’à deux de ses collaborateurs. Selon le Washington Post, la prison secrète de Stare Kiejkuty, où la CIA a interrogé des prisonniers d’Al-Qaida, fut pour les Américains la plus importante de toutes les prisons secrètes ouvertes après les attentats du 11 Septembre. Nous ne savons pas ce qu’il est advenu de ces 15 millions. Les services polonais et américains n’ont pas voulu commenter cette affaire.

Il y a vingt-cinq ans encore, la Pologne était le satellite d’un seigneur étranger et la population, qui était alors aux mains du pouvoir socialiste des deux pays, a mis en œuvre un certain système de pensée et de comportement qui est caractérisé par une disponibilité et une soumission plutôt mal conçues. Dans la nouvelle Pologne démocratique, une partie de ces élites au pouvoir s’est maintenue dans la vie politique et même si elles se sont adaptées à de nouvelles conditions et attentes de l’électorat, cette socialisation perdure. Dans les années 2001-2003, Stare Kiejkuty en fut la résultante.

Bien entendu, il faut combattre le mal et le terrorisme en est une des formes les plus terribles dans notre monde contemporain. Mais si on a le plus élémentaire des sentiments que le combat du monde libéral-démocratique contre la terreur est aussi un combat de dimension éthique, on ne peut soutenir que le gagnant utilise des méthodes établies selon sa propre éthique, ses propres moyens et non conformes à la Constitution.

En Pologne, à cette époque, le chef du gouvernement est un homme disponible et digne de confiance, habitué à sa position de satellite. Comme on le constate, il lui a suffi ainsi qu’à ses collaborateurs de maigres cacahuètes, 15 millions dans deux boites en carton, pour fouler aux pieds ses propres lois fondamentales et dénigrer les valeurs sur lesquelles repose notre credo socio-politique. À bon marché, il faut bien le reconnaître.

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Articles originaux publiés sur liberte.pl et nczas.com
Traduit du polonais par Serge pour Contrepoints.

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  • J’espère que de telles méthodes cesserons!C’est pour ça qu’il faut une forte protection des droits fondamentaux et donc une constitution digne de ce nom…C’est malheureusement pas le cas en Pologne et encore moins en France…

  • Les commentaires sont fermés.

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Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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