L’ère de la « fiscocratie »

Les lois qui régissent nos relations avec l’État sont loin d’être intelligibles. Certaines sont même carrément inaccessibles pour la quasi-totalité d’entre nous. C’est notamment le cas de la fiscalité

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
imgscan contrepoints 934.jpg fiscocratie

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’ère de la « fiscocratie »

Publié le 30 mars 2012
- A +

Les lois qui régissent nos relations avec l’État sont loin d’être intelligibles. Certaines sont même carrément inaccessibles pour la quasi-totalité d’entre nous. C’est notamment le cas de la fiscalité. C’est ainsi que la démocratie fait lentement place à la « fiscocratie »…

Par Nathalie Elgrably-Lévy, depuis Montréal, Québec.

Si notre employeur, notre propriétaire ou notre banque nous obligeait à signer des contrats de plusieurs centaines de pages et rédigés dans un langage incompréhensible, nous crierions au scandale, avec raison. Parions également que la classe politique interviendrait rapidement pour dénoncer et condamner ce genre de pratiques, invoquer le droit à l’information et imposer la clarté et la transparence, un principe maintenant sur toutes les lèvres de nos bienveillants élus.

Pourtant, les lois qui régissent nos relations avec l’État sont loin d’être intelligibles. Certaines sont même carrément inaccessibles pour la quasi-totalité d’entre nous. La Loi sur les impôts du Québec est une parfaite illustration, car elle contient des milliers d’articles, les uns plus hermétiques que les autres. Par exemple, en matière de revenu imposable, l’article 37.0.2 énonce : « Un particulier doit inclure dans le calcul de son revenu pour l’année provenant d’une charge ou d’un emploi un montant qu’il reçoit dans l’année à titre d’allocation ou de remboursement à l’égard d’un montant qui serait admissible en déduction dans le calcul de son revenu en vertu du chapitre III si celui-ci n’avait droit à aucun montant à ce titre, sauf dans la mesure où le montant ainsi reçu est inclus par ailleurs dans le calcul de son revenu pour l’année ou pris en considération dans le calcul du montant qu’il a déduit en vertu du chapitre III pour l’année ou une année d’imposition antérieure. » De quoi donner le vertige!

Comme nous avons l’obligation de respecter la loi sous peine d’amendes, cette opacité est loin d’être anodine. D’abord, parce qu’elle fait en sorte que nous ne sommes pas tous égaux sur le plan de l’information. Seule une poignée de contribuables peuvent comprendre le texte de loi ou encore s’offrir à grands frais les services de spécialistes en la matière. Ensuite, parce qu’elle a permis l’émergence d’une « fiscocratie ». Aujourd’hui, les contribuables sont vulnérables devant un despote sans âme ni visage : le fisc. D’une part, la complexité de la législation fiscale multiplie les probabilités d’erreurs et expose même les plus honnêtes contribuables à de douloureuses sanctions. D’autre part, elle soumet les citoyens mal informés à l’arbitraire de percepteurs fiscaux qui pourraient manipuler la loi ou qui voudraient profiter de son caractère obscur pour l’interpréter à l’avantage du Trésor public.

Finalement, l’opacité de la législation est la preuve qu’en matière de fiscalité, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Si la Loi sur les impôts est si volumineuse et si obscure, c’est notamment parce qu’elle accorde une multitude d’exceptions, de déductions et d’avantages de toutes sortes à certains groupes. Elle constitue un moyen efficace de privilégier et de corrompre la clientèle des partis tout en étant suffisamment discret pour éviter l’indignation et la controverse.

Il fut un temps où l’impôt était prélevé pour permettre à l’État de servir les contribuables. À présent, les contribuables sont au service d’un État hypertrophié et obnubilé par son auto-alimentation. La démocratie fait lentement place à la fiscocratie… Pensez-y lorsque vous remplirez votre déclaration de revenus !

—-
Sur le web

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • La complexité de la loi provient également de la vétusté des méthodes utilisés pour l’écrire. A notre époque nos société évoluent vite et il en est de même de la loi. Mais son expression et sa forme n’a pas changé et reste similaire à celle du 19 ème siècle. Les lois sont donc toujours entièrement constitués de phrases complètes et ampoulés sans aucun moyen de référence simple. Pas d’usage de liste à point pour les longues énumérations de cas différents. Pas de tableaux récapitulatifs pour donner les références d’autres lois ou documents. Pas de mécanismes modernes de gestion de version : on cite la loi précédente et on décrit les phrases qui sont remplacées. pour es versions informatiques, pas de liens directes vers les références et les termes techniques employés. Tout ceci transforme des choses même simples en charabia et en langage hermétique réservé aux initiés.

    Et je ne vous parle même pas du concept français des décrets d’application qui expliquent en long en large et en travers comment l’administration a décidé d’appliquer la loi, parfois en l’émasculant complètement au passage …

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La Loi ma santé 2022 et les décisions prises avec la Loi Rist et le Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 risquent d'avoir un effet négatif sur la crise de la santé et vont aggraver les déserts médicaux.

J’ai analysé à travers une trentaine d’articles et lors d'émissions radio diffusées les raisons de cette crise également abordées dans Blouses Blanches colère noire qui en a tiré les mêmes conclusions : « Elles sont politiques et pèseront négativement sur l'accès aux soins. »

Nos élus et les hauts fonctionnair... Poursuivre la lecture

chien avec des lunettes devant une tablette
7
Sauvegarder cet article

Depuis le 1er janvier 2023, la République française a basculé dans le domaine sucré du Guichet Unique Numérique Pour Les Entreprises : ce site web technofuturiste est donc devenu, youpi youpi, l’unique point d’entrée des entreprises pour réaliser leurs tracasseries formalités administratives. Depuis, tout se déroule comme prévu : c’est un échec total.

Pour garantir ce plantage mémorable, les administrations concernées avaient mis tous leurs atouts possibles à la poubelle : calendrier irréaliste voté en 2019 avec une candeur d’i... Poursuivre la lecture

Je n’aime pas le glissement actuel d’une société uniquement tournée vers la performance.

Heidegger l’annonçait, tout comme Kafka, Benjamin Walter, Stefan Zweig, avec son monde d’hier... Je ne sais pas si le monde de la beauté du geste a jamais existé mais j’observe que le monde d’aujourd’hui se soumet exclusivement à la performance commerciale.

Baricco a développé le concept dans Les Barbares. Les barbares du privé contemporain ont affadi la nourriture, aseptisé la littérature, universalisé la musique. Ils offrent un vin terne e... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles