De plus en plus de confiscations abusives : pourquoi ?

Les pouvoirs publics aux Etats-Unis ont la possibilité de confisquer les biens d’individus, avec très peu de justification. Un pouvoir dangereux dont on voit les effets pervers avec de nombreuses confiscations abusives.

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De plus en plus de confiscations abusives : pourquoi ?

Publié le 28 août 2012
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Les pouvoirs publics aux États-Unis ont la possibilité de confisquer les biens d’individus, avec très peu de justification. Un pouvoir dangereux dont on voit les effets pervers avec de nombreuses confiscations abusives.

Par Steven Greenhut, depuis les États-Unis.

Rares sont les groupes de « pécheurs » à avoir été davantage ostracisés dans les récits bibliques que les « collecteurs d’impôts », qui n’étaient pas simplement des fonctionnaires prélevant l’argent que les contribuables devaient légalement à l’État. Ils étaient particulièrement exécrés parce qu’ils pratiquaient l’extorsion de fonds, dont ils profitaient personnellement en pressurant leurs concitoyens autant qu’ils pouvaient.

Les récits des Évangiles nous donnent un des premiers enseignements quant au danger de marier la cupidité aux pouvoirs publics. La possibilité d’en abuser est grande. Et pourtant, à travers les États-Unis, les agences de l’État se reposent de plus en plus sur la confiscation de biens dans le cadre de condamnations pour mettre du beurre dans les épinards de leurs budgets en diminution. Plus ces collecteurs d’impôts modernes procèdent à des confiscations, plus ils ont d’argent pour leur nouvel équipement et d’autres dépenses.

En parcourant des documents judiciaires, on peut trouver des affaires aux noms étranges, comme « The People v. One 1999 Buick ». Dans les affaires criminelles, les pouvoirs publics doivent prouver la réalité des actes répréhensibles au-delà d’un doute raisonnable pour incarcérer un accusé. Mais les pouvoirs publics locaux ont compris que, dans le cadre des lois sur les confiscations judiciaires, ils peuvent saisir des maisons, des voitures et de l’argent liquide en ayant beaucoup moins de preuves.

Si, par exemple, votre voisin vous a emprunté votre Buick verte et a vendu du cannabis à un agent de police infiltré, son service de police peut confisquer la voiture. Son propriétaire peut n’avoir rien fait de mal, mais la voiture a été tout de même utilisée pour commettre un délit. Des activistes donnent des exemples où l’État est devenu plus créatif dans sa recherche d’actifs (maisons, voitures, comptes bancaires) sur la base de violations mineures d’un code pénal en expansion perpétuelle. Une association évoque une affaire où l’Etat a tenté de saisir le tracteur d’un fermier accusé d’avoir écrasé un rat d’une espèce en danger. Plus la liste des délits prévus par la législation s’allonge, plus l’État a d’occasions pour confisquer des actifs.

L’éditorialiste George Will a parlé plus tôt cette année d’une affaire au Massachussetts, où les forces de police ont tenté de confisquer un motel familial parce qu’elles ont reçu des accusations selon lesquelles certains visiteurs y revendaient de la drogue depuis leurs chambres. « Le département américain de la justice compte le confisquer, le revendre pour peut-être 1,5 millions de dollars et d’en donner 80 pour cent au service de police de Tewksbury, dont le budget n’est que de 5,5 millions. La famille Caswell n’a pas été inculpée de quoi que ce soit, et encore moins jugée coupable. »

Comme le note Will, la police a une incitation à exagérer l’activité criminelle compte tenu de son intérêt extrême à récupérer cette propriété. Le Massachussetts, écrit-il, a des standards de confiscation judiciaire plus stricts que la loi fédérale, et donc la police municipale, selon les mots de Will, « est de connivence avec l’État fédéral » pour se plier plutôt aux standards fédéraux. Au fond, la police municipale viole la loi locale pour plus facilement s’approprier les biens des propriétaires du motel.

Une situation similaire existe en Californie. Les polices locales n’apprécient pas que leur État ne leur permette de garder que 65 pour cent de leurs confiscations et leur impose des règles plus strictes que la loi fédérale.

« À travers un programme fédéral appelé « partage équitable », toutefois, la police californienne échappe aux lois strictes de son État et passe par l’État fédéral pour ses confiscations », explique l’Institute for Justice, une association libertarienne qui défend les libertés civiles et donc dans ces cas les propriétaires. « La loi fédérale a moins de contraintes pour la confiscation de propriété, et permet à la police d’en récupérer davantage, jusqu’à 80 pour cent ». A cause de cette incitation à circonvenir une loi locale stricte en faveur d’une loi fédérale plus laxiste, entre 2002 et 2003, il y a eu deux fois plus de confiscations en Californie sous le régime de la loi fédérale que sous le régime de la loi locale ».

Cette affirmation a participé à soutenir la loi AB639, proposée par le député Chris Norby (un Républicain de Fullerton). La loi, qui a été votée à l’Assemblée mais est morte au Sénat cette année, devait supprimer cette possibilité qui encourageait les polices d’État et locales à court-circuiter la loi californienne.

Le bureau du procureur de district du Comté de Los Angeles s’est plaint que « le seul but de cette loi est de rendre impossible pour les services de polices locaux ou d’État d’utiliser les procédures fédérales de confiscation de biens ». D’autres organisations impliquées dans le système judiciaire, comme l’association des procureurs de districts californiens, se sont plaint de même du fardeau que cette loi placerait sur les services de l’État.

Mais les Américains feraient mieux de se préoccuper des lois qui placent un fardeau indu sur les droits des citoyens, que des entraves mises aux organismes d’État. Nous devions tous êtres préoccupés de ce que les procureurs de districts, qui sont, selon la loi, censés rechercher la justice avant toute autre considération, violent en fait les droits de propriété pour remplir leurs coffres d’un argent qui vient avant tout de gens qui n’ont été reconnus coupables de rien.

La loi proposée est pourtant timide, elle oblige les organismes de l’État à demander une ordonnance du tribunal avant de transférer une demande de confiscation au niveau fédéral. Elle demande à ce que de telles affaires impliquent des délits proprement fédéraux, comme ceux qui ont un rapport avec le commerce entre États fédérés. Elle n’interdit pas le recours à toute confiscation de biens, mais oblige les institutions californiennes à obéir à la loi californienne. En fait, il faudrait des réformes bien plus profondes pour qu’aucune administration ne puisse se baser sur des normes de pacotille pour saisir des propriétés privées dans le but de mettre du beurre dans les épinards.

Il y a quelque chose de profondément perturbant dans cette tendance au « maintien de l’ordre à but lucratif », spécialement dans notre monde où le nombre de lois ne cesse d’augmenter. Nous nous sommes tous habitués à ce que la police augmente les contraventions pour remblayer ses budgets, mais la confiscation de biens amène cette recherche d’argent à un niveau aussi nouveau qu’inquiétant. Les administrations savent qu’il est tellement dispendieux pour les gens d’intenter un procès pour confiscation abusive que beaucoup de victimes cèdent simplement leur propriété sans se battre. Ce qui est une mauvaise chose.

Malheureusement, les législateurs de Californie sont bien plus occupés à financer leur État obèse qu’à protéger les droits de leurs concitoyens. Dans les Évangiles, Jésus a enjoint les collecteurs d’impôts de ne pas prendre davantage que ce qu’ils ont le droit de prélever. En Californie, il faudra bien plus qu’une injonction pour obtenir qu’ils suivent la législation de leur État.


Article paru sur Reason.com sous le titre Why Asset Forfeiture Abuse Is on the Rise.
Traduction : Benjamin Guyot pour Contrepoints

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