Les premières routes américaines… privées !

L’intervention de l’État est-elle nécessaire pour le développement des routes ?

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Les premières routes américaines… privées !

Publié le 17 octobre 2013
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Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec.

Aux dires de certains, sans intervention gouvernementale en la matière, nous ne bénéficierions que de très peu de routes et celles-ci coûteraient plus cher.

En fait, l’exemple des États-Unis du 19e siècle nous prouve que ce n’est pas le cas. On pourrait même en dire autant de l’Angleterre du 18e siècle, où le gouvernement a complètement échoué à développer un système de route adéquat. Ce sont des entreprises privées, les « private turnpike companies », qui ont développé, à partir de 1706, le système routier qui a permis la révolution industrielle.

Les Américains se sont inspiré du système britannique, et l’ont même amélioré. Les turnpikes britanniques étaient sous la forme de fiducies sans but lucratif financée par de la dette, alors que les turnpikes américains prirent la forme de corporations financées par capital-action qui pouvaient faire des profits et versaient potentiellement des dividendes. Cette dernière forme d’entreprise permettait beaucoup plus de flexibilité et donnait de meilleurs résultats.

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Avant 1792, les routes américaines étaient opérées par les gouvernements municipaux. Durant les trois premières décennies du 19e siècle, les Américains ont bâti plus de 10.000 miles de routes, surtout en Nouvelle-Angleterre et dans les États Mid-Atlantic. Ces « turnpikes » ont grandement amélioré le système routier de l’époque, qui était médiocre et peu étendu, ce qui nuisait au développement économique du pays.

Ces corporations puisaient leur capital de départ auprès des habitants des communautés que les routes allaient desservir. Contrairement à leurs homologues britanniques, elles pouvaient faire des profits et verser des dividendes, mais en général elles ne faisaient que couvrir leurs frais. Les bénéfices socio-économiques pour les communautés touchées étaient cependant très grands, ce qui justifiait l’investissement. Ainsi, le premier turnpike américain fut construit en 1792, entre Philadelphie et Lancaster en Pennsylvanie. Ce projet fut un grand succès, le péage valait nettement la peine vu la qualité de la route. Certains craignaient que ces corporations ne se comportent en monopole et augmentent les tarifs à des niveaux très élevés. Ce ne fut pas le cas, les tarifs étaient constamment inférieurs au maximum stipulé par la charte de façon à attirer le plus de trafic possible, car il y avait de la concurrence.

Il est intéressant de noter que ces corporations étaient très bien coordonnées. Elles étaient capable d’aligner et de standardiser leurs routes de façon à former un réseau cohérent. Ainsi, le fameux Pittsburgh Pike était en fait composé de cinq routes différentes construites par cinq corporations différentes. D’ailleurs, cette route était en concurrence avec la National Road, une route construite par le gouvernement (mais jamais complétée). Le gouvernement a dépensé 13.455$ par mille pour cette route, alors que le Pittsburgh Pike – le consortium privé – n’a coûté que 4.805$ par mille. Quant à la qualité, rien de comparable. Un ingénieur de l’armée déclara en 1832 que la National Road était « dans une condition choquante (…) certaines portions sont impraticables ». Les voyageurs préféraient nettement la Pittsburgh Pike, dont les revenus de péage étaient réinvestis dans l’entretien et les réparations, ce qui assurait la qualité de la route.

Ce sont les bateaux à vapeur et, plus tard, les chemins de fer, largement subventionnés par l’État, qui ont sonné le glas de la première ère des turnpikes américains (1792-1845). Cependant, une deuxième vague eu lieu durant la seconde moitié du 19e siècle, cette fois pour développer le Far West (le Colorado, le Nevada et la Californie). Ceci dit, à partir de 1880, l’interventionnisme étatique pris de plus en plus d’ampleur aux États-Unis. En 1893, le Département de l’agriculture commença à prendre le secteur en charge avec son « Office of Road Inquiry ».

Puis, en 1916, le gouvernement fédéral pris fermement le monopole des routes et s’opposa aux routes à péage privées. Le gouvernement commença alors à subventionner ce qui allait devenir le Interstate Highway System dont la construction allait débuter en 1956, et dont le coût de construction de 425 milliards de $ (dollars constants de 2006) allait en faire le plus grand projet de construction depuis les pyramides égyptiennes. Environ le quart des kilomètres parcourus aux États-Unis se font sur ce réseau. Cette œuvre gouvernementale allait être la plus grande subvention imaginable du transport automobile et de l’étalement urbain, deux « fléaux » aujourd’hui dénoncés par la gauche écologiste. Cette sur-expansion des routes est pourtant attribuables aux politiques keynésiennes du gouvernement, influencé par les lobbys de l’automobile, du pétrole et de la construction, sans oublier les syndicats. L’interventionnisme gouvernemental dans le système routier engendre des distorsions économiques et, invariablement, une mauvaise allocation des ressources que l’on finit tôt ou tard par mettre sur le dos du capitalisme…

Lectures complémentaires :


Sur le web.

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  • Analyse parcellaire, curieuse en fait.

    Tout ce qui roule, flotte où vole a été subventionné de par le monde, la croissance industrielle devait en passer par cette phase ou l’état s’imposait pour bâtir les grands projets.
    Votre réflexion comme l’ensemble est aussi à ramener dans un contexte d’alors : « les tarifs étaient constamment inférieurs au maximum stipulé par la charte de façon à attirer le plus de trafic possible, car il y avait de la concurrence ».
    Si l’on observe la fameuse intégration horizontale de la famille Rockefeller, sensiblement à la même époque, on constate que sous couvert privé et pseudo concurrentiel, la Standard Oil (notamment) absorba et ruina tous ses concurrents puis imposa des prix à un marché qu’elle maîtrisait de bout en bout.

    L’histoire même de l’immigration, notamment vers les Etats-Unis, est emprunte d’interventionnisme dès son origine, non ?

    En fait, il y a toujours un exemple et son contraire.

    Je ne vois pas la nécessité de pointer du doigt l’état ou le capitalisme ? personnellement je n’ai jamais opposé l’un à l’autre, je trouve même curieux ou utopiste voire malsain de le faire.

  • Bertrand Lemennicier relève les inconvénients de la rue « propriété publique » (c’est-à-dire propriété de personne) : davantage d’accidents, de criminalité, d’encombrements et de pollution, irresponsabilité du « propriétaire collectif » contre lequel les victimes ne peuvent jamais se retourner. Il fait observer que la privatisation des rues n’a rien d’utopique : 3% des rues de Paris sont privées, et il existe même dans le monde plusieurs villes privées (Reston en Virginie, Sandy Springs et Braselton en Géorgie, Irvine, Lakewood et Nipton en Californie, Sun City en Arizona, Magarpatta ou Gurgaon en Inde, etc.).
    Walter Block a consacré un livre au sujet (Privatization of Roads and Highways, 2009) : il y développe les mêmes arguments : rentabilité, meilleure sécurité.

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