Kenya : quand les médias aident le terrorisme

Les professionnels des médias doivent se rendre compte que les terroristes sont prêts à tout pour les manipuler et les utiliser.

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Victor Ochleng - Downtown Mombasa Kenya - CC BY SA 20

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Kenya : quand les médias aident le terrorisme

Publié le 15 juin 2015
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Par Collins Wanderi et al., analystes pour africanexecutives.com

Eduardo Zarate - Petite fille au Kenya - CC BY ND 2.0
Eduardo Zarate – Petite fille au Kenya – CC BY ND 2.0

Suivant le Manuel de l’armée de terre des États-Unis (1996), « dans la guerre, l’information est la clé de la victoire ». Chaque bon soldat sait que les guerres conventionnelles et non-conventionnelles sont menées sur plusieurs fronts. Aujourd’hui, pour aboutir à la victoire, il ne suffit pas de gagner des batailles importantes sur le terrain, mais il faut également gagner les cœurs et les esprits des gens dans les pays ou territoires de l’assaut. L’exploitation stratégique des informations est essentielle dans toute guerre ou bataille et peut influer sur le résultat final du conflit. Même les putschistes militaires savent que pour déloger un régime politique existant ils doivent d’abord saisir les stations de radiodiffusion nationales pour contrôler la circulation de l’information, attiser les émotions contre le régime et conserver le soutien du peuple.

Les organisations terroristes ont mené des campagnes d’information (ou désinformation) comme moyen de transmettre leur idéologie extrémiste et d’instiller un maximum de peur dans les populations. Les groupes terroristes comme Al-Shabaab utilisent à la fois les médias grand-public et les réseaux sociaux pour impulser de nouvelles attaques et façonner l’opinion publique. Bien que Al-Shabaab ait sensiblement perdu la guerre sur le terrain, après avoir été délogé par les Forces de défense du Kenya (KDF) d’une grande partie du territoire qu’ils détenaient dans le sud de la Somalie, les militants semblent gagner la guerre psychologique au Kenya.

Le nouveau récit d’Al-Shabaab selon lequel le Kenya devrait retirer ses forces de la Somalie a été soutenu par des médias locaux qui mobilisent constamment des «experts» superficiels et l’opposition politique pour répandre la propagande de ces terroristes comme l’ultime panacée aux attaques terroristes répétées dans le pays. Ce que ces professionnels des médias et ces politiciens oublient est que Al-Shabaab capitalise sur la diffusion de la haine, la peur et l’indignation parmi les Kenyans ordinaires pour atteindre un objectif politique, le retrait de KDF de la Somalie. Et certains médias locaux, journalistes et politiciens sont pris au piège en exhortant le gouvernement à accéder aux demandes des terroristes.

Ils ne peuvent pas prospérer sans les médias. Ils adorent cette publicité qui permet de propager leur idéologie et leurs objectifs. L’exposition médiatique leur permet également de répandre la peur et le découragement parmi les victimes réelles et potentielles. La technologie a créé un espace virtuel sans limites et les médias sociaux ont donné aux organisations terroristes un moyen très utile et abordable pour répandre leur propagande, idéologie extrémiste, recruter de nouveaux adeptes et mobiliser des ressources.

Depuis novembre 2011, Al-Shabaab a créé et maintenu à cette fin des comptes réels et fictifs dans les médias sociaux. Les bloggeurs et les militants des médias sociaux font une propagande active. Les grands médias et les journalistes accrédités, aussi désireux de rivaliser avec les blogueurs, sans le vouloir, relayent la même information au grand public qui la prennent invariablement pour une vérité évangélique. De même, la concurrence entre les maisons de presse locales pour obtenir et relayer les informations permettant de capter l’audience publique, booster leurs parts de marché et accroître leurs recettes, a donné à Al-Shabaab l’opportunité d’influencer l’opinion publique. En conséquence, Al-Shabaab devient de plus en plus impitoyable et expose sa cruauté pour attirer les médias et mobiliser l’attention et l’indignation.

Les professionnels des médias doivent se rendre compte que les terroristes sont prêts à tout pour les manipuler et les utiliser. Certains reporters peuvent être soudoyés et certains éditorialistes crédules manipulés pour chercher des informations à partir de blogs et de faux comptes exploités par des groupes terroristes. Outil rêvé de propagande. Le Secrétaire de Cabinet Joseph Nkaissery a censuré les médias locaux pour avoir diffusé à plusieurs reprises des chiffres exagérés sur le nombre de victimes de la récente attaque d’Al-Shabaab au Yumbis à Garissa County.

Les premiers scoops diffusés par certains médias et certains journalistes sur les évènements du 26 mai 2015 les ont montré comme des monstres prêts à tout pour répandre la guerre. Cette propagande reposait sur des sources peu fiables. Certains médias sont trop vulnérables à la manipulation par Al-Shabaab. À la recherche du scoop, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont les principaux promoteurs des atrocités de ces groupes. Ces journalistes doivent se rappeler que Al-Shabaab est un groupe terroriste qui n’a aucune chance de vaincre sur le terrain le KDF ou les forces de l’Union africaine en Somalie. Raison pour laquelle la « crédibilité » du groupe ne repose que sur la guerre psychologique à travers la violence à l’égard des civils et sa volonté affichée de gagner de nouveaux territoires.

Article initialement publié en anglais par African Executive – Traduction réalisée par Libre Afrique

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  • …on pourrait oser croire que les mécanismes détaillés dans cet article, et qui bénéficient également au Daesh p. ex., soient connus de tous les services de renseignement (et de leurs gouvernements etc) concernés

    • Oui, bien sûr mais il ne suffit pas de connaitre « la vérité » pour qu’elle soit partagée par le « peuple » de lecteurs de journaux!

      De ce point de vue, il peut être inquiétant, en France, de voir inviter, dans une émission télé ou un JT, un autre journaliste « star » pour confirmer l’idée de la rédaction en faisant semblant qu’elle-même reste neutre. Il reste une différence de taille entre un expert de type scientifique et un journaliste « étiqueté », fût-il un spécialiste du domaine concerné! J’ai entendu un jour, une interviweuse se faire appeler « Camarade » par un ponte socialiste: ce souvenir ne m’a jamais quitté!

      Il semble d’ailleurs plus facile de manipuler des masses qu’un individu « vierge » devant prendre parti, seul! C’est toute la puissance de l’effet « Buzz », quand il est plus difficile, socialement, de ne pas penser « comme tout le monde »! Combien d’armées auto-proclamées « de la Liberté » n’ont pas cacher un désir de pouvoir, par tous les moyens?

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