La « présomption fatale » de l’Euro

Les malheurs de la zone euro reposent sur les bases politiquement viciées d’une zone monétaire non optimale et de la présomption fatale des technocrates.

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La « présomption fatale » de l’Euro

Publié le 29 juillet 2011
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Par Philippe Robert

La Commission européenne

Remarque préalable: nous recommandons aux lecteurs intéressés de lire une synthèse de ce que Hayek écrit sur la présomption fatale, avec la critique faite par Catallaxia.

S’agissant des malheurs de la zone euro, dont tout démontre qu’ils reposent aujourd’hui sur les bases politiquement viciées d’une zone monétaire non optimale, il existe peut-être une chance de sauver les meubles grâce à une vision plus libérale des choses.

Mais, hélas, une chance que ni la France ni l’Allemagne ne sont à même de saisir puisqu’elle obligerait les élites responsables du désastre en cours de développement accéléré à reconnaître la faute politique fondamentale que représente l’actuelle configuration de la la zone euro.

Une faute politique qui, selon Friedrich Hayek, porte le doux nom empoisonné de « présomption fatale », une maladie honteuse qui frappe une majorité de ceux qui nous gouvernent et qui, par le fait, les encourage à créer toujours plus de technobureaucratie partout où ils sévissent !

Souvenons-nous. En 1992, les Français ont ratifié du bout des lèvres le traité de Maastricht instituant en majesté, entre autres avancées constructivistes d’ordre bancal, la monnaie unique européenne : le divin euro fossoyeur des monnaies nationales…

À l’époque de la bataille de Maastricht pour ou contre la perte du droit souverain de battre monnaie, un autre modus vivendi, plus près de l’âme des peuples, avait aussi été envisagé pour l’euro agissant alors comme monnaie commune sans perte des monnaies nationales.

Dans la zone de turbulences que traverse aujourd’hui l’Union, c’est encore la solution la plus intelligente à laquelle se rallie l’économiste Philippe Herlin qui écrit sous le titre  « Ce n’est pas l’euro qu’il faut sauver, mais l’économie européenne » :

Une monnaie commune plutôt qu’une monnaie unique. Pour notre part, nous proposons de revenir à la proposition des Anglais lors de la mise en place de l’euro : faire une monnaie commune plutôt qu’une monnaie unique. Une monnaie unique est un projet technocratique, faisons confiance au pragmatisme anglais ! La Grèce, le Portugal et l’Irlande reviendraient à leurs monnaies nationales pour retrouver des marges de manœuvres, tandis que leur dette – toujours libellée en euros – serait restructurée, c’est de toute façon inévitable (…).

Pour mémoire, dans le droit-fil du traité de Maastricht, Pierre Bérégovoy s’adressant le 5 mai 1992 à l’Assemblée nationale avait cité, en conclusion de son discours, la célèbre envolée de Victor Hugo sur les États-Unis d’Europe :

Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant les mains par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies (…).

Puis, reprenant la parole après Victor Hugo, Pierre Bérégovoy avait émis le vœu suivant : « Je suis persuadé qu’en 1992, la France ne manquera pas son rendez-vous avec l’Europe, son rendez-vous avec l’histoire ».

Les tribulations des pseudo-États-Unis d’Europe dans les limbes prennent aujourd’hui un tour qui, ironie de l’histoire, annoncent au contraire de terribles lendemains qui déchantent tant les peuples tenus à l’écart de leur destin vont bientôt, à l’instar des malheureux Grecs, souffrir mille morts. À qui la faute ? La présomption fatale, vous dis-je…

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  • La vacuité du concept de « zone monétaire optimale » est notoire : il faudra un jour que ceux qui l’utilisent imprudemment nous expliquent en quoi un monopole étatique imposé par la violence pourrait constituer un optimum. Non, aucune zone monétaire n’est optimale dès lors que la monnaie est aux mains du pouvoir politique. Non, l’euro n’est pas un objet constructiviste : bien qu’imparfait, il est infiniment moins nocif que les anciennes monnaies, véritables outils constructivistes de soumission des peuples aux administrations hypertrophiées nationales.

    Comment peut-on confondre l’Etat et la Nation, la monnaie et « l’âme des peuples » ? Comment peut-on convoquer Hayek pour détourner ainsi sa pensée ? Comment ne pas comprendre que restructurer massivement les dettes publiques conduira les peuples européens à la faillite, à la ruine et à la guerre ?

    Les monnaies étatiques ont favorisé les guerres sans fin entre peuples européens. Ce projet de « monnaie commune » les conduira tout aussi sûrement à l’affrontement. On ne voit pas en quoi l’espoir de voir s’affronter à nouveau des monopoles étatiques, dans une lutte anarchique, monopole monétaire contre monopole monétaire, puisse être compatible avec la pensée libérale, tout particulièrement celle d’Hayek.

    L’euro est bien plus proche de l’optimum que n’importe quelle monnaie étatique, car il présente cette caractéristique de déposséder les hommes de l’Etat du pouvoir de manipuler la monnaie. En supprimant les monnaies nationales, l’euro est le creuset indispensable à l’apparition de monnaies privées concurrentielles, seules monnaies réellement légitimes et optimales.

    Pour ces raisons, l’euro est un bien précieux qu’il convient de sauvegarder.

  • @ bubulle : l’avantage de l’euro selon vous est de permettre de désaisir les gouvernements nationaux de la gestion calamiteuse de la monnaie, ce à quoi je souscrit totalement en temps que monétariste.

    Seulement, avec une seule monnaie qui agit sur des zones économiques à la productivité différente et évoluant de façon différente, si l’on ne met pas en place des transferts des zones plus productives vers les moins productives, alors les zones plus productives attirent le capital et détruisent les zones les moins productives.

    Comme l’autre solution à ce problème, à savoir la mobilité des facteurs de production n’est pas possible pour les salariés (les grecs et espagnols chomeurs ne vont pas aller travailler en Allemagne), la monnaie unique est donc viciée et ne peut marcher.

    Enfin, ce n’est pas la monnaie qui apporte la paix ou la guerre, le seul rempart contre la guerre, c’est la démocratie => il n’existe pas un seul conflit ayant eu lieu entre 2 démocraties ….

    • @Stéphane

      « les zones plus productives attirent le capital et détruisent les zones les moins productives »
      > il en est toujours ainsi, notamment au sein des états eux-memes.

      « les grecs et espagnols chomeurs ne vont pas aller travailler en Allemagne »
      >Ah bon ?? Pourtant c’est déjà le cas : http://www.challenges.fr/revue-de-presse/20111007.CHA5140/les-jeunes-espagnols-cherchent-du-travail-en-allemagne.html

      « la monnaie unique est donc viciée et ne peut marcher »
      >dites en quoi elle et viciée.
      Une monnaie est une monnaie. Ce n’est pas un instrument politique. Elle n’a pas vocation à opérer un transfert de richesse par dévaluation. C’est la politique fiscale qui a ce rôle normalement.
      Lorsqu’elle la monnaie devient le fruit d’une politique étatique affirmée , il y a toujours des problèmes importants au final, car la seule chose que peut faire une monnaie lorsque l’état agît sur elle, c’est flouer celui qui a confiance en cette monnaie.
      Faites un monnaie grecque, ça ne résoudra rien. Les riches grecs achèteront des euros (ou autres monnaies étrangères) pour se protéger. Et s’il s’agit de les flouer, alors autant passe directement à l’action en levant l’impôt.

       » le seul rempart contre la guerre, c’est la démocratie »
      > c’est surtout l’absence d’un état béliqueux.
      Singapour n’est pas une démocratie. Elle vit en paix. Les USA sont une démocratie et sont souvent en guerre, pour de « bonnes raisons », certes, mais où s’arrêtent l’autodéfense et le devoir d’ingérence ??

      L’euro n’est que la conséquence d’une politique basée sur un constat simple : quand les gens coopèrent, commercent ensemble (de façon volontaire …), ils ne font pas la guerre. Rappelez vous qu’il y a seulement 60 ans beaucoup de français auraient volontiers pendu un allemand à se seule vue et que l’europe était un amas de pierres.

      Honnêtement, je pense que vous faites des conclusions trop hâtives.
      L’euro n’était pas si mal pensé que ça. Le problème est à chercher dans les politiques gouvernementales et peut-être un excès de confiance du au succès de l’euro.

      • « un excès de confiance du au succès de l’euro »

        Je précise ma pensée : l’euro est, ou en tout cas a été, une monnaie de référence. Parce qu’elle est (était) stable . Du coup la facilité d’obtenir du crédit, même pour des Etats mal gérés, ou des particuliers peu solvables, a fait croire à ceux-ci et à leurs créanciers qu’on pouvait se dispenser de faire attention au budget de l’emprunteur. Mais quelle que soit la monnaie, un surrendettement est un surrendettement, qu’il entraîne défaut ou remboursement en monnaie de singe, il y a promesse non tenue et pertes pour le créancier.

  • en 1812 je voulais écrire pour les USA et la GB.

  • @ lucillio :

    Même avec votre exemple, il montre juste UN SEUL exemple de guerre, et encore, il s’agit d’un conflit frontalier avec très peu de victimes.

    De plus, cet exemple confirme mon affirmation plutôt que l’inverse, car c’est justement parce qu’il s’agit de 2 démocraties que ce conflit vieux de plus de 150 ans a été enfin résolu en 1998, grâce à l’avènement de la démocratie dans ces 2 pays….

    D’accord sur mon analyse ?

    Car les peuples veulent fondamentalement la paix (normal, ils ne veulent pas servir de chair à canon)

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