La résurrection du rêve américain

Les États-Unis sont malades mais ont les bons anticorps pour s’en sortir.

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La résurrection du rêve américain

Publié le 29 octobre 2013
- A +

Par Alex Korbel.

Etats-Unis

Avec un titre comme cela, je devine ce que vous vous dites. Ce n’est pas le meilleur moment pour vanter les mérites des États-Unis.

Politiquement déchiré, le pays se donne en spectacle. Le gouvernement fédéral est faussement mis entre parenthèses et la dette publique est hors de contrôle. Beaucoup d’Américains souffrent des effets de la Grande Récession.

Au même moment, la position des États-Unis sur la scène internationale est au plus bas. Les alliés traditionnels de l’Amérique se sont étonnés de l’inaptitude de Washington à traiter la crise syrienne. Il a même fallu que Moscou – entre tous – lui sauve la mise.

Ce dernier fiasco arrive dans la foulée des tromperies de l’administration de George W. Bush. L’ensemble a durablement sapé l’un des plus grands atouts de l’Amérique : la foi en sa compétence.

Et pourtant. Les migrants du monde continuent de converger vers les États-Unis. Pourquoi ?

Comme un aimant

Là où j’ai grandi et étudié, dans la France Atlantique et au Canada, le désir de se rendre aux États-Unis était toujours au moins légèrement honteux. Les Français et les Canadiens aimaient critiquer le voisin d’en face ou d’en dessous, si sûr de lui, si belliqueux, tout en enviant son niveau de vie si confortable et en absorbant sa culture populaire jusqu’à la dernière goutte.

Faire des études supérieures aux États-Unis est encore vu comme une opportunité ; y trouver un travail (dans l’informatique, la communication, la finance) est toujours la promesse d’un avenir professionnel prometteur.

Le rêve américain est une promesse – ou plutôt quatre promesses en une seule : la promesse de l’égalité en droit, de la liberté, d’une prospérité matérielle et que les gains de la croissance soient partagés. Cette quadruple promesse attire les espoirs et les critiques du monde entier.

Une défiance et un désir d’Amérique

Comment expliquer cette ambiguïté ?

La cause est avant tout pratique. Oui, l’économie américaine est encore faible. Mais elle reste à la pointe dans des domaines comme l’énergie, la haute technologie et l’enseignement supérieur.

En élargissant considérablement les réserves accessibles de gaz naturel, la fracturation hydraulique (fracking) peut faire des États-Unis un pays exportateur de combustibles fossiles. Le prototypage rapide (mieux connu sous le nom d’impression 3D), la robotisation des automobiles et des poids lourds, le développement prochain des drones civils commerciaux, l’éducation supérieure en ligne sont des innovations passant rapidement du laboratoire au marché. Le résultat sera une augmentation de la prospérité et de la qualité de vie américaine dans les décennies à venir.

Quid des trois autres promesses ? Est-ce que les bénéfices du progrès technologique ont été et seront largement partagés ?

La base contre le sommet

L’Histoire américaine semble montrer que la classe moyenne américaine doit sans cesse se constituer en mouvements citoyens pour se battre contre l’oppression de l’État et contre le capitalisme de copinage afin d’accéder à la dignité et à la prospérité.

Régulièrement, le changement en Amérique est venu de mouvements populaires exigeant l’inclusion des groupes exclus : les abolitionnistes, les syndicats originaires, les suffragettes, les militants des droits civiques. Ces mouvements s’opposaient à l’appareil oppressif de l’État, à l’inégalité en droit, aux intérêts économiques favorisés par Washington, aux grands organes de presse et aux élites universitaires qui étaient tous contre toute extension de la richesse et du pouvoir politique aux Américains ordinaires.

Aujourd’hui, l’impuissance de la vaste majorité des Américains contre la fiscalité oppressive, le capitalisme d’État et l’espionnage domestique aboutit à leur exclusion du progrès économique. Symptôme de cette impuissance, l’endettement de l’État américain est la plus grande menace pour l’avenir des États-Unis en tant que nation de classe moyenne.

La menace de l’endettement

Penchons-nous sur ce problème d’endettement. Le gouvernement américain dépense plus d’argent qu’il perçoit en taxes. Pour compenser cet écart, il récolte des fonds en demandant aux investisseurs d’acheter des obligations du Trésor américain. Les investisseurs, tels que l’État chinois, l’État japonais et des fonds de retraites, le font parce que ces obligations sont considérées comme sûres pour y investir.

Si les États-Unis venaient à faire défaut, ils cesseraient de payer l’argent qu’ils devaient aux détenteurs d’obligations du Trésor américain. Personne ne sait exactement ce qui se passerait, mais il est probable que les États-Unis connaitraient une récession profonde, que les marchés à travers le monde plongeraient et que les taux d’intérêt augmenteraient (en effet, la valeur des obligations aurait diminué, car elles seraient perçues comme un investissement moins sûr).

Mais l’impact sur les créanciers des États-Unis pourrait être catastrophique. Le Japon, par exemple, possède l’équivalent de 20% de sa production économique annuelle en dette américaine.

Impossible de résoudre le problème de l’endettement américain sans s’attaquer à sa cause : l’écart entre les dépenses publiques et les recettes fiscales – soit en diminuant les dépenses de l’État (ce qui nécessiterait d’abord une prise de conscience de la population américaine, on en perçoit l’éclosion dans le mouvement des Tea Party), soit en augmentant les impôts (ce qui serait défavorable à la croissance économique et au progrès social comme on le voit aujourd’hui dans la sclérose européenne).

Le rêve américain pourrait se transformer en un cauchemar de stagnation économique et de hiérarchie sociale permanente basée sur la proximité avec le pouvoir.

Mais les difficultés rencontrées par les Américains d’aujourd’hui sont éclipsées par celles que d’autres Américains ont surmontées avec succès dans le passé. Encore et encore, du XVIIIème au XXème siècle, la république américaine s’est réinventée avec succès, par la base contre le sommet, en se réclamant du rêve américain, renforçant donc à chaque fois l’importance symbolique de cette quadruple promesse.

« Parfois, insurrection, c’est résurrection »1

Plus concrètement, bon nombre des manies américaines qui les font passer pour de doux dingues auprès du reste du monde – que ce soit l’acharnement avec lequel les Américains se battent contre le contrôle des armes à feu ou contre l’imposition d’une couverture médicale universelle – sont les manifestations visibles d’instincts profonds qui font des États-Unis un pays en renouvellement permanent.

L’esprit frondeur qui les pousse à se défier des réglementations invasives alimente leur soif d’innovation sans égale dans le monde. La croyance selon laquelle tout le monde peut tenter sa chance aux États-Unis conduit les Américains à rejeter l’introduction d’un filet social de sécurité sous une forme redistributive, mais entraîne aussi un dynamisme de création d’entreprises envié dans le monde entier. Leur intense individualisme produit une hostilité parfois irrationnelle envers leur gouvernement mais aussi une acceptation des étrangers qui choisissent de devenir citoyens américains.

Bref, les États-Unis sont malades mais ont les bons anticorps pour s’en sortir.

Il est difficile de se souvenir de cela lorsque l’on voit les États-Unis frôler l’abime. Mais cela permet d’expliquer pourquoi tant de personnes continuent d’y porter le regard.


Article originel publié sur 24hgold.com

  1. Victor Hugo, Les Misérables.
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  • Les américains ont chopé le Sida de la politique : le socialisme. La maladie est longue et extrêmement débilitante. le malade lorsqu’il s’en sort est tellement affaibli qu’il ne recouvre presque jamais toutes ses capacités.

  • Vous faites bien de le dire. Les USA vivent un attaque gauchiste sans précédent, avec tous les vices mortels de ce système, soutenue par une importation de candidats prédateurs.

    Mais l’américain est finalement peu préoccupé de politique, ce qui le sauve évidemment. C’est fondamentalement un homme libre et responsable, qui gagne son argent de poche à 9 ans, finance ses études à 20.000 euros/an sans gémir, peut perdre son emploi sur l’heure (le préavis n’existe pas) mais peut aussi bien avoir retrouvé du travail avant la fin de la journée (un patron qui peut facilement licencier engage facilement), adore son travail, au point de ne généralement pas prendre ses 15 jours de congé annuels. Il constitue tout seul sa retraite, met de l’argent de côté pour couvrir une éventuelle maladie (assurance ou autre type d’économie).

    Et quand il se brûle les fesses, il s’assied dessus ! 🙂 C’est l’esprit sportif : on ne gagne pas toujours, donc on recommence.

    Exactement le contraire des français .

    On peut donc tout craindre d’Obama and Co, mais savoir que les américains peuvent faire front à tout.

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