Saint-Simon, prophète de la Révolution industrielle

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Saint-Simon, prophète de la Révolution industrielle

Publié le 20 novembre 2011
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Saint-Simon a beaucoup écrit ; et dessina un modèle de société qu’il est réellement difficile de définir. Industriel, socialiste, utopique, corporatif, totalitaire, religieux…

Par Francisco Cabrillo, de Madrid, Espagne

« Souvenez-vous, Monsieur le Comte, que vous devez faire de grandes choses. » Il paraît que c’est ainsi, avec ces mots, qu’un domestique réveillait chaque matin un des personnages les plus singuliers qu’a produit le monde de la pensée économique. Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, appartenait à une des familles les plus illustres de l’aristocratie française, qui prétendait descendre en droite ligne de Charlemagne ; mais qui était également, selon les mots de Schumpeter, une des plus dégénérées du pays.

Sa vie tint beaucoup du roman. Né en 1760, il s’orienta, au début, vers la carrière militaire. Comme officier, il partit très jeune en Amérique et il fit partie des forces françaises qui luttèrent en faveur de l’indépendance des nouveaux États-Unis. Colonel à 23 ans, il revint en Europe, abandonna l’armée et entreprit des projets très divers. En Espagne, par exemple, il travailla avec Cabarrús à l’idée de construire un canal qui unirait Madrid à la mer. Quand éclata la révolution en France, il oublia ses origines aristocratiques et sympathisa avec la nouvelle société qui était en train de se former… au moins jusqu’à ce que Robespierre n’établisse le règne de la terreur et que, comme tant d’autres, il ne finisse en prison. Il eût la chance de sortir vivant de la prison et, les années suivantes, il amassa une fortune, qu’il perdit plus tard, ce qui le força à vivre pendant un bon moment des aides que ses amis et disciples lui offraient.

Mais son emprisonnement au Luxembourg eût une conséquence inespérée. Saint-Simon racontait que, pendant qu’il était en prison, Charlemagne lui apparut – qu’il considérait, en fin de compte, comme un parent – et lui dit : « Depuis que le monde existe, aucune famille n’a eu l’honneur d’engendrer en héros et un philosophe de premier rang. Cet honneur était réservé à ma maison. Mon fils, tes succès comme philosophe égaleront ceux que j’ai eu comme militaire et comme politique. » Ayant dit cela – ce sont les paroles mêmes du comte – Charlemagne disparut. Il n’est pas surprenant, dès lors, que notre protagoniste ait senti que son principal objectif devrait être la réforme intégrale de la société. Comment allait-il décevoir un si illustre personnage historique qui s’était dérangé depuis l’autre monde pour lui montrer son destin ?

Saint-Simon a beaucoup écrit ; et dessina un modèle de société qu’il est réellement difficile de définir. Industriel, socialiste, utopique, corporatif, totalitaire, religieux… tous ces termes, bien qu’ils puissent paraître peu cohérents, définissent des aspects de la manière avec laquelle il comprenait l’économie et la vie sociale. La science, l’industrie et l’économie étaient, selon son opinion, étroitement liés et devaient constituer le noyau de la politique, que ne serait rien d’autre que la « science de la production ». L’économie politique – écrivit-il – sera en soi toute la politique, et le rôle du gouvernement sera de maintenir la liberté et la sécurité dans la production.

Pour diffuser ses idées, il fonda, entre 1816 et 1820, une série de périodiques ; mais son œuvre plus populaire fut son livre Du système industriel, publié en 1821, qui eût quelque influence… mais beaucoup moins que celle que son auteur croyait mériter. C’est pourquoi il décida que le mieux qu’il puisse faire était de se suicider ; et il le tenta, bien qu’avec peu de succès, deux ans après la parution de son livre. Ce n’était cependant pas la première fois qu’il se considérait rejeté sans motif. Quand il avait un peu plus de 40 ans et était riche, il s’était marié pour pouvoir ouvrir un salon à la manière de l’époque, ce qui lui aurait permis d’arriver à ce que sa pensée soit plus connue dans les cercles de la haute société. Mais il avait eu peu de chance et, après avoir divorcé – en France ce fût facile jusqu’au réformes qu’introduit Napoléon dans le droit de la famille –, il essaya de se marier avec la fameuse Madame de Staël qui, à l’époque, venait de devenir la veuve du diplomate suédois avec lequel elle avait été marié pas mal d’années. Il pensait qu’elle était l’unique femme capable de comprendre ce qu’était le progrès et que, ensemble, ils pourraient faire de grandes choses. Mais il semble la bonne dame n’apprécia ni ses charmes personnels ni ses projets, étant donné qu’elle rejeta ses propositions de mariage et qu’elle finit par épouser un militaire suisse.

Saint-Simon mourut en 1825. il était alors assez clair que le destin qui lui avait été annoncé par Charlemagne ne s’était pas accompli. Mais, quelques années plus tard, il fut reconnu comme un authentique prophète par un groupe de fidèles suivants, qui popularisèrent quelques-unes de ses idées. Napoléon III admirait sa manière de comprendre la nouvelle société industrielle du 19e siècle; et on ne peut oublier que ce furent des financiers ayant de claires sympathies pour son œuvre, les frères Pereire, qui fondèrent une institution bancaire fondamentale de l’économie française de la seconde moitié du 19e siècle, le Crédit Mobilier.

D’autres de ses disciples donnèrent, cependant, une plus grande importance aux aspects plus ésotériques de son œuvre, arrivant à constituer une authentique « église » saint-simonienne, avec ses rituels et ses hiérarchies, pour mettre en pratique les enseignements du père fondateur. Mais c’est une autre histoire qui mérite un autre article.

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Article originellement publié par Libre Mercado.

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