Quels sont les principaux artisans de la croissance américaine ?

La réponse est plus étonnante qu’on ne le pense…

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Barack Obama (Crédits : barackobamadotcom, licence Creative Commons)

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Quels sont les principaux artisans de la croissance américaine ?

Publié le 27 février 2015
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Par Valérie d’Emploi 2017.

Barack Obama (Crédits : barackobamadotcom, licence Creative Commons)
Barack Obama (Crédits : barackobamadotcom, licence Creative Commons)

 

Quelle est la bonne réponse à cette question ? Tout le monde ? La Banque Fédérale qui a inondé le marché d’argent frais avec le Quantitative Easing ? Le gouvernement fédéral qui en 2008 a lancé un programme d’investissement de 800 milliards ? Les Chinois et l’importation de leurs produits bon marché ? La conspiration militaro-capitaliste qui gouverne les États-Unis aux dires de quelques obsédés de la conspiration ?

Réponse : le principal artisan de la croissance est le 1 %, le centile supérieur des patrimoines.

Et l’on peut se demander si la faible reprise de la croissance américaine jusqu’à mi 2014 n’est pas due au fait que le gouvernement Obama les vouait aux gémonies en les dénonçant et cherchant à les taxer davantage, les incitant à ne plus prendre de risques, que le vent a tourné courant 2014 quand il est devenu clair qu’avec un Congrès dominé par les Républicains, la capacité de nuisance de ce gouvernement Obama avait très sérieusement diminué ?

Qu’est-ce que le 1 % ?

C’est le 1 % de la population qui dispose du patrimoine le plus élevé. Il représente 1 % des 115 millions de foyers américains soit environ 1,15 million. Ce n’est pas exactement le 1 % haï et dénoncé par Joseph Stiglitz ou Thomas Piketty car ce 1 % se définit comme le centile le plus riche par le patrimoine, pas par le revenu. Seuls les trois quarts de ce 1 % appartiennent aux 1 % des plus riches par le revenu, car s’ils figurent parmi les patrimoines les plus élevés, leurs revenus ne sont pas suffisants pour être aussi dans le 1 % des revenus les plus élevés. Inversement, un quart des revenus les plus élevés n’ont pas eu le temps d’accumuler suffisamment pour figurer dans le centile des patrimoines les plus élevés. Le lien entre ces deux populations du 1 % est magnifiquement illustré dans la superbe copula dessinée par Arthur B. Kennickell de la Fed.

Il est temps de rappeler que l’enquête mondialement la plus remarquable sur les patrimoines est celle menée tous les trois ans par le Federal Reserve Board, les services économiques de la Banque Fédérale. Le Survey of Consumer Finances (SCF) est extrêmement détaillé car il porte sur près de 600 questions. Malgré le petit nombre d’enquêtés (environ 6500), c’est une des plus fiables car elle est faite auprès d’un échantillon tiré au sort sur la population des revenus, extraits de l’IRS et force l’échantillonnage pour les revenus les plus élevés.

Qu’elle soit la plus fiable ne signifie pas qu’elle soit sans défaut ; l’un de ses problèmes est que la réponse à cette enquête n’est pas obligatoire et que le taux de non-réponse croît avec le niveau de fortune. Différents procédés statistiques sont utilisés pour corriger ce défaut – quantifié – du SCF. Un bon article sur les divers procédés d’estimation des fortunes aux États-Unis est « What Do We Know about the Evolution of Top Wealth Shares in the United States » (Kopczuk 2015) qui compare les quatre voies d’évaluation de ces fortunes. Si le SCF n’est pas l’unique source, c’est semble-t-il la meilleure et même si les conclusions tirées ci-après ne doivent pas être prises avec une précision de 3 ou 4 décimales, la remise en cause des ordres de grandeur obtenus à partir du SCF sur le rôle remarquable tenu par le 1 % le plus riche sur le développement américain nous apparaît comme très peu probable.

Les enseignements du SCF sur le centile (1 %) supérieur des patrimoines

La conclusion que nous avons tirée des études du SCF sur l’évolution des fortunes américaines va à la fois ravir et mettre en fureur les égalitaristes.

  • Il est clair que le 1 % des plus riches a vu sa fortune croître beaucoup plus vite que la moyenne américaine. Il est passé entre 1989 et 2007 de 8538 à 21 864 milliards soit une hausse de 13 326 milliards ou 156 % en dollars constants, alors que le PIB américain montait pendant la même période de 69 % et le revenu moyen par tête de 35 % si l’on en croit les calculs de Burkhauser, 60 % ceux de Kennickell de la Fed et 3 % ceux de Thomas Piketty.
    Cette hausse est du même ordre de grandeur que celle des milliardaires de la série Forbes dont la fortune totale est passée dans la même période de 433,8 à 1539,9 milliards en dollars constants 20071. Rappelons que dans la série Forbes, de même que dans les enquêtes du SCF, ceux qui figurent dans l’enquête Forbes comme dans le 1 %, ne sont pas toujours les mêmes. Ils sont éliminés par de nouveaux arrivants. Ainsi, seuls 9,5 % environ des 400 noms figurant dans la liste Forbes de 1983 figurent encore dans la liste 2013. Une enquête sur un groupe d’Américains suivis sur 44 années a montré qu’à chaque niveau de la société il y avait un brassage considérable d’une couche à l’autre de revenus ou de fortune.
  • Jusqu’à présent, ce discours a dû ravir les égalitaristes. Il les ravira moins d’apprendre que le patrimoine industriel du 1 % passe de 7399 milliards en 1989 à 18 466 en 2007 soit +11 067, et représente donc 77 % de la hausse du patrimoine total du 1 %. En clair, près des 4 cinquièmes de hausse de la fortune du 1 % sont le fruit de leurs investissements industriels.
  • Sur ces 77 %, il est donc difficile de continuer à prétendre comme le fait Piketty que cette hausse des inégalités est due à l’augmentation des hauts salaires, mais on peut se demander si le 1 % ne profite pas de la rente ou de ses seuls placements en Bourse. Quelques chiffres mettent du plomb dans l’aile à ces explications « lutte des classes ». Comme déjà publié, Edward N. Wolff, un égalitariste, reprenant les enquêtes du SCF ne peut se retenir de s’exclamer lorsqu’il découvre que 75 % de ceux qui peuplent le 1 % sont des chefs d’entreprises individuelles, closely held, c’est-à-dire détenues par moins de 5 actionnaires liés par un pacte leur permettant de contrôler le patrimoine de la société. Et si nous ne pouvons ici garantir que ces 75 % sont ceux dont la croissance du patrimoine industriel représente 77 % de la croissance du patrimoine du 1 % entre 1989 et 2007, les statistiques ci-dessous montrent que la croissance de ce seul patrimoine que sont les entreprises individuelles, en représente 6110 milliards soit 43 %.
  • Mais la plus grosse partie de ces accroissements de fortune ne provient-elle pas des héritages, de la transmission de richesse qui d’après les égalitaristes serait une autre raison de détester les riches et de penser que ce sont des profiteurs ? Il ne semble pas que ce point soit étudié dans le questionnaire du SCF, qui permette de savoir si, comme pour les milliardaires, ce sont des profiteurs, ou si ce sont eux qui font la croissance. On rappelle en effet que les séries Forbes permettent de savoir que 67 % des milliardaires de leur liste actuelle sont devenus milliardaires de leur vivant et qu’en ajoutant leurs parents, on parvient à 90 %. Nous ne pouvons savoir du SCF si les membres du 1 % ont hérité de leur entreprise mais qu’importe que ce soient eux qui l’aient créée ou leurs parents, l’essentiel est qu’ils aient pu la faire prospérer, car cela prouve qu’ils continuent d’investir, et avec succès, puisque leur fortune a crû beaucoup plus que la moyenne américaine.

Ce qui importe c’est que conformément au modèle de la toile cirée, pour que les Américains s’enrichissent et que continuent à se créer massivement des emplois, le 1 % tire l’essentiel de son accroissement de richesse de ses investissements industriels et pas de l’immobilier (comme les Français) et que cette fortune croisse très vite.

Patrimoine (Crédits Emploi 2017, tous droits réservés)
Patrimoine (Crédits Emploi 2017, tous droits réservés)

Sur le web

  1. Cela rappelle l’indignation du journaliste de Challenges, une revue française qui publie comme Forbes une liste annuelle de milliardaires et qui s’étonnait, sinon s’indignait, dans le Challenges de 2014 sur les milliardaires, que leur fortune totale ait progressé « de plus de 15 % », depuis l’an dernier, et ait été multipliée par 5, voire 7, depuis 1996 alors que la moyenne des fortunes des Français ne progresse pas, si même elle ne recule pas. L’hebdomadaire Challenges s’indignait également de ce que le nombre de milliardaires français ait progressé d’une dizaine en un an, passant ainsi à 67.
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