Les enjeux de la crise budgétaire américaine

Alors que la question d’un possible défaut est évoquée par les Démocrates comme un argument pour hâter le relèvement du plafond de la dette, il n’y a en réalité aucun véritable danger à ce niveau – du moins à court terme.

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Les enjeux de la crise budgétaire américaine

Publié le 17 juillet 2011
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Imre de Habsbourg-Lorraine – Le 14 juillet 2011.

Alors que la relance de la conjoncture américaine est toujours en peine, avec un taux de chômage à 9,2%, le débat de la dette fait rage. A tout juste trois semaines de la date limite fixée par le Trésor américain pour relever le plafond de la dette, les leaders du Congrès se sont à nouveau rassemblés d’urgence le 10 juillet afin de trouver une issue à la question, sans succès : Démocrates et Républicains restent ancrés sur leur position. La première puissance économique mondiale fera-t-elle donc défaut sur sa dette ? Quels enjeux pour les États-Unis après la date fatidique du 2 août ?

Le 16 mai 2011, la dette américaine a atteint le montant faramineux de 14 294 milliards de dollars. Ce chiffre est symbolique, car il représente également la limite de la dette fixée par le Trésor américain, imposant ainsi au gouvernement un plafond à l’emprunt au-dessus de ce montant. Or, l’administration Obama et ses partisans, désormais soutenus par Ben Bernanke, le patron de la Fed, estiment nécessaire d’ajouter quelques 738 milliards à la dette afin de financer les obligations de l’année fiscale 2011. La question se pose donc si, oui ou non, cette limite sera une fois de plus relevée. Un vote du Congrès est nécessaire.

En contrepartie d’une augmentation de ce relèvement du plafond de la dette, le Président et ses partisans démocrates prévoient de nouvelles hausses d’impôts. Face à cette position, les Républicains de tous bords se rallient autour de leur leader à la Chambre, le député John Boehner, ainsi que son collègue du Sénat, Mitch McConnell, afin de s’opposer farouchement à toute augmentation de la limite de la dette. Pour ces derniers, en période de crise et avec une situation budgétaire aussi désastreuse que celle des États-Unis aujourd’hui, l’heure est à la réduction drastique des dépenses publiques pour stimuler l’économie.

Alors que la question d’un possible défaut est évoquée par les Démocrates comme un argument pour hâter le relèvement du plafond de la dette, il n’y a en réalité aucun véritable danger à ce niveau – du moins à court terme –, puisque plusieurs actions alternatives existent en attendant un compromis de la part du Congrès. Le revenu fiscal du gouvernement fédéral s’élève à 2 200 milliards de dollars pour l’année 2011. Bien que cela ne suffisse pas à couvrir le coût total des dépenses de cette année – 3 700 milliards de dollars ! –, ce montant est cependant en mesure de payer les 214 milliards d’intérêts sur la dette et ainsi éviter un défaut. A côté d’autres actions financières, relevons également le droit du Trésor de liquider divers actifs pour une valeur totale estimée à 2 400 milliards et participer ainsi au payement de la facture de l’État fédéral. Ce n’est qu’après avoir épuisé toutes les options financières que le Congrès se devra de procéder au vote permettant la hausse de la limite de la dette.

Le débat sur une éventuelle augmentation de la limite de la dette pose en fait une question de fond, une question à laquelle non seulement certains politiques, mais aussi le peuple américain souhaitent une réponse : peut-on réellement continuer sur cette voie de dépense sans limite où la loi régissant la barrière à l’emprunt n’est en fait qu’une frontière fictive, qui se déplace au gré des tendances dépensières de l’État ? Est-ce juste et responsable de dépenser excessivement alors même que le pays connaît un déséquilibre fiscal extrême ?

C’est une question des plus importantes d’autant plus que l’on prévoit une explosion des coûts du Medicare, du Medicaid et de la Sécurité sociale. Bien que de plus en plus fragmenté sur la question, le camp démocrate opte généralement tout de même pour une augmentation des impôts, censée renflouer les caisses de l’État et permettre les dépenses. Pourtant, elle a également un effet moins visible mais dévastateur en accablant les consommateurs et les entreprises, réduisant ainsi leurs dépenses, ce qui affaiblit la croissance et donc… les rentrées fiscales.

À l’inverse, le camp républicain prône une baisse des dépenses de l’État pour redonner une bouffée d’oxygène au secteur privé, réel moteur de la dynamique américaine. Bien sûr, cela peut avoir un effet récessif à court terme, mais à moyen et long terme les États-Unis doivent impérativement remettre de l’ordre dans leurs finances publiques qui pèsent sur leur croissance. S’ils veulent transmettre une image positive aux investisseurs, le pays se doit de maitriser sa dette et avoir enfin une vision à long terme prenant en compte les générations futures déjà terriblement endettées.

De plus, les élections de 2012 semblent rappeler, une fois de plus, un phénomène bien connu en politique : un intérêt quasi exclusif à s’assurer une réélection. Injecter des centaines de milliards dans l’économie américaine à quelques mois du début des campagnes présidentielles est certes un moyen d’améliorer quelques statistiques, mais ne résoudra certainement pas le problème de fond de la crise budgétaire.

C’est en 1917, avec l’adoption du Second Liberty Bond Act qui devait permettre aux États-Unis d’entrer en guerre, que le Congrès fixa pour la première fois une limite à la dette. Depuis lors, cette limite fût changée, à la hausse, pas moins de 100 fois, – dix fois depuis l’an 2000 ! Y aura-t-il encore une 11ème hausse cette année ? Une attitude irresponsable des politiciens n’est clairement pas ce dont a besoin le pays pour le moment ; bien au contraire, des réformes institutionnelles de fond permettant de renforcer le contrôle sur la dette sont d’une nécessité urgente si les États-Unis ne veulent pas s’engager sur une voie similaire à celle de la Grèce avec, bien sûr, des conséquences bien plus désastreuses encore.

Imre de Habsbourg-Lorraine, fondation Atlas pour la recherche économique.
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Un article de Un Monde Libre.

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