Ayn Rand fait son come back

Un an après la sortie de La Grève (Atlas Shrugged), Ayn Rand ne cesse de faire la Une en France.

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Ayn Rand fait son come back

Publié le 9 octobre 2012
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Un an après la sortie de La Grève (Atlas Shrugged), Ayn Rand ne cesse de faire la une en France.

Par Alain Laurent

Article publié en collaboration avec l’Institut Coppet.

Un an après la publication conjointe de La Grève [1] et de la biographie intellectuelle de Rand, le moins qu’on puisse conclure se résume très positivement à : mission accomplie.

Du point de vue commercial et réception dans les médias [2], les résultats sont des plus satisfaisants. Et désormais l’œuvre et l’importance cruciale de la pensée de Rand sont enfin connus et reconnus dans les milieux intellectuels qui les ont si longtemps totalement ignorées.

Il n’est plus rare de voir son nom surgir ça et là, parfois où on s’y attend le moins, par exemple au printemps dernier dans le (Néo)libéralismes de Serge Audier [3].

Mais voici, divine surprise, que de plus, et depuis fin août 2012, Rand revient en force dans l’actualité en France. Et ceci grâce au Tea Party et surtout à Paul Ryan, le candidat républicain à la vice-présidence aux États-Unis, dont on a su et monté en épingle son passé de fervent disciple d’Ayn Rand, chez qui il aurait puisé la radicalité de son anti-étatisme. Que Ryan l’ait désormais répudiée pour cause d’athéisme et de soutien à la liberté de l’avortement n’a fait qu’exciter la curiosité des médias : successivement France-Inter, Le Temps (Suisse), M (le supplément hebdomadaire du Monde), Philosophie MagazineLa Tribune, BFM Business, Télérama (à paraître le 26 octobre : numéro spéciale dur les présidentielles américaines) – pour La Grève et/ou Ayn Rand ou la passion de l’égoïsme rationnel.

Cependant – rançon logique et significative de ce succès, ce dernier n’a pas tardé à provoquer un tir de barrage anti-Rand, d’abord dans Le Monde. Son édition du 9 septembre comportait tout une page venimeuse signée d’un universitaire américain de Yale dénommé Timothy Snyder, entièrement destinée à calomnier l’auteure de La Grève.

Dans cette lamentable mixture de contre-vérités flagrantes et d’insultes, il était avancé qu’Ayn Rand défendait « la loi de la jungle » puisque prônant un « capitalisme anarchique débridé » devant aboutir à la disparition totale de l’État ; et pour ne pas faire dans la demi-mesure, tout en la traitant d’idéologue « sado-masochiste », Snyder l’accusait de compter et mépriser comme « parasites » tous les modestes citoyens américains, et eux exclusivement !

Je lui ai vertement répliqué en rétablissant la réalité des choses dans une sorte de droit de réponse que Le Monde.fr a publié le 20 septembre (reproduit sur le site de l’Institut Coppet) – qui m’a valu, autre heureuse surprise, le chaleureux appui d’un maître de conférences  de Lyon-II, Romain Huret, dans un article  intitulé « Ayn Rand, encore et toujours » paru sur le site de… Libération.fr (25 septembre). Mais sur un ton au-dessous, Le Monde a récidivé le 4 octobre en publiant l’article d’un autre intellectuel américain (auraient-ils mobilisé toute la clique pro-Obama ?), Donald Morrison, remonté contre « Ayn Rand, dont les romans glorifiant l’individualisme le plus forcené sont de retour dans les listes des meilleures ventes de librairie » et félicitant Obama d’avoir « stigmatisé l’individualisme à la Ayn Rand »…

Mais le pire restait à venir (du moins pour le moment) sous la forme d’un livre totalement dirigé contre Rand paru courant septembre au Seuil et signé d’une canadienne québecoise, Nicole Morgan : Haine froide – pauvre jeu de mots sur Ayn = haine. Manifestement rendue furieuse par la publication de La Grève en France, la dame ne parle que de La Révolte d’Atlas – renvoyant à une traduction-pirate mise en ligne sur le web il y a deux ans (mais disparue depuis) et ignorant que ce titre avait été celui d’une autre traduction datant de 1958, répudiée par Rand.

Enfonçant quantité de portes ouvertes (« Contrairement à Marx, [Rand] est peu connue en France » : quel scoop !) et truffé de grossières erreurs (Francisco d’Anconia devient… « Francisco Money », elle écrit Hank Raerden et parle de « Whiteker » pour évoquer Whittaker Chambers !), Morgan défend une thèse effectivement dégoulinante de haine et ainsi résumée :

« L’idéologie de la haine froide s’est formulée dans toute sa clarté sous la plume d’une philosophe romancière du nom d’Ayn Rand » – comprendre la haine contre l’État tyran.

Et d’aligner une rare suite d’insanités, de falsifications et d’impostures qui réduisent sa thèse à l’état de foutaise. Selon elle, l’individualisme de Rand aurait « une dessein hédonique », p. 42 (faux : Rand abhorrait l’hédonisme), « le héros randien est hors morale » p. 47 (faux : il n’est que valeurs et vertus), l’argent serait pour Rand « le seul référent universel », p. 49 (faux : c’est l’appréhension conceptuelle de la réalité objective), Rand serait totalement indifférente aux ouvriers, p. 53 (faux : elle les trouve bien plus sensés que les sbires de l’establishment des liberals !), « la vermine [comprendre les « pillards » et les « parasites »] mérite la mort », p. 54 (faux : Rand se contente d’espérer qu’ils se mettront enfin à vivre de leur propre travail), « Ayn Rand promeut le darwinisme social », p. 56 (faux : chacun a en lui les ressources lui permettant de produire et créer – s’il le veut en faisant le bon choix éthique).

À ce niveau de type caniveau, difficile de faire pire dans l’ignorance crasse et le travestissement idéologique ! Et dire que la dame enseignerait la philosophie au Collège royal militaire du Canada à Kingston : de quoi craindre l’effondrement prochain de l’armée canadienne soumise à de tels lavages de cerveaux…

On se consolera en s’émerveillant, dans le tout récent film de Woody Allen To Rome with love, d’entendre un personnage enjoindre à un autre « Va voir le film Le Rebelle… Toutes les femmes rêvent de coucher avec Howard Roark » : en se référant ainsi au film tiré de La Source vive (The Fountainhead) sans même avoir besoin de citer le nom d’Ayn Rand, le subtile cinéaste new-yorkais pourtant de gauche montre honnêtement à quel point incroyable celle-ci est plus que jamais populaire et présente dans la culture de chaque Américain – n’en déplaise aux aboyeurs de type Snyder ou Morgan.


Sur le web – Lien Amazon vers la Grève

  1. Dont on ne répètera jamais assez qu’il a été génialement traduit par Sophie Bastide-Foltz, dont il convient ici de saluer l’exceptionnel talent.
  2. Les deux ouvrages ont été chroniqués par Le MondeLireL’ExpansionLe Magazine Littéraire, Présent et aussi, mais avec mention spéciale pour d’excellentes recensions, par Le Nouvel ObservateurLa CroixLe TempsLibérationChronic’ArtTéléramaLa TribuneLes Échos et enfin Valeurs Actuelles – sans oublier France-Culture.
  3. Lequel, sans craindre la redondance, s’est contenté d’évoquer très brièvement « Ayn Rand, la prêtresse libertarienne », « la grande prêtresse du capitalisme pur », et deux fois « la grande prêtresse du libertarisme » (au lieu de libertarianisme, d’ailleurs).
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  • Continuez Alain, à rétablir la vérité. On est derrière vous!

    • La vérité en France n’existe plus! La raison en France déraisonne! Je me demande si la culture française existe encore en France. La France est-elle encore un état souverain? Peut-on affirmer plutôt la France comme culture américanisée et décadente?

  • Bravo de défendre cette philosophe que j’aime et que je lis depuis très longtemps. Effectivement The Fountainhead a longtemps été mon exemple pour essayer de me surpasser. Mallheureusement n’est pas Roark qui veut. Mais c’est cette recherche de l’élitisme (mot bien galvaudé) en soi qui m’a interpellée. Et ce que je trouve le plus désolant actuellement est que cette quête du meilleur (pour soi et pour les autres), de la beauté, de l’intelligence….. est complètement abolie dans notre éducation, dans notre culture……. Je suis heureuse que cette philosophe (du réel quoiqu’on en dise) revienne sur le devant de la scène.

  • Le come back de Rand …Bof , combien de personnes connaissent l’existence de  » la grève  » et sont capables de lire et de comprendre ce pavé de mille pages ????

  • Normal qu’Ayn Rand subisse un tel tir de barrage, vu que ses bouquins sont des attaques directes contre les auteurs de ces tirs par leur description pertinente leur offrant un miroir démontrant la réalité de leurs valeurs.

  • « Ayn Rand promeut le darwinisme social »

    Quand on sait que Jimmy Wales, le fondateur de Wikipedia déclare être fortement inspiré par la philosophie de A. Rand, on voit bien que le darwinisme social en est l’exact opposé. Mettre les connaissances à la porté du plus grand nombre, en pariant sur la vertu (pas toujours respectée quand on voit l’envahissement de l’idéologie gauchiste) et le partage.

  • Bonjour,

    J’ai lu, lors de sa parution, avec plaisir ce livre mythique (au passage, merci de l’avoir fait traduire de si belle manière) ainsi que la biographie que vous avez consacrée à Ayn Rand. J’ai personnellement fait découvrir ce livre à au moins 4 personnes de mon entourage et tous ont été unanimes à être stupéfait de sa clairvoyance quant à l’état actuel de notre société (les trains arrivent de plus en plus en retard et la spoliation, suivant Frederic Bastiat, n’a d’égale qu’une redistribution de moins en moins efficiente). Il y aurait beaucoup à dire sur la philosophie de l’auteuR (par pitié, plus de féminisation imbécile comme le veut le politiquement correct, les femmes sont suffisamment respectables en elles même. Ou alors, supprimons péremptoirement tous les mots ambigus comme par exemple « la sentinelle » qu’on remplacera par « le sentinel » quand cette fonction est occupée par un homme. Je n’ai pas de solution satisfaisante pour « sage-femme ») qui est largement discutable comme toute philosophie. Mais elle a magnifiquement décrit la turpitude et l’immoralité d’une certaine classe (incarnée par les personnages de Wesley Mouch, James Taggart et Lillian Rearden pour ne citer que les principaux). Il n’est pas difficile d’établir des parallèles avec nombre de personnalités politiques françaises. Comme dans « Atlas shrugged », ils concurrent tous avec une rare efficacité à l’avilissement de notre pays, leur rôle s’apparentant plus à une gangrène galopante qu’à un remède qu’on souhaiterait efficace.

    Bonne soirée

  • J’ai oublié de vous remercier pour votre travail aux Belles lettres. Une collection qui met du baume au cœur.

    Bonne soirée

  • le livre d’Ayn Rand est un vibrant hommage à la liberté d’entreprendre, du respect de l’individu .

  • Comment peut-on accorder un soupçon de crédit à cette hystérique, dont la moindre page est une insulte à la littérature ? Lourdaude, indigeste, ampoulée, prétentieuse, ignorante, ridicule …

    Vous la prenez vraiment au sérieux ???

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