Suicide ou meurtre de la langue française ?

Suicide ou meurtre du français ? Encore un divorce entre le peuple et les élites, alors que les élites françaises, dans leur grande majorité, sont indifférentes ou favorables à un usage croissant de l’anglais.

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Suicide ou meurtre de la langue française ?

Publié le 26 avril 2012
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Voir la France passer à l’anglais n’est pas un petit événement ! On ne sait pas si c’est souhaité, si c’est souhaitable, si c’est inévitable et quelles en seraient les conséquences ! Un débat sur ce sujet à l’occasion de la présidentielle serait un minimum ! Le peuple est inquiet et parfois brimé, mais, pour les élites, « il n’y a pas de problème ».

Par Yves Montenay.

 

Dans leur grande majorité, les élites françaises sont indifférentes ou favorables à un usage croissant de l’anglais : « ce n’est pas un problème », ou bien « de toute façon on n’y peut rien », « et puis, c’est un progrès, c’est moderne, c’est nécessaire ». Enfin, pour les plus cyniques, c’est une évolution qui les favorise.

 

Les élites, de l’indifférence à la satisfaction

En effet, une bonne part de nos élites a été formée à l’anglais dès l’adolescence par des parents attentifs. Dans les sélections et les concours, leurs enfants sont ainsi passés devant des concurrents qui avaient par ailleurs d’aussi bons dossiers ou les mêmes notes qu’eux dans les matières principales.

Ces élites ont ensuite eu des postes où elles ont constaté l’utilité de l’anglais et se répandent en déclarant « il faut parler anglais », phrase dont le sens glisse progressivement de « il faut être capable de » à « il est moderne de le parler dans toute occasion élitiste », dont, bien sûr le travail, puisqu’elles y ont des postes de responsabilité.

Puis, du haut de la pyramide sociale, elles ont tendance à l’exiger dans les réunions et lors du choix du nom de tout produit ou concept nouveau (le H for hope de François Hollande, le care de Martine Aubry, tous deux sortis d’une des meilleures écoles de la République). La suite logique est alors de l’exiger aussi lors des recrutements. Et comme la masse des Français n’a pas un très bon niveau d’anglais, voilà confortée la place de nos élites !

Pourquoi remettre cela en jeu ? Donc, silence électoral sur cette question. Pourtant, un changement de langue est un des événements les plus importants qui puisse se produire dans un pays ; il mériterait au moins un débat dans une campagne présidentielle ! Mais « chut » : quelle complication si le peuple n’était pas d’accord.

Qu’en pense-t-il ? Les indications divergent.

 

L’anglais dans la rue

Je sors de chez moi, dans le XIIe arrondissement de Paris, et remarque une fois de plus que les enseignes des boutiques récentes sont en anglais. L’une d’elles est livrée par un camion dont l’entreprise française a choisi une raison sociale en anglais, et décrit ses prestations en anglais sur la carrosserie.

J’aborde l’employé d’Autolib, membre d’une « minorité visible » semblant venir tout droit de sa banlieue et qui se morfond dans sa petite cage de verre :

« Pourquoi ces voitures s’appellent « Blue car » et pas, par exemple, « La bleue » ?
— C’est parce qu’on va vers l’anglais.
— Vous voulez dire que l’anglais remplacera le français ?
— Avant 20 ans ce sera fait !
— Qu’en pensez-vous ?
— C’est une catastrophe pour moi. Déjà, je ne parle pas bien français, et j’ai encore plus de mal avec l’anglais. Je ne trouverai donc pas de boulot. »

Je croise un jeune que je connais bien.

« Vous avez trouvé du boulot ?
— Oui depuis quelques mois chez Orange ; je suis chargé d’affaires.
— Bravo ! Vous êtes content ?
— En gros oui, mais les Anglais nous font ch… (il me rappelle qu’Orange France est la filiale d’une entreprise anglaise, achetée il y a quelques années par France Telecom). Ils nous parlent en anglais, et j’ai un collègue, ça lui tape sur les nerfs !
— Ils n’ont pas le droit ; si votre collègue porte plainte, il gagnera.
— C’est ce que lui ont dit les syndicats, mais il hésite : comme il est fonctionnaire titulaire, il peut être nommé n’importe où sans que ce soit une rupture du contrat de travail, et il pense que si il râle, c’est ce qui lui arrivera ! C’est déjà arrivé à deux autres collègues ; ils ont été déplacés et l’un a été remplacé par un Polonais et l’autre par un Indien, qui parlaient anglais tous les deux.

(conversation transmise telle quelle : je ne garantis pas les connaissances juridiques de l’intéressé, mais ce qui compte ici, c’est le ressenti).

On pourrait rassembler mille exemples analogues : le peuple constate le changement de langue, et il n’est pas ravi !

En effet, les sondages donnent depuis toujours des majorités écrasantes à l’attachement au français. Cela a été encore confirmé par les débats de 2011 sur l’identité nationale : loin de se polariser pour ou contre les étrangers ou l’islam, la seule conclusion massive a été que c’est la langue française qui fondait cette identité.

La contradiction entre cet attachement à la langue et l’invasion de l’anglais dans la rue s’explique par le prestige de la langue de l’Europe, de la langue internationale et surtout de la langue de l’entreprise, et donc de l’emploi.

Or, nous avons vu que cet usage dans l’entreprise était un comportement social. Cela ne nous dit pas s’il est justifié en termes d’efficacité.

D’où les quelques réflexions ci-après.

 

Réflexions managériales

Dans leur numéro du 10 avril, page 10, Les Échos donne plusieurs exemples d’usage de l’anglais dans les entreprises situées en France, ainsi que les points suivants :

  • l’avis, à mon avis excessif et surtout intéressé, du PDG de Berlitz France, disant que l’ensemble du personnel de l’entreprise doit pouvoir parler anglais,
  • l’anglais est, et de loin, la première formation financée par les employeurs,
  • « attention à ce que l’anglais académique ne devienne prépondérant dans le choix des promotions au détriment des compétences techniques et managériales ».

 

Mon expérience de chef d’entreprise ayant travaillé dans 12 pays dont les États-Unis, m’a fait particulièrement remarquer cette dernière phrase, qui est d’un syndicaliste. Il pense aux injustices de recrutement et de promotion, et à un prétexte permettant de discriminer sans le dire.

Mais cette phrase va à mon avis beaucoup plus loin : c’est un patron qui aurait dû placer ce souci en premier, car le meilleur emploi des compétences est son premier devoir (vieille notion, mais fondamentale et plus générale que le knowledge management… pour parler élitiste). Or, dans les réunions en anglais, il est fréquent que les meilleurs ingénieurs ou les meilleurs créatifs ne s’expriment pas par crainte du ridicule, ou s’expriment maladroitement. La conclusion va donc s’établir sans l’apport de leurs compétences. C’est un formidable gâchis de talents et de créativité, qualités qui ne s’expriment vraiment que dans la langue maternelle.

« Ils n’ont qu’à apprendre l’anglais » dira-t-on ! C’est faire bon marché du temps et de l’argent qui seraient probablement mieux employés à perfectionner leurs compétences, d’autant qu’en général le résultat linguistique est décevant.

Il est plus simple et plus efficace de choisir quelques personnes bi-culturelles là où une interface est nécessaire, et de laisser s’exprimer normalement le reste du personnel. Les raisons habituellement données (telles une seule présentation pour le monde entier ou le coût des traductions) ne tiennent pas, notamment à l’heure de l’informatique, de la segmentation des marchés et de la personnalisation des produits et services, ou présentent plus d’inconvénients que d’avantages. L’anglais n’est pas une baguette magique qui modernise l’entreprise et dope les exportations, ce n’est qu’un outil comme un autre qui doit être utilisé là où il est utile et là seulement.

Par ailleurs, le travail en anglais entre nationalités différentes, soi-disant plus simple, masque d’immenses incompréhensions dues aux inévitables différences de niveau d’anglais (votre interlocuteur le parlera toujours mieux ou plus mal que vous), et surtout de culture sous-jacente : j’ai lu un échange de courriels en anglais entre Français et Japonais portant sur un problème apparemment simple et concret de livraison de pièces détachées ; l’incompréhension a été totale et l’affaire s’est mal terminée !

Nier un problème ne le résout pas : la diversité des langues et cultures est un fait qu’il faut manager comme le reste. Les biculturels sont là pour ça, Google travaille en 120 langues et Dieu est multilingue ! L’augmentation rapide du nombre de Chinois parlant français et de Français parlant mandarin devrait intéresser les DRH : éviter de passer par une troisième langue serait déjà un grand progrès !

Le gâchis est encore plus flagrant lorsqu’une entreprise française fait travailler en anglais nos compatriotes avec des Maghrébins (et en est fière !). Or ça ne regarde pas qu’elle, car elle contribue ainsi à détruire ce club francophone qui rend d’immenses services à tant d’entreprises françaises dont les employés et cadres moyens, Français comme Maghrébins sont loin d’avoir le niveau d’anglais de Christine Lagarde !

 

Les répercussions sur l’école, la formation et l’intégration

De plus, aujourd’hui le problème déborde largement celui de la langue de travail. Nous avons vu que l’anglais envahit la rue. Dans le langage parlé non professionnel, les formules anglaises abondent, alors qu’en général une expression française très simple suffit, qui de plus aurait l’avantage de ne pas torturer l’orthographe ou la prononciation (pensez à tchaleinje et à fesse-bouc, équivalents exacts de défi et trombino ! Ce n’est pas un détail pour ceux qui connaissent les difficultés d’une partie de la population à bien maîtriser le français, et donc à avoir un avenir professionnel.

De plus, tout ce qui suggère aux élèves que le français n’est pas la langue qui compte sabote le travail de l’école, et contribue à l’échec scolaire. Ce n’est pas le recrutement de 60 000 enseignants de plus qui résoudra ce problème ! On devrait plutôt débattre de l’enseignement de l’anglais dans le primaire qui peut être la meilleure ou la pire des choses : théoriquement, il peut être enseigné AUSSI au bénéfice du français, comme l’était le latin, mais cela suppose un colossal effort de formation, d’abord des formateurs, ensuite des enseignants (et, on l’oublie toujours, au détriment d’autres moyens), et dont rien ne garantit le succès. En attendant, aujourd’hui, c’est du temps perdu au détriment du reste, et notamment de la maîtrise français. On sait que les employeurs en sont réduits à multiplier cours de français et d’expression à leur personnel débutant.

Plus généralement, la confusion actuelle des langues aggrave l’absence de repères pour la partie de la population qui en manque cruellement, avec des répercussions catastrophiques dans tous les domaines et notamment celui de l’intégration pour les descendants d’immigrés et de l’insertion sociale pour les défavorisés de toutes origines.

De même pour la cohésion nationale, qui certes n’est pas à la mode dans une partie de la population, mais qui reste une structuration indispensable, qu’elle soit à connotation patriotique ou non. Remarquons qu’il est un peu contradictoire d’être admiratif ou indulgent pour la politique étrangère ou la culture nationale de la plupart des pays ou communautés du monde, et de railler la nôtre.

 

Décider de changer de langue ?

Discussions vaines, diront les « modernistes » : passons à l’anglais, et tous ces problèmes disparaîtront. Supposons une seconde qu’un consensus national apparaisse sur la mise à la poubelle de notre culture (les cyniques diront que c’est déjà fait sans avoir eu besoin de changer de langue) et que nous décidions de nous angliciser.

Ce serait un gigantesque chantier, et les pays qui se sont lancés dans un changement de langue savent qu’il faut trois générations, le temps que tous les formateurs, parents compris, parlent correctement la nouvelle langue, et qu’il faut de plus que l’ancienne soit bannie de tous les lieux professionnels ou publics. Cela été vérifié aussi bien pour la France des dialectes qu’en Israël, chez les Cajuns de Louisiane et bien d’autres, avec un immense gâchis humain, puisque plusieurs générations sont mises au rebut, comme on l’a constaté dans ces pays, et comme on le constate aujourd’hui au Rwanda, à Madagascar et dans une large mesure au Maghreb, où c’est l’une des causes des difficultés, et le mot est faible, de développement. Or qui nous dit que dans trois générations l’anglais aura encore le rôle qu’il a aujourd’hui ?

Revenons à la campagne présidentielle : le changement de langue et de culture est une décision à débattre en toute clarté, d’autant que notre Constitution précise que « la langue de la République est le français », et que, par ailleurs, « la nécessité » et les avantages de cet éventuel changement me semblent largement fallacieux et ses inconvénients gravement sous-estimés. La décision est du domaine régalien, tant pour le principe que pour l’application : de nombreux pays ont des lois linguistiques, qui ont été efficaces. Concernant le français, elles sont à l’origine de sa renaissance au Québec et son élimination de la Flandre et de la Louisiane.

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  • Je ne suis pas du tout d’accord avec le fait que l’anglais remplace le français. En France la majorité des gens ne parle pas anglais ou si peu que cela en devient pathétique. Ce ne sont pas quelques sites, quelques enseignes ou phrases d’accroches marketing qui vont changer le fait que la langue française existe.
    Je suis bilingue et j’en suis très fier, j’ai appris l’anglais très jeune et j’en tire une grande joie. Etant amateur de cinéma, quel plaisir de pouvoir regarder des séries ou des films anglophones en VO. De plus j’en profite pour souligner que la plupart des pays sous-titrent les films en langues étrangères. De plus, vivant dans une région touristique, l’anglais (et mes autres langues me sont très utiles).
    J’ai également travaillé à l’international et dans des entreprises où se côtoyaient parfois plus de 20 nationalités, l’anglais est le seul moyen de mener à bien des conférences, des présentations et autres. J’ai tout vu en termes de niveau d’anglais et cela n’a jamais constitué un grand problème, chacun faisait des efforts. Il faut une langue internationale, c’est impératif.
    Le niveau des français en langue anglaise est, affligeant. Je me suis spécialisé en finance de marché dans une école de commerce, j’étais un des deux seuls à savoir parler parfaitement la langue de Shakespeare, un comble pour des futurs financiers dont 99% de la lecture sera en anglais.
    Protéger la langue française est une chose que je ne peux qu’approuver mais renier l’impératif de savoir parler d’autres langues n’est pas viable. Aujourd’hui ce n’est plus seulement l’anglais qu’il faudrait savoir parler mais ce sont 2 autres langues. Nous sommes très en retard en France sur ce point. Dans les pays de l’est de l’Europe, c’est très souvent qu’ils parlent 2 ou 3 langues. Les lycées sont classés par langue d’enseignement (hors technique). L’enseignement de l’anglais devrait être basique, nous devrions maitriser au moins 2 langues. La communication est le nerf de la guerre en business, au plus on parle de langues, au plus on a de chances de réussir.
    Pour en terminer avec ce commentaire, l’anglais et le français se sont volés des mots durant des siècles, je vous laisse un lien vers une vidéos qui l’explique en quelques minutes.

    • Je suis moi même bilingue et heureux d’avoir cette chance eu égard à l’état du marché du travail. Cela étant dit, je ne vois pas en quoi il est affligeant que les Français ne parle pas l’anglais..le Français était la langue de la diplomatie internationale au moins jusqu’au traité de Versailles. Au contraire il faut en être fier mais bon rien d’étonnant d’entendre ce que vous dites de la bouche d’un prototype sorti d’école de commerce – spé finance ^^ – quand vous dites langue de Shakespeare, vous faites offense au peuple Anglais…étant marié à une Anglaise justement, je peux vous dire qu’elle rêve de crâmer tous ces traitres et idiots utiles là bas dans son pays quand elle constate à quel point la langue de Shakespeare a été maltraitée et remplacer au fil des ans par cette version bâtarde et indigente qu’est le globish…une chose est certaine, des gens se battent dans tous les pays du monde pour justement sauver ce qu’il reste de leurs langues et cultures car c’est ce qui fait l’un des fondement d’un peuple et d’une nation. Le terme nation a malheureusement été galvaudé et manipulé ces dernières années par les mêmes qui font la promotion du globish….sinon pour les présentations à l’étranger vous me faites bien rire…ayant bosser en Chine à mon compte un certain temps, j’ai toujours fait l’effort de parler Mandarin malgré mes lacunes, par respect..au passage je conchie la communauté d’expat à Shanghai – j’espère que les Chinois leur mettront une bonne branlée un jour 😉

  • Les résistances en France sont de partout, l’apprentissage des langues étrangères en est une autre! Bon sang mais va falloir s’y mettre un jour.

    Et pas seulement apprendre l’anglais mais aussi une autre langue internationale, l’anglais n’est pas suffisant forcément, il en faut une autre qui soit parlée par pas mal de gens et dans beaucoup de pays.

    Ca sert à rien de résister, les échanges sont mondiaux maintenant, les grandes et moyennes entreprises aujourd’hui sont en contact avec l’international, comment fait-on si l’interlocuteur n’a strictement aucune idée du français? et bien on perd un contrat si on ne maitrise pas une langue commune. Un peu de sérieux, ça c’est la réalité.

    En revanche, là où je suis d’accord avec l’auteur de cet article, c’est que cette tendance à angliciser tout et n’imorte quoi est pénible. Il n’est pas rare de voir des gens parler en anglais sur facebook ou ailleurs pour se donner un genre.

    En revanche je ne suis pas d’accord, la demande de maitrise de l’anglais n’est pas du tout un risque pour la maitrise du français, au contraire, plus vous apprenez de langues et plus apprenez à en maitriser. Ca fait plus de 20 ans qu’on a peur d’être submergé soi-disant par la culture anglo-saxonne, arrêtons un peu je ne vois toujours pas l’ombre de cette menace. Je ne considère pas qu’il soit régalien de protéger la langue ni du ressort de l’Etat, si les gens ont une préférence pour une langue c’est leur choix, les politiques linguistiques ne valent rien comparé aux médias et à la vie en société. En Catalogne les politiques linguistiques n’ont jamais été aussi fortes, mais le catalan est en baisse, à l’Ile Maurice l’anglais est la langue officielle et celle de l’école publique, mais personne ne la parle à la maison, ce serait plutôt le créole, le français ou l’hindi.

  • Pour moi, les Français ont un rapport faussé avec les langues ; c’est une conséquence directe de la politique de destruction des langues régionales au profit du français sous la IIIe République.
    Je ne dis pas qu’apprendre le français était une mauvaise chose (au contraire), mais l’idée que les gens ne peuvent parler qu’une langue, et que donc il fallait que les langues régionales disparaisse était absurde (voir entre autres la Suisse alémanique où tout le monde parle à la fois le Suisse allemand et l’Allemand Standard), et nocive.

    Ça ne m’étonne pas du coup que les Français rechignent à apprendre des langues étrangères (car pour eux, ça signifie la mort du français dont on leur a tant vanté les louanges par le passé), et que d’une part une certaine élite (celle dont parle l’article) veuille pour sa part à tout prix passer à l’anglais (car c’est « la langue de l’avenir »).

    Un jour, il faudra se rendre compte que les langues peuvent très bien cohabiter, que c’est une bonne chose.

  • Une langue est vivante et évolue. On adopte des mots anglais, tout comme des mots latins, grecs, japonais, arabes, espagnols, allemands…

  • Je suis attaché au français. Je déplore l’utilisation d’anglicisme quand existent des mots français (comme utiliser addiction au lieu de dépendance). Je regrette de ne pas avoir reçu une éducation classique, qui me fasse connaître les grands auteurs, et ainsi la langue française qu’ils ont contribué à forger.
    Cependant, je regrette de ne pas parler couramment anglais. Même si je m’améliore chaque jour, du moins en lecture. Car l’anglais est devenu l’idiome international. C’est un fait. Autrefois, c’était le français. Une évolution qui peut être regrettée, mais c’est ainsi.
    Par ailleurs, il y a une telle richesse documentaire en anglais! Songeons qu’il y a peut-être plus d’études sur Bastiat en anglais qu’en français. Que les Principes d’économie de Carl Menger sont traduits en anglais mais pas en français. L’anglais est une source d’information incomparable.
    L’anglicisme est déplorable, je suis d’accord. mettre de l’anglais partout n’est pas l’idéal. Cet idéal serait plutôt de bien maîtriser le français, sa culture, et aussi l’anglais, comme langue internationale, et même de culture.
    Mais, dans un sens, mieux vaut développer l’anglais, au détriment du français, pour la richesse documentaire qu’offre cette langue.
    Avec un bémol cependant : l’anglais que nous étudions est utilitaire. Or, pour bien connaître une langue, il faute connaître sa culture.
    Là est le plus grand danger : n’avoir que des langues utilitaires, et oublier la culture qui y est rattachée.

  • J’approuve entièrement cet article. Quand une personne, par exemple dans une présentation technique ou de stratégie commerciale farcit son texte d’anglicismes, je demande innocemment la signification des mots anglais employés, et quelquefois, la « traduction » en Français est à mourir de rire; il m’arrive à la fin de lâcher négligemment que je suis, entre autres, traducteur: l’effet est garanti!

  • L’auteur a raison.
    Il y a un gros problème.
    D’une manière générale, ceux qui sont en avance sur les autres imposent leurs normes aux suiveurs.
    Et, de fait, depuis quelques décennies, la France est en retard sur les autres pays. Et, au cours du XXème siècle, l’Angleterre et les États-Unis sont en avance. C’est cette avance qui leur permet d’imposer leur langue au reste du monde et d’avoir un total mépris pour les autres langues. Aujourd’hui les Anglais et les Américains se moquent bien de connaître les autres langues, alors même que l’apprentissage du français est obligatoire en Angleterre et dans le Nord-Est des États-Unis. En fait ils ont raison de ne pas chercher à apprendre les autres langues : ils ont mieux à faire à cultiver leur avance.

    Quant à la France, elle aurait bien besoin elle aussi de chercher à retrouver une avance sur les autres nations, ce qui aurait pour effet de faire du français à nouveau la langue internationale. Plutôt que de s’obstiner à consacrer d’importantes ressources à la maîtrise de l’anglais, les Français auraient beaucoup à gagner se mettre à produire des œuvres de qualité dans leur langue.

  • Cet article répète des clichés sur l’anglais et oscille entre « l’anglais c’est bien mais attention… » et « il faut protéger le français mais attention… ».
    + Le premier cliché, la langue porte les valeurs nationales et culturelles. C’est une erreur. Une langue est un outil et elle ne meurt pas tant qu’il y a des gens pour s’en servir.
    + Cliché numéro 2 : Le français doit être protégé. Toutes les langues vivantes dont les habitants échangent d’une manière ou d’une autre font des emprunts. Si tous les pays de la planète commercent des marchandises et des services avec des pays qui parlent anglais alors les chances d’utiliser l’anglais y sont directement liées. La limitation du commerce mondial dans les domaines les plus variés par des français limite sa valeur d’échange.
    + Cliché numéro 3 : une langue ne s’apprends pas á l’école, on peut y être exposé ce qui est diffèrent. Pour apprendre l’anglais, rien de plus simple, ne pas faire doubler les films et téléfilms étrangers par notre état bienveillant. Laissez nous apprendre les langues vivantes avec l’accent juste et les expressions courantes. Ce que font les pays scandinaves.
    + Cliché numéro 4 : on doit débattre du problème de « changement de langue ». Au vue des points précédents, le changement de langue est une spéculation spécieuse caractérisée, une dégénérescence intellectuelle ou l’on méprend les implications culturelles d’un phénomène économique global d’échanges pour un phénomène culturel essentialiste et strictement national. La langue, la culture, l’entreprise, la France ne sont pas des systèmes théoriques clos. Avoir plusieurs langues à son arc permet d’augmenter le volume d’échange.
    Pour conclure, prenons l’exemple de l’industrie du tourisme. Le tourisme est un phénomène de consommation. Le marketing de la France est assuré par les étrangers eux-mêmes au travers de leurs films á succès, reportage et autres objets de consommation. Les gens ont plus de moyens á consacrer aux loisirs. S’ils payent cher pour visiter notre pays, ils en attendent une certaine qualité de service. Dans la qualité du service, la langue anglaise est l’un de ces services indispensables. Les professionnels du tourisme devraient savoir se servir á bon escient de cet outil. Certains le font très bien. Mais ne relayons pas ces mauvais relents de « culture française » trop souvent synonyme d’incompétence caractérisée.

    • En tant qu’auteur de l’article je vais répondre aux commentaires ci-dessus.

      Je pense que malgré leurs critiques ils vont dans le sens de mon article, dans la mesure où ils reflètent le point de vue que j’appelle élitiste. Ce mot n’est pas péjoratif mais seulement descriptif.

      Je précise tout d’abord que je fais parti de ces élites, que je parle anglais et allemand et ai travaillé dans 12 pays dont les États-Unis. Comme dit dans mon article, la question est que comme les élites n’ont pas de problème avec l’anglais, elles ont tendance à extrapoler leur situation à l’ensemble du pays. Or le fait est que la majorité de la population, y compris des gens très qualifiés dans leur spécialité, seraient moins bien employés s’ils devaient travailler en anglais. D’où une perte d’efficacité des entreprises et un sentiment d’injustice chez les intéressés, qui lui-même est source d’inefficacité.

      L’erreur d’appréciation de l’élite est de penser le contraire, c’est-à-dire que cette diffusion de l’anglais augmentera l’efficacité. C’est vrai dans certains cas qui sont justement des rôles confiés aux membres de l’élite, cela peut être vrai dans d’autres cas, mais attention au raisonnement suivant : si « il est bon d’être bilingue », ce qui est tout à fait exact même en dehors de l’élite, cela n’implique pas pour autant qu’il faille aller dans cette direction pour des raisons de coût et d’efficacité. Pensons par exemple à l’éducation nationale : avec un précepteur pour chaque enfant, elle serait certainement bien meilleure, mais s’il ne serait ni possible ni souhaitable de transformer la moitié des ouvriers, des employés et des cadres en enseignants, sauf à mourir de faim et de maladie à bref délai. Sans prendre un exemple aussi extrême, la dégradation de la maîtrise du français, dont nous venons encore de constater l’ampleur dans une récente enquête, fait baisser l’efficacité économique du Français moyen, et une des raisons en est que l’enseignement du français en primaire a été en partie sacrifié pour laisser la place à d’autres disciplines comme l’instruction civique, la dernière discipline rajoutée étant justement l’anglais. Chacune de ces disciplines, anglais compris, est « bonne » mais leur coût indirect est catastrophique. Le même raisonnement vaut pour la formation permanente : l’enseignement de l’anglais (par ailleurs en général inefficace) limite d’autant le perfectionnement en informatique ou en techniques de pointe. Comme le dit Bastiat « il y a ce que l’on voit et ce qu’on ne voit pas ».

      Pour ne pas être trop long, je me suis borné aux aspects économiques qui ne sont évidemment pas les seuls.

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