Il y a deux siècles, le congrès de Vienne

Quand Vienne dessine l’Europe…

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Talleyrand credits Jorge Elias (licence creative commons)

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Il y a deux siècles, le congrès de Vienne

Publié le 16 juin 2015
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Par jean-Baptiste Noé.

Talleyrand credits Jorge Elias (licence creative commons)
Talleyrand credits Jorge Elias (licence creative commons)

L’Europe s’est formée tout au long de ses grands traités : Westphalie (1648), Vienne (1815), Versailles (1919), Rome (1957) pour ne citer que les principaux. Le congrès de Vienne vise à régler l’aventure napoléonienne et clôturer les décennies révolutionnaires. L’acte final, signé en français le 9 juin 1815, est un des chefs-d’œuvre de la diplomatie européenne. Dans une capitale autrichienne qui connaît les derniers fastes d’Ancien Régime, des centaines de diplomates se retrouvent pour discuter de la nouvelle carte du continent et tracer les frontières de l’équilibre et de la stabilité. Jamais congrès n’a réuni autant de diplomates de si grande renommée : Wellington (Angleterre), Metternich (Autriche, qui dirige le gouvernement jusqu’en 1848), Nesselrode (Russie) accompagnant son tsar Alexandre 1er, le cardinal Consalvi pour les États pontificaux, le prince Hardenberg pour la Prusse, et Talleyrand pour le royaume de France.

Dans les salons et les hôtels, on échange et on discute, on soupèse et on parlemente. C’est l’Europe des principautés et des têtes couronnées, quand les familles royales gouvernaient et régnaient, avant de céder leur place aux technocrates. Le congrès ne connaît quasiment pas de séances plénières, les décisions sont prises par les quatre grands, Prusse, Autriche, Angleterre, Russie, vainqueurs de Napoléon. La France est isolée. Mais on connaît l’extrême habileté de Talleyrand, envoyé par Louis XVIII pour permettre au royaume de retrouver son rang. Il se fait le porte-parole des petits États qui craignent l’hégémonie du quatuor. Royaume de Sardaigne, République de Gênes, confédération des cantons suisses, chevaliers de Malte… tous redoutent l’hégémonie de l’Europe centrale. Talleyrand négocie et réussit à se mettre au niveau des puissances gagnantes. Il a amené avec lui un orchestre pour danser, un cuisinier, le grand Carême, pour régaler les palais, et sa nièce, charmeuse et envoûtante, capable d’arracher quelques secrets d’alcôve.

La diplomatie de la table

Maintenant que l’Europe retrouve la paix après 23 ans de guerre, la diplomatie s’amuse, pour mieux négocier. Talleyrand organise le concours du meilleur fromage, et c’est le Brie de Meaux qui l’emporte. La valse fait son apparition, et domine la danse continentale jusqu’à la Grande Guerre. Mais au-delà des futilités, des décisions majeures sont prises. L’ordre de Vienne veut éviter un nouveau conflit continental. Il s’agit d’établir l’équilibre des puissances, obsession continue de la diplomatie européenne. Ni la Prusse, ni l’Autriche ni la France ne doivent dominer. On partage une nouvelle fois la Pologne, Belgique et Hollande sont fusionnées, la carte de l’Allemagne est simplifiée, ramenée de 350 à 39 États. La Russie, dont on se méfie, est mise à l’écart. L’Angleterre commence son splendide isolement. La France voit ses frontières ramenées à celles de 1791. L’aventure napoléonienne des Cent Jours et la débâcle de Waterloo (18 juin), obligent à un nouveau traité, où la France perd plusieurs territoires.

Metternich et l’Autriche s’imaginent grands vainqueurs du congrès. Il est vrai que l’Empire a accru ses territoires et que sa vision de l’Europe a prévalu. Mais c’est la Prusse qui s’est surtout renforcée, prélude aux combats à venir contre Vienne à Sadowa (1866) et contre Paris (1870). L’équilibre européen reste toujours précaire.

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  • L’Alsace est restée française malgré l’envolée patriotique de 1812-3 qui bouta Napoléon hors d’Allemagne

    [‘Du Schwert an meiner Linken,
    was soll dein heit’res Blinken?
    Schaust mich so freundlich an,
    hab’ meine Freude dran.
    Hurrah! Hurrah! Hurrah!’ (Th. Körner, mort à la bataille de Gadebusch le 23-8-1813, musique de Carl Maria von Weber)]

    une bonne partie des Allemands n’y comprenaient plus rien (…car finalement, Mömpelgard ne devint française qu’en 1806 sous le nom de Montbéliard tandis qu’en Alsace aussi il avait subsisté des îlots non-français), préparant ainsi le terrain psychologique pour 1870.

    Heureusement nous autres Luxembourgeois sommes trop petits pour beaucoup rouspéter, en effet 1815 vit la confiscation de notre Eifel (Bitburg, Kronenburg, Schleiden etc) par les Prussiens sans que même une seule chanson ne fut commise. Enfin quoi, nous avions tellement l’habitude que par après, une très grande portion – portant d’ailleurs toujours le nom de ‘Province du Luxembourg’ – fut donnée à la Belgique. Parlant d’habitude, en 1659 déjà la France nous avait enlevé Damvillers, la région de Diedenhofen (Thionville) ainsi que de beaux territoires au sud de la susdite Province de Luxembourg. Quelle chance que tout cela soit parti! ça ne nous a rendu que plus pacifiques encore (la folie des grandeurs, non merci)

    • Lorsque l’on prend le train de Metz à Luxembourg et plus encore de Bruxelles à Luxembourg il n’y a pas besoin de panneau pour savoir que l’on a passé la frontière…tant la différence est visible. Vaincus hier, mais aujourd’hui oú en sont les vainqueurs ?

      • …là encore, je vois les choses d’une façon un peu différente. Il m’est arrivé de parler de « l’éternel couplet ‘les Wallons ont eu ceci ou cela, donc nous autres Flamands devons avoir ceci ou cela’ et vice-versa » – –

        (http://www.contrepoints.org/2015/06/12/210693-valls-a-berlin-very-bad-trip)

        – – les Allemands parlent de « Sprachenstreit » (querelle linguistique), j’ignore si en France, on nomme les éternelles bisbrouilles entre Wallons et Flamands de la même façon, si tant est qu’on en parle seulement (vous avez d’autres chats à fouetter). Quoi qu’il en soit, j’ai pas mal de fois mis pas mal de nez tant flamands que wallons dans le beau caca que voici:

        « Je me souviens d’avoir, à l’âge de 8 ans et dans l’école primaire de Kürenz (Trier/Trèves) et avec ma curiosité habituelle, profité de l’absence de Fräulein Ames pour ouvrir l’armoire à bouquins ‘interdits’ càd censément ‘pas de notre âge’. Ce qui me tomba sous la main fut un manuel d’histoire dans lequel une carte, en particulier, attira mon attention. Or donc, d’est en ouest: Mainfranken – Rheinfranken – Moselfranken – Maasfranken – Scheldefranken – Seinefranken. Vous remarquez quelque chose? oui? Partout la même sale race… »

        Chez l’historien Joachim Fernau on peut lire par ailleurs que du temps de la naissance de Charlemagne, un Hambourgeois et un Milanais pouvaient encore se comprendre. Il note par ailleurs que les moines chroniqueurs de Sankt Emmeran / Regensburg (Ratisbonne) employèrent pendant des siècles, le terme ‘regnum francorum orientalis’ pour parler de l’Allemagne, tandis que leurs collègues de Saint-Denis employèrent, vous l’aurez deviné, le terme ‘regnum francorum occidentalis’ pour désigner la France. D’autre part, l’historien français J.J. Hatt avait noté, dans ‘Histoire de la Gaule romaine’, qu’ il subsistait vers l’an 600 en France, quelques ‘îlots’ où 25% (max.) de la population était encore gallo-romaine, dans un océan germanique.

        Rien n’est jamais simple (sauf bien sûr dans certaines têtes qu’il est inutile de spécifier)

        • Vers l’an 600, il serait plus juste de dire que des îlots de Germains subsistaient dans un océan gallo-romain, cher Monsieur. Potassez votre démographie, comme je le dis toujours. Par exemple, nous autres Bretons étions organisés en royaumes indépendants et n’étions aucunement germains. A titre indicatif, la langue bretonne avait remplacé le bas-latin, et surtout succédé au gaulois continental, très proche parent, parce que l’émigration bretonne était importante numériquement. Au contraire,les langues germaniques ont disparues au profit du bas-latin devenu roman. Question de démographie.

          • « Il ne s’agissait – » [en 406 et plus tard] « – plus d’une des incursions partielles de peuples frontaliers Francs ou Alamans, telles que la fin du IVe siècle en avait connu (…) mais c’était une véritable migration de peuples fugitifs, décidés à trouver de nouveaux domiciles. Voici en quels termes saint Jérôme, dans une lettre à la veuve Ageruchia, rapporte ce cataclysme (ép. 123, 15): ‘Des nations innombrables et féroces se sont rendues maîtresses de la Gaule. Tout ce qui est compris entre les Alpes et les Pyrénées, l’Océan et le Rhin a été dévasté par le Quade, le Vandale, le Sarmate, l’Alain, le Gépide, le Hérule, le Saxon, le Burgonde, l’Alaman, et, ô douleur! les Pannoniens. C’est vraiment Assur qui est venu avec eux. Mayence, noble cité jadis, a été prise et détruite, et des milliers d’hommes égorgés dans l’église. Worms est tombé après un long siège. Reims, ville puissante, Arras, la cité des Morins (…) Aquitaine, Novempopulanie, Lyonnaise, Narbonnaise, toutes ces provinces ont été dévastées, à l’exception d’un petit nombre de cités, et celles que le glaive étranger a épargnées, la famine interne les a fait périr’ (…) Les nouveaux venus ne s’arrêtèrent d’ailleurs même pas dans le Midi de la France (…) » voilà ce qu’écrit J.J. Hatt (université de Strasbourg) dans « Histoire de la Gaule romaine », Payot, Paris 1959, p 351 sq. Après quoi, en p. 373 sq, il note qu’auparavant déjà, « lorsque les Vandales, les Alains, les Suèves et les Burgondes rompirent la frontière rhénane en décembre 306 pour aller s’installer en Gaule, à l’intérieur du territoire de la province résidaient déjà de nombreuses tribus de ‘Lètes’, fixées par l’autorité romaine depuis Dioclétien. La liste de ces établissement est donnée par la Notitia Dignitatum, de façon d’ailleurs incomplète. Nous apprenons ainsi qu’il y avait des Teutons dans la région de Chartres, des Bataves et des Suèves autour de Bayeux et de Constance, des Suèves près du Mans, des Francs près de Rennes, des Lètes de diverses provenances autour de Langres (…) et à Autun, (…) des Suèves à Clermont-Ferrand, des Sarmates et des Taifales, à Poitiers, à Paris, entre Reims et Amiens, dans la Haute-Loire, à Langres. Ces Lètes (…) avaient la plupart du temps occupé des terres laissées vides par la dépopulation consécutive aux invasions. »

          • « Au contraire, les langues germaniques ont disparues au profit du bas-latin devenu roman »,

             » ‘Können wir nicht Sächsisch reden? Das versteht man überall sehr gut.’ – ‘Ich habe festgestellt, dass man es in Paris z.B. nicht mehr gut versteht. Ich habe mich gewundert, wie sehr mein Schwager schon anders spricht. Hast Du bemerkt, wie sehr sie dort durch die Nase reden und wieviele lateinische Worte von den Römern hängengeblieben sind?’ // ‘Ne pouvons-nous pas parler le Saxon? On le comprent très bien partout.’ – ‘J’ai constaté qu’à Paris p.ex. on ne le comprend plus très bien. Je me suis étonné combien mon beau-frère parle déjà autrement. As-tu remarqué combien ils parlent là-bas par le nez et combien de mots latins venus des Romains sont restés accrochés?’ « , ainsi l’historien Joachim Fernau, dans « Deutschland über alles », Goldmann Taschenbuch 1982, p.45, où il met en scène l’empereur Otto I (912-973) et son frère Heinrich.

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