Contrepoints été s’éloigne de ses standards pour vos proposer quelques escapades jazz. Bonne lecture et découverte!
Libéré en 1954 de ses obligations militaires, Bill Evans est un jeune homme tout ce qu’il y a de plus normal. On l’imagine tel Robert De Niro, rasé de près, raie sur le côté et cigarette au bord des lèvres, marchant sur un boulevard en liesse à la recherche d‘un club de jazz… Mais passé la foule en délire, le garçon n’a plus rien d’un Doyle style Martin Scorsese. Avec ses traits secs et son regard d’acier, dissimulé tant bien que mal derrière de grandes lunettes carrées, Bill ne porte pas de chemise hawaïenne.
George Russel est son premier mentor dans le monde du Jazz. Le compositeur fait appel à ses qualités de pianiste, instruments inculqué par ses parents mélomanes, pour l’enregistrement de l’album The Jazz workshop (1956).
Les bases sont bien fixées, et le jeune pianiste ne tarde pas à prendre son envole. La même année, il signe sous son propre nom, pour le label Riverside, New jazz conceptions en trio avec le contrebassiste Teddy Kotick et le batteur Paul Motian. Le titre de l’album est prophétique. Si Bill Evans n’est pas encore arrivé au bout de son cheminement musical, il impose ses balises de reconnaissances et affirme sa technique d’harmonisation novatrice.
Le talent commande la renommé et le pianiste devient un des sideman les plus demandé. Nombreux sont ceux qui frappent à la porte du jeune prodige.
En tant que travailleur acharné, il développe son propre trio en marge de cette nouvelle activité. Avec le contrebassiste Scott LaFaro et le batteur Paul Motian, le pianiste enregistre Everybody digs Bill Evans (1958) et On Green Dolphin Street (1958). En 1959, il trône dans le sextet régulier de Miles Davis au côté de John Coltrane et Cannonball Adderley. La rencontre fait mouche. Les conceptions harmoniques de Bill Evans et l’évolution musicale du trompettiste vers un jazz modale donnent naissance au célèbre Kind of Blue (1959).
Malgré les collaborations prestigieuses qui s’enchainent, l’heure est encore à l’exercice et le pianiste peaufine son travail de composition. Le trio de 1958, prend vite l’allure d’un laboratoire musical. AvecPortrait in jazz (1959) et Explorations (1961) les trois partenaires prennent le large et larguent les amarres avec la tradition. Les enregistrements mythiques du Village Vanguard de New-York : Waltz for Debby et Sunday at the Village Vanguard (1961) apparaissent comme une étoile dans la galaxie du Jazz.
Avant Bill, contrebassiste et batteur avaient un rôle d’accompagnement. Ils étaient au service de la vedette. Après Bill Evans, les conventions sont rompues. Le trio se livre à une véritable improvisation à trois. Le discours du pianiste révèle une couleur harmonique inspiré des compositeurs français Fauré, Debussy et Ravel. Dans son travail de composition, Evans privilégie la partie médium de son clavier afin de laisser libre chant au jeu de basse de son contrebassiste. Chaque musicien entre en synergie avec ses partenaires au service d‘une mélodie à l‘extrême sensibilité. Le changement semble indolore mais le bouleversement est grand ! L’interplay est né.
Avec cette révolution musicale, Bill Evans ouvre grand les portes du Jazz Moderne et trace la voix de nombreux Jazzman après lui.
Malheureusement, dix jours après l‘enregistrement au Village Vanguard, Scott La Faro trouve la mort au volant de sa voiture, sa contrebasse à ses côté. Bill Evans est marqué à vie par la mort de son ami et plonge la tête la première dans l’héroïne puis la cocaïne. Meurtrit, le pianiste poursuivra sa carrière au grès des producteurs, pour le meilleur (Homecoming 1999) et pour le pire (Bill Evans, his piano and orchestra, play the theme of the V.I.P.s and other great songs 1963).
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Un article repris de Paixao Hall, avec l’aimable autorisation de son auteur.
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