L’agaçante uberisation de la solidarité

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François Hollande - Crédits photo Philippe Grangeaud - Parti Socialiste via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0

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L’agaçante uberisation de la solidarité

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 septembre 2015
- A +

Le Chef de l’État a bougé un peu ses lèvres de façon officielle : c’est dit, toute cette question syrienne agite maintenant l’opinion ce qui justifie amplement qu’il y intéresse son auguste personne un peu de temps lors d’une conférence de presse. Et puis, ça tombe bien, il a quelques éléments opérationnels à faire valoir.

Or donc, la guerre en Syrie provoque de biens grands malheurs. Les populations locales, par centaines de milliers puis par millions, fuient les combats et quittent le pays pour se retrouver rapidement dans les pays limitrophes à commencer par le Liban et la Turquie. Et si, pendant plusieurs mois s’accumulant en années, le Chef de l’État n’en a guère entendu parler, maintenant, c’est difficile de cacher le sujet puisque le flot de familles déplacées parvient jusqu’à nos frontières.

La première réaction du Grand Homme ne se fait pas attendre. Comme on ne peut quand même pas laisser les choses s’envenimer, on va tout d’abord faire un sommet européen ou deux, réunir les autres chefs d’État, gober des petits-fours, se mettre tous d’accord et, ensuite, la France pourra accueillir quelques unes des familles concernées. Histoire de ne vraiment pas laisser la guerre s’installer et les gens se faire massacrer par les bombes, le Grand Homme a aussi décidé, dans la foulée, d’aller faire la guerre et de lancer des bombes, parce que les budgets (qui ne seront pas mobilisés à accueillir trop de familles déracinées) le permettent — à l’aise — et que cette solution représente une vraie innovation sur la situation actuelle. Et puis pourquoi dépenser de l’argent à accueillir des gens alors qu’il suffit de les réduire à néant directement chez eux ?

La seconde réaction notable du Grand Homme est venue lorsqu’un journaliste lui a rappelé que le Premier ministre finlandais, Juha Sipilä, a annoncé vouloir mettre sa résidence secondaire à disposition des réfugiés et qu’il lui a demandé dans la foulée s’il comptait faire de même. Bien évidemment, notre Chef Suprême a immédiatement fait preuve de sa légendaire Solidarité en mentant calmement qu’il n’avait pas de résidence secondaire disponible (celle de Mougins, c’est du poulet, je présume, et La Lanterne n’est qu’un petit réduit à balais impropre à recevoir le moindre réfugié). Et puis bon, franchement, hein, bon, qu’est-ce qu’on attend du Chef de l’État, de dire ce qu’on peut faire à titre personnel hein non bon évidemment on attend qu’il prenne des décisions hein et puis qu’il fasse en sorte que tous ceux qui veulent accueillir puissent le faire mais bon lui, hein, non pas trop là il a poney, voilà, hein, bon.

Et c’est vrai que « faire en sorte que tous ceux qui veulent accueillir puissent le faire » demande un vrai travail de fond du côté de l’État et de son Chef, même si en pratique, la loi autorise déjà n’importe quel Français à accueillir un réfugié chez lui. La loi du 31 décembre 2012 a d’ailleurs fait disparaître le « délit de solidarité », qui revenait à sanctionner toute personne hébergeant des immigrants en délicatesse avec leurs papiers. Autrement dit, tant que l’hébergement n’est pas payant (le socialisme, toujours très cohérent, imposant par la loi que cette immigration ne génère aucun profit ni bénéfice) tout un chacun ne peut être poursuivi pour avoir accueilli chez lui un étranger en situation irrégulière. Ouf, tout est déjà prévu, François n’aura pas à travailler beaucoup plus.

Cependant, une fois la poussière retombée à la suite des si belles envolées lyriques du Grand Homme et de sa voix grave, chaude et ferme, il n’en reste pas moins que cette crise migratoire sévère aura déclenché une nouvelle tendance qui ajoute un peu plus d’agacement à une société française déjà fort crispée par le ridicule constant dont fait preuve son Chef de l’État.

Il semble en effet que l’utilisation d’internet provoque une nouvelle fois une petite uberisation désagréable comme les taxis ou les hôtels en ont été récemment victimes : pour que les individus désireux d’héberger des réfugiés se fassent connaître, plusieurs sites et applications existent maintenant et offrent un service qui n’est pas tout à fait du goût de Pierre Henry, le directeur général de l’association France Terre d’Asile.

Pour lui, tout ceci provoque comme un malaise :

« il faut surtout canaliser la générosité de nos compatriotes. L’accueil des réfugiés relève surtout de la compétence de l’État. »

Canalisons mes petits amis, canalisons ! François l’a très bien montré (la force de l’exemple, que voulez-vous, reste irremplaçable pour les vrais socialistes) en ouvrant toutes grandes les portes de l’Élysée : c’est l’État qui doit gérer ce bazar, pas vous. Si, maintenant, on commence à laisser les individus s’organiser directement, en pair à pair, pour accueillir des gens, où va-t-on ? On commence comme ça, et ensuite, les gens se rendent compte que l’État est surtout une encombrante variable d’ajustement qui s’insère dans toutes les équations à grands frais. Et ça, mes petits amis, ça ne doit pas se passer. Il faut canaliser tout ça, qu’on vous dit. En fait, plus précisément, Pierre Henry explique comment il faut s’y prendre :

« Accueillir chez soi n’est pas la bonne action à mener (…) Il faut savoir s’engager au-delà de l’émotion et surtout aider les associations qui sont en charge de cet accueil, et qui ont une mission de service public. »

Et devinez quoi ? Justement, ça tombe pile-poil (les hasards sont bien faits, finalement), son association est justement là pour ça. Et voilà : ne vous embêtez plus à accueillir machin truc bidule, on se charge de tout, et l’État prendra tout en charge en vous renvoyant seulement la facture le moment venu. Remballez vos petits sites et vos mignonnes applications amusantes, là, on va s’occuper de ça, laissez donc les grands faire. Il ne faudrait surtout pas qu’une belle association quadragénaire et reconnue d’utilité publique se retrouve ainsi sauvagement uberisée par une petite application ou un site web montés en quelques heures. Il ne faudrait pas qu’on démontre, par l’exemple, qu’on peut fort bien se passer de l’État dans un sujet aussi sensible, aussi émotionnel, et par voie de conséquence, électoralement juteux !

aides sociales

Comme je le disais dans un précédent billet, le problème de l’émotionnel est qu’il empêche complètement toute réflexion. Son avantage est cependant qu’il permet de révéler, dans le tourbillon de panique, de bons sentiments dégoulinants et de réactions immédiates quasi-réflexives, ce qui se passe vraiment dans les têtes de nos politiciens. Hypocrisie flagrante du président, mollesse caricaturale des journalistes lorsqu’ils la chroniquent, appels des uns et des autres à ne surtout pas se passer d’eux …

Quel beau tableau que ces émotions à fleur de peau permettent de dresser ! Et quelle confiance tout ceci instille dans l’avenir du pays !

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  • Il aurait pu par exemple annoncer l’ouverture facilitée des frontières aux réfugiés et pour compenser, le durcissement du regroupement familiale et de l’immigration non « urgente ».
    Ainsi anti- et pro-immigration auraient eu leur compromis.

    Quand aux associations « humanitaires », la peur visible de perdre la main et les moyens qui vont avec, frôle l’indécence.

    • le pire c’est qu’un réfugié, tant qu’on lui fait des cours de langue, c’est bonus pour la croissance, et ca rapport en charges sociales plus que ca coute.

      ca c’est un discours libéral, pas de la droite va crever, ni de la gauche pauv chou.

      ces gars là on les mérite pas.
      ce que ces gars méritent c’est d’acheter leur ile, de la construire, et de nous ridiculiser comme Singapour.

      Lisez Antifragile par nassim taleb, il est du coin et raconte bien l’esprit antifragile des Levantins, le modèle des viles états, et l’absurdité de la Syrie état.

    • une association est une entreprise comme les autres , elle vend des services à des clients solvables et intéressés , le client est politique , les employés bénévoles , les patrons, des patrons normaux vivant le mieux possible de leur entreprise

  • Il s’agit surtout, pour France, terre d’asile, de canaliser les subventions…

    • Pour avoir été président d’une association aidant les personnes en situation de précarité.
      Tu est loin d’imaginer ce qu’est pret à faire une association qui emploient des salariés pour ces subventions.
      La grande majorité des associations est dépendante des fonds publiques ( et aussi privés maintenant).

      Donc si tu aides des SDF et que l’état ou le mecene te dit  » fait de la musique avec des bambous et des jeunes de cité » et bien tu le fais sinon ton asso est fini…

      • Ou comment passer de « on aide » à « on s’aide ».
        En quoi la disparition d’un service onéreux pour le contribuable au profit d’une forme d’aide plus directe, plus consentie et beaucoup moins cher serait un problème ?
        On avait parfaitement compris sans votre intervention : il s’agit pour les associatifs de préserver leurs plates-bandes via l’entremise de l’état. Du corporatisme associatif quoi.
        Que les solutions dont ils entendent priver leurs « clients » soient meilleures que ce qu’ils proposent ne les concerne pas. L’expression « charité bien ordonnée commence par soi-même » n’aura jamais été aussi vraie …

    • Dreuz… ou le complotisme acharné…
      Quelle belle source ! Et quel magnifique article, qui ne dit rien, qui ne peut rien faire dire, mais ou les complotistes extrémistes arrivent a trouver des supers détails super interessant… comme… il y a un photographe sur la photo donc c’est de la manipulation… ouch ca c’est de l’info. Et ne parlons meme pas de 2 personnes au fond… alors la c’est le big scoop qui cassa tout. Ou sinon, les tours de New-york ne sont pas tombés, et la lune n’existe pas, ce n’est qu’un satellite envoyé par les russes ou les arabes pour espionner les gentils occidentaux.

  • Voyons ! On a 2 problèmes : le chômage et les réfugiés.

    Le premier est national et le second est mondial (et non simplement européen). Et que fait Hollande : au niveau national il prépare sa réélection, au niveau mondial il lutte contre le réchauffement. On peut donc en conclure qu’on a en fait un seul et même problème : une baudruche à l’Élysée …

  • Je constate sur diverses photos de presse que beaucoup sont des hommes « dans la force de l’ age  » Si on avait donné des armes à ces gens ils se seraient certainement battus contre leurs ennemis c’ est peut etre ce que ces réfugiés demandent en venant en Europe qu’ on les aident à se battre contre leurs oppresseurs ?
    en somme la solidarité avec les braves non ?

    • Je ne crois pas qu’ils se seraient battus. Sinon, ils auraient déjà trouvé un moyen de le faire. En outre, aucun d’eux ne réclame des armes et une assistance pour leur pays. Ils ont tous le même discours « fuir ».
      Un prêtre qui les aident en Autriche a été très surpris d’entendre nombre d’entre-eux crier « Allah akbar » en passant la frontière. Ce que personne ne dis en France.
      Il est aussi à souligner que l’Autriche ne les accueillent pas mais qu’elle les transfère jusqu’en Allemagne.
      Au passage le Danemark vient de fermer sa frontière…
      Tout ceci montre que Hollande se plante totalement, et Merkel aussi pour le coup. Ils le paieront très cher dans les urnes !!!

  • Les commentaires sont fermés.

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