L’Espagne prend le taureau par les cornes, la France fait du tir aux pigeons

Alors que la France s’enfonce dans un étatisme sclérosant, l’Espagne préfère s’affranchir d’un État providentiel et diminuer sa propension à l’interventionniste.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’Espagne prend le taureau par les cornes, la France fait du tir aux pigeons

Publié le 22 octobre 2013
- A +

Par T. Matique.

Deux pays dans la tourmente des déficits publics, deux pays avec un changement de gouvernement depuis plus d’un an, deux méthodes diamétralement opposées, deux résultats en perspective sans commune mesure.

Si la France s’enfonce dans un étatisme collectiviste et sclérosant, l’Espagne, pourtant conservatrice dans l’âme, a préféré s’affranchir d’un État providentiel et diminuer sa propension à l’interventionniste.

En 2010, M. Strauss-Kahn disait à son homologue de gauche Zapatero : « En Espagne, vous avez beaucoup de rigidité, le marché du travail ne fonctionne pas […]. Même par temps favorable, il y a beaucoup de gens au chômage, beaucoup d’emplois à court terme et temporaires. Tout ceci montre que le marché du travail ne fonctionne pas ». De toute évidence la gauche française a carrément zappé le message. Ainsi, tandis que la France de Hollande prône le dialogue social pour aboutir plusieurs mois après à une pseudo-flexibilité et sécurité de l’emploi, et à une démagogique loi Florange, l’Espagne de Rajoy fait une vaste réforme du marché du travail par la voie rapide du décret de loi. Deux méthodes différentes dans l’application du principe démocratique. La France qui laisse décider pour tous les partenaires sociaux ne représentant qu’environ 5 % de la population active, et l’Espagne où le gouvernement décide de s’affranchir du rôle d’intervenant de l’État et du poids des corporations afin de permettre une négociation au cas par cas.

Ainsi tandis que la France de Hollande alourdit les charges sur les CDD, l’Espagne de Rajoy fait du sacro-saint CDI un CDD d’un an (période d’essai) avant de devenir à durée indéterminée. Il n’y a que le FN et son homologue du Front de Gauche, de même que les Verts, pour voir du libéralisme chez Hollande et certains journalistes pour partager la Une de Libération « Le Président des patrons ». Dès lors il n’est guère étonnant que l’Espagne de Rajoy devienne pour la gauche espagnole, non plus libérale, mais une affreuse capitaliste comme le suggère Alberto Garzon député de la coalition de Gauche Izquierda Unida en février 2012 : « C’est une stratégie pour démanteler ce qui reste de l’État-providence, pour suivre le modèle anglo-saxon et donner par conséquent de nouvelles occasions de faire des affaires au capital privé que sont les grands groupes, les grandes banques et les grosses fortunes. » Eh oui ! Rajoy a osé libérer de l’emprise de l’État les entreprises dont 99,23 % d’entre elles sont, selon le INE (Instituto Nacional de Estadistica), des PME de moins de 50 salariés. Elles pourront modifier à tout moment la nature du contrat de travail quant à la fonction, le lieu, le salaire et le temps de travail. Les licenciements collectifs en raison de plans sociaux ne seront plus soumis à une demande d’autorisation administrative, créant même au passage la possibilité de licenciements collectifs dans les organismes publics. Les indemnités de licenciement sont réduites : 33 jours au lieu de 45 jours de salaire par année travaillée avec une limite de deux ans, et en cas de licenciement économique 20 jours de salaire par année travaillée, avec un plafond de 12 mois maximum. Mieux, les accords en entreprise par branche primeront sur les conventions collectives dont la validité est portée à deux ans. De quoi rendre ridicules les diplomates interventions du Medef en France.

imgscan contrepoints 2013-2293 tir au pigeonQuant aux jeunes, la France de Hollande les parquent dans des contrats d’avenir sans perspective et des contrats de génération coûteux alors que l’Espagne de Rajoy prévoit pour les PME une déduction fiscale de 3000 euros en cas de première embauche d’un jeune de moins de 30 ans, un chèque formation pour les 16-30 ans, de 20 heures par an, payé par l’entreprise, et un programme « Développement de la Stratégie d’Entreprise et Emploi des Jeunes ». Selon le ministère de l’Emploi espagnol, en un an ces mesures ont permis la signature de 28 000 contrats de formation et apprentissage et l’inscription de 31 000 jeunes comme auto-entrepreneurs. De plus, le gouvernement espagnol ne craint pas l’exode de certains Espagnols vers de meilleurs horizons, associé à des virements d’argent au pays et à un retour en des temps meilleurs tant l’amour de leur terre et les liens familiaux sont dans leurs gènes. La ministre de l’Emploi, Fatima Banez, convaincue des bienfaits de la mobilité professionnelle, a même signé en mai 2013 avec son homologue allemande, Ursula von der Leyen, un accord de coopération concernant les jeunes chômeurs espagnols pour « permettre l’accès à un emploi à près de 5000 jeunes par an au travers de la formation professionnelle en alternance allemande ou de l’accès à un poste de travail qualifié en Allemagne ».

Par ailleurs, Rajoy n’a pas attendu une négociation entre patronat et syndicats, prévue en France à l’automne, pour aborder le thème des chômeurs. Les entreprises embauchant un chômeur percevant une indemnité bénéficient d’une déduction fiscale équivalente à la moitié de cette indemnité pendant un an. Tout chômeur percevant une allocation chômage est obligé d’accepter un travail d’intérêt général proposé par les régions autonomes. Quant aux allocations chômage, il faut à présent justifier de trois ans de cotisations, donc d’activité, et elles s’élèvent à 70 % du salaire pour les six premiers mois et entre 466 euros minimum et 1310 euros maximum selon les salaires perçus, pour les 18 mois suivants. Une fois les droits épuisés, ceux qui ont à charge des enfants mineurs peuvent prétendre à l’Ayuda Familiar (Subsidio de desempleo) de 426 euros par mois durant 6 mois minimum et 18 mois maximum. En dernier recours, il y a la Renta Minima de Insercion (RMI), qui n’a rien à voir avec la version française puisque son montant est minime et peut être supprimée à tout moment en fonction de la situation financière des autonomies. Elle n’est pas un acquis ; chaque autonomie a ses propres critères d’éligibilité et elle peut être soumise à une contrepartie de travail. De par la complexité des démarches et l’issue incertaine, il n’y a même pas 300 000 bénéficiaires alors qu’en France il y a à présent 2,14 millions de foyers allocataires du RSA, dont plus de la moitié au RSA socle.

Afin d’adapter le statut des entreprises au contexte de mondialisation, le gouvernement espagnol initie une concertation avec des experts juridiques, fiscaux, et des entrepreneurs, pour créer le Nuevo Codigo Mercantil, dans lequel pourrait être renforcé le pouvoir des actionnaires et qui donnerait un cadre plus épuré et moderne dans le domaine de la gestion d’entreprise. De plus, Hacienda, le Bercy espagnol, envisage de revoir à la baisse l’impôt des sociétés actuellement de 30 % (en France, augmentation de 33 % à 37 % avec une surtaxe durant deux ans) et devient le gardien des subventions accordées aux communautés autonomes avec un droit de veto sur celles-ci et sur les accords de financement.

Même au niveau des fonctionnaires, l’étatisme français n’a de cesse de se renforcer. La France de Hollande qui compte déjà plus de 5 millions de fonctionnaires, près de 9 fonctionnaires pour 100 habitants, dont 80 % d’entre eux sont statutaires, ne cesse d’alourdir les rangs avec la titularisation de 28000 AVS, 60 000 enseignants en plus, même si pour donner le change elle vide les rangs de l’armée, déjà à son minimum. L’Espagne de Rajoy compte près de 2,5 millions de fonctionnaires, environ 6 fonctionnaires pour 100 habitants, dont seuls 15 % sont statutaires et plus des trois quarts sont rattachés aux communautés autonomes et autorités locales. Après une baisse de leur salaire de 5 %, puis de 15 %, les fonctionnaires espagnols ont vu leur temps de travail passer de 35 à 37,5 heures, ont perdu leur treizième mois versé à Noël, ainsi que des jours de congés. Une révolution en France !

Certes l’Espagne est bien loin du libéralisme. Cependant, après avoir subi 40 ans de dictature et un mandat de Gonzalez, puis deux mandats de Zapatero, ce pays a au moins le mérite d’amorcer une rupture avec un étatisme outrancièrement interventionniste. Selon les données fournies par Eurostat, la Balance commerciale espagnole donne des signes encourageants, contrairement à celle de la France, sur l’opportunité des mesures déjà prises.

En milliards d’euros :

Pays

Exportations Totales

Importations Totales

Balance Commerciale

Jan-Mars 2012

Jan-Mars 2013

Croissance

Jan-Mars 2012

Jan-Mars 2013

Croissance

Jan-Mars 2012

Jan-Mars 2013

Espagne

56,4

58

3,00%

67,7

62,6

-8,00%

-11,3

-4,7

France

113,3

109,6

-3,00%

135

129,7

-4,00%

-21,7

-20,1

 

Malgré le handicap de taux d’emprunt et de primes de risques trop élevés d’un système bancaire défaillant dans son rôle de financement, l’Espagne a su prendre un tournant positif dans la flexibilité et la compétitivité tout en attirant les capitaux étrangers, augmentant ses exportations et réduisant de près de 60 % le déficit de sa balance commerciale en un an et ce malgré une baisse de 8 % des importations qui traduit en fait une baisse de consommation nationale en raison d’un taux de chômage record. Par contre, la France a non seulement réduit ses importations mais aussi ses exportations, ne réduisant son déficit commercial que d’environ 7,7 %, une baisse simultanée qui illustre bien une baisse tant au niveau de la consommation nationale que la réduction de l’activité des entreprises. De plus, les prévisions de croissance pour 2014 annoncées par le FMI confirment la tendance d’une amélioration de la situation de l’Espagne en sortant enfin du rouge avec un taux prévu de 0,7 %, à peine 0,3 point de différence avec la France pour cette période.

Nul doute qu’avec le nouveau projet de loi de finance 2014, les pigeons voyageurs vont faire légion avant d’être la cible des tirs croisés de Bercy. Peut-être qu’alors le gouvernement se décidera enfin à entrer dans l’arène. Trop tard. Nous n’aurons qu’un Bombero torero.

Voir les commentaires (11)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (11)
  • Une vraie ode à Rajoy… qui rappelons-le… est une crapule.

    N’oublions pas le scandale -majeur- des enveloppes de cash du PPE. Et n’oublions pas les dénégations pathétiques de Rajoy, son interview catastrophique sur Bloomberg.

    http://tinyurl.com/nj8vdvr

    Mouillé jusqu’au cou. Et la presse espagnole l’a dit.

    Eh oui mes amis, il faut toujours remettre les infos dans … leur contexte. Pour parler des politiques conduites par Rajoy, il faut également observer l’homme. Sa profonde veulerie, sa crapulerie évidente.

    Et ça change tout.

    D’abord, toutes les mesures que vous détaillez, sont elles… réelles ? Votées ? Appliquées ? J’en doute.
    C’est le même scénario qu’en Italie, pendant plus d’un an, la presse aux ordres a vendu l’image d’un Monti qui faisait des tas de réformes. Super Monti avec Super Mario à la BCE.

    On connaît la vérité maintenant : Monti n’a rien fait, en tout cas rien de fondamental. Comme tous les autres.

    Ensuite, comme la France, comme l’Italie, l’Espagne est un pays collectiviste. Et Rajoy n’est absolument pas Thatcher, vous en conviendrez.

    Rajoy comme tous les autres mènent des bailouts secrets (pour les provinces), organise la fraude à grande échelle des informations concernant le système bancaire espagnol.

    L’Espagne fut le premier pays européen… à faire du Potemkine. Au début de la crise de 2008… et pendant plusieurs mois les nouvelles catastrophiques venaient de partout…. Mais les prix de l’immobilier en Espagne ne bougèrent guère…

    Magie ! Magie de la compta créatrice.

    Or le gros problème de l’Espagne est bien sûr l’immobilier, et donc le système bancaire derrière, qui est en faillite virtuelle…

    Pendant des années, l’enfumage s’est poursuivi, avec la complicité active des autorités espagnoles, bruxelloises et de la BCE.

    Bref, Rajoy n’est pas un chien dans un jeu de quille, mais bien une pièce essentielle du dispositif de mensonge et de dissimulation.

    Dès lors lui attribuer une quelconque volonté réelle de réforme libérale… excusez moi… mais ça me semble simplement surréaliste.

    • Vous avez vu une ode à Rajoy? Ouah!!! Heureusement que j’ai préciser que «l’Espagne est bien loin du libéralisme». De même, à aucun moment je n’ai posé un qualificatif à Rajoy laissant sous-entendre qu’il soit enclin au libéralisme. Et pour cause! Un formaté au franquisme et les héritiers du franquisme ne seront jamais des libéraux. Le Partido Popular est une émanation de Alianza Popular, crée par Manuel Fraga, ancien ministre franquiste, celui qui disait à la mort de Franco: »Un gran hombre, el mayor y más representativo de los españoles del siglo XX » et « Fue uno de los mayores gobernantes que hemos tenido en nuestra historia ». Quant à Rajoy, ses éloges lors du décès de Fraga sont sans équivoque sur les fondements de sa politique: »Uno de los políticos más grandes del siglo ». De plus, Rajoy envisage même de créer «una Fundación de ideas y pensamiento político» dont le nom serait Fundación Manuel Fraga. Une initiative qui compléterait celle de son fidèle soutien, Esteban González Pons, la création en 2012 de l’Escuela de Formación Manuel Fraga. Ni Rajoy, ni la corruption qui touche tous les partis politiques en Espagne, font l’objet d’une analyse de ma part dans cet article.

      Mais, vous avez raison, «il faut toujours remettre les infos dans … leur contexte». Aussi, il s’agit d’un scandale concernant la comptabilité extra officielle du Partido Popular, révélé par le journal El Mundo et El Pais, avec la publication de documents manuscrits, ‘Papeles de Bárcenas’. Les commentaires ont fait état d’un scandale au parti, de «salpicon» pour Rajoy, et de propos similaires à ceux du journal El Mundo «Rajoy, en el centro del escándalo». C’est tout le parti qui est concerné. Luis Barcenas, en tant que trésorier du Parti Populaire, aurait versé de l’argent au noir à plusieurs dirigeants du parti. Comme tout membre du parti, Rajoy est concerné, mais c’est à la justice espagnole de juger, si des charges sont retenues. Pour l’instant, aucune mise en accusation du juge, chargé du dossier, envers Rajoy. Avant toute extrapolation purement personnelles et hors sujet sur la justice espagnole, il faut savoir que Luis Barcenas a été incarcéré en juin 2013 pour fraude fiscale et blanchiment d’argent. De plus, ce genre de scandale n’épargne aucun parti en Espagne.
      Toujours par souci de «restituer dans le contexte», il y a au sein du Partido Popular des tensions partisanes entre les fidèles de Rajoy et ceux de Aznar (dont la femme, Ana Botella, est maire de Madrid) qui souhaitent le retour de ce dernier, comme c’est le cas de Esperanza Aguirre qui ne cesse d’attiser la polémique. Bref, le contexte n’est pas si simple qu’il y paraît et bien des journalistes en Espagne font état de ces coulisses qui dépassent le cas Rajoy. Rien à voir avec le formatage des journalistes français.

      Mais l’objet de l’analyse porte sur deux procédés différents pour faire face à la crise : l’un ultra étatiste de la France, et l’autre tendant à diminuer l’Etat providence et outrancièrement interventionniste. Vous prétendez que j’ai voulu «attribuer une quelconque volonté réelle de réforme libérale»? Entre mes propos «amorcer une rupture avec un étatisme outrancièrement interventionniste» et votre interprétation de ceux-ci en une «quelconque volonté réelle de réforme libérale», il y a vraiment un fossé que vous seul franchissez . Par contre, je ne peux qu’être d’accord avec vous sur le fait que Rajoy n’est absolument pas Thatcher. Rajoy est un étatiste exacerbé qui se soigne par doses homéopathiques et donne progressivement de l’oxygène au pays, tandis que Hollande est un socialiste qui feint une désintoxication étatique et met le pays en quarantaine. Si Rajoy et son parti avaient été capables de basculer dans le libéralisme, il n’y aurait pas de balbutiements d’une amélioration en Espagne mais de vrais effets positifs.

      Quant à vos suspicions sur la réalité des réformes dont je fais état («D’abord, toutes les mesures que vous détaillez, sont elles… réelles ? Votées ? Appliquées ? J’en doute»). voici le lien du Ministerio de Empleo y Seguridad social concernant la réforme du travail par Decreto-Ley 3/2012 du 10 février 2012 publié au «BOE n.º 36, de 11 de febrero de 2012», en application en Espagne depuis le 1/01/2013, et là, effectivement, «la presse espagnole l’a dit». Je vous souhaite une bonne lecture.
      http://www.sepe.es/contenido/empleo_formacion/formacion/reforma_mercado_laboral/index.html

  • Pas faux concernant Rajoy.
    Il faut quand même dire que le niveau des indemnités pour les parlementaires espagnols est tellement faible (2540 € pour les députés) que je vois mal qui peut être assez fou pour s’y embarquer si on n’a pas de « compensations »: c’est la porte ouverte à la corruption.
    L’immobilier est le boulet de l’Espagne, à cela, il faut ajouter les énergies dites « renouvelables » qui plombent encore plus les banques, étant donné que l’État espagnol réduit considérablement les aides à l’éolien et autre photovoltaïque, ruinant de fait, les gogos, attirés par de l’argent facile.
    Il n’empêche qu’il y a quelques réformes structurelles en Espagne qui vont dans le bon sens, tel que l’ a décrit l’auteur.

  • Ne soyons pas trop dithyrambiques non plus.
    Certe, la réforme du marché du travail réduisant les indemnités de licenciement et supprimant la dualité CDD-CDI a été une vraie bulle d’oxygène, mais pour le reste c’est pas brillant.

    Les impôts (TVA, indirects, Revenus) n’ont cessé d’augmenter depuis deux ans, la dépense publique or intérêts des emprunts n’a cessé d’augmenter et 2014 ne sera pas une exception, les déficits publics ne baissent pas, l’Espagne respectait encore les critères de Maastricht sur la dette publique (66% du PIB) quand Rajoy est arrivé, aujourd’hui on approche les 100%. Les sauvetages de caisses d’épargne aux mains des traficotages de politiciens ont coûté très chers (Bankia) et ont envoyé un mauvais signal. Pour le reste aucune réforme du système social (assurances maladies, retraites), ni du modèle de financement centraliste des régions qui incite à la gabegie, ni la réduction des collectivités locales et l’emprise des partis et syndicats ne sont envisagés.

    Certe l’Espagne se redresse depuis 6 mois seulement avec une baisse continue du chômage, mais c’est d’abord grace aux lents et considérables efforts de réduction des coûts des entreprises depuis 2009, qui leur ont permis de redevenir plus compétitives et donc d’exporter (et donc d’attirer à nouveau les capitaux étrangers). C’est aussi et surtout grace au fait que le secteur privé (entreprises et familles) s’est considérablement désendetté depuis 2009 (environ 350 milliards d’euros de dette en moins). Ce désenttement du privé contraste d’ailleurs avec l’endettement massif du secteur public (+550 milliards d’euros depuis 2009).

    J’ai presque envie de dire donc que l’Espagne se redresse lentement malgré le secteur public.

  • Est-ce vraiment l’action publique qui amène ces bons résultats ? Peut être est-ce surtout la baisse des salaires du privé associés aux taux d’intérêts européens très faibles dont bénéficient les sociétés qui leur a permis de démarrer en trombe à l’exportation au détriment d’un grand voisin comme la France qui lui a en parallèle augmenté les coûts salariaux via les charges, les impôts et les réglementations sur les entreprises. Au niveau international, il est très clair que les grands groupes espagnols ont remportés de nombreux grands contrats souvent au détriment de groupes français. C’est très clair dans le ferroviaire et le BTP où ils étaient inexistants il y a quelques années au niveau international.

    • Effectivement, la baisse des salaires dans le privé a eu un impact, mais cette baisse n’a pu être envisagée que grâce à la flexibilité offerte par la réforme du marché du travail qui a permis à bien des entreprises en difficulté de renégocier à la baisse entre 5 et 10% les salaires. C’est donc bien l’action publique pour moins d’action publique qui a permis cette bouffée d’oxygène. Ces baisses sont négociées par branche avec les salariés. Eroski, et d’autres entreprises, sont en cours de négociation pour éviter des licenciements et perdre encore des clients, leurs propres employés. Les fonctionnaires ont eu des baisses de salaires bien plus significatives. Quant à la compétitivité par les coûts salariaux, elle a toujours existé en Espagne avec des salaires et des charges moindres qu’en France. Le salaire minimum, el salario mínimo interprofesional (SMI), est de 645,30 euros.

      Par contre ce qui a fait la différence depuis quelques mois en Espagne, c’est la confiance redonnée aux entreprises et aux investisseurs du fait de la réforme du marché de travail qui rend l’embauche et le licenciement beaucoup moins contraignant et s’adapte mieux aux surcroîts ou aux ralentissements de l’activité. Bien entendu, la dynamique des entreprises et leurs choix stratégiques y sont aussi pour beaucoup. L’initiative privée a toujours été très importante en Espagne, tant dans la scolarité avec de nombreuses écoles privées sans subventions d’Etat et des «Academias», que dans le secteur économique, y compris l’économie souterraine. Mais une entreprise dynamique avec un Etat castrateur, comme l’est devenue la France de Hollande, finit par s’essouffler, par survivre puis décliner. N’oublions pas qu’en Espagne, la flexibilité profite essentiellement aux PME de moins de 50 salariés qui représentent 99,23% des entreprises espagnoles. Même si en raison de la crise et des problèmes de financement auprès des banques, le nombre de PME ont renoncé à l’export, voire même ont cessé l’activité, bien des PME déjà bien implantées à l’export n’ont fait qu’intensifier leur position sur ces marchés internationaux grâce à ce nouveau souffle. La liste est longue mais une entreprise telle que QUIMICA 21 une SL exporte 70% de sa production, puis Central HISUMER SL qui maintient sa position de grossiste, LITOCHAP SL, ect.

      Holland fait la politique de l’impôt et Rajoy celle de l’exportation. Tandis que Hollande brandit l’exception culturel tant il a peur du libre échange avec les américains, Rajoy lui resserre les liens avec l’Amérique Latine où il s’est rendu ces jours-ci à la «Cumbre empresarial Iberoamericana» et déclare concernant le libre échange Europe/USA: « La libertad va a llegar, se puede retrasar, pero acabará habiendo menos fronteras, menos aranceles. La libertad está ahí » (La liberté va arriver, on peut la retarder, mais il y aura de moins en moins de frontières, moins de droits de douanes. La liberté est là). Un étatiste qui se soigne de sa dépendance! Nous ne sommes pas prêts de voir Hollande en faire autant et renoncer aux impôts, ni même à l’interventionnisme de l’Etat avec en plus un Montebourg qui maintient avoir reçu une offre de Titan, comme si il était à la tête de Goodyear, une entreprise privée! Si, en plus à présent les entreprises doivent passer par Montebourg pour négocier un quelconque accord, ce n’est plus une ablation dans la liberté d’entreprendre mais bel et bien une castration totale.

  •  » l’espagne pourtant conservatrice dans l’ame  » ça reste encore à prouver, ce n’est pas parce que les conservateurs ont gagnés la guerre civile en 39, que toute l’espagne est conservatrice.

    quand on voit la baisse des salaire en espagne, et la hausse en france dans le mème temp, je ne donne pas chère de la peau des producteurs de fruits et légumes français, les vignerons peuvent se faire du soucis également.

  • Ça me fait vraiment plaisir de lire des choses positives sur l´Espagne. Ça nous change des sempiternelles rengaines des medias traditionnels qui laissent penser que l´Espagne est dans une situation vraiment pire que la France.

    Rajoy n´est pas libéral OK.

    Mais la force de l´Espagne, ce n´est pas Rajoy ni les politiques, ce sont les Espagnols. Ici (je vis en Espagne), les gens se bougent, n´attendent pas les subventions, ne sont pas sclérosés et osent souvent des changements de carrière surprenants. Le politiquement correct, l´hypocrisie et la novlangue ne passent pas.

    Certes, le niveau de formation est faible, mais un professionnel ne doit pas seulement avoir des connaissances et des savoir-faire mais aussi une attitude positive. Je crois que les Espagnols ont une meilleure attitude et ne rêve pas du fontionariat comme les nouveaux lycéens Français.

    Et puis surtout, ici vous pouvez lire, voir ou entendre dans les medias des journalistes et des hommes politiques se revendiquer fièrement liberal et critiquer vigoureusement la politique de Rajoy.

    A Madrid, la région travaille pour baisser les impôts! Impensable en France!

  • « une déduction fiscale de 3000 euros en cas de première embauche d’un jeune de moins de 30 ans ». Si une entreprise a besoin de 3000 euros pour embaucher quelqu’un, jeune ou pas, elle me semble assez mal barree…

    • Vous avez raison. Mais, comme le rappelle si bien Seb Fargis, en Espagne les gens n’attendent pas les subventions car les espagnols ont toujours vécus à «l’arreglio» (système D). Cependant, ils ont un adage «El que no llora no mama» (celui qui ne pleure pas ne tète pas) qu’ils concilient avec la «honra» sans ambages, ni scrupules. Tant que leur liberté est préservée, ils considèrent que «un duro es un duro» (un sou c’est un sou). De plus, si en France 3000 euros c’est juste un peu plus du double d’un Smic, en Espagne cela représente près de 5 fois le SMI. Ceci étant, ce n’est pas la somme en tant que telle qui va inciter les entreprises espagnoles à embaucher des jeunes, mais la liberté d’embauche et de licenciement à présent instaurée. Le bonus n’est qu’un plus qui pèsera, le cas échéant, mais pas sûr, dans la balance au moment de choisir entre des salariés à profil égal d’âge différent.

      Par ailleurs, même si l’Espagne a des responsables politiques très étatistes, les espagnols eux sont forgés au système D et n’ont aucun problème de conscience à contourner certains interdits étatiques. Pour beaucoup d’espagnols, l’économie souterraine et se soustraire au rouleur compresseur du fisc n’est pas choquant, dans la mesure où ils ne demandent rien à l’Etat. Quand un Rajoy les libère de certaines contraintes et abonde dans leur liberté d’entreprendre, ce n’est que du bonheur. Par contre, si l’Etat leur est redevable du moindre centimes, certains vont batailler ferme pour l’avoir. Ainsi, certains espagnols, revenus au pays où ils sont propriétaires, ne lâchent rien aux caisses de retraites françaises, pas même 50 euros par mois.

      De même, si la corruption en France heurte la morale, les plus de 40 ans en Espagne en sont blindés et pour certains c’est presque une normalité. Ils ont même eu un Barrionuevo, ,ministre de l’intérieur de Felipe Gonzalez, condamné puis gracié par le roi pour avoir été l’instigateur du Gal! Tant que leur liberté et leurs choix de vie ne sont pas altérés, tant que leur «honra» n’est pas atteinte, tant que l’héritage des Fueros (=allégeance mais pas soumission) dans le sens de pouvoir être libres d’être différents (=non formatés) sur leur terre, la plupart ne se sentent pas vraiment offusqués, du moins comme peut l’être un français. Ils alimentent le feuilleton à la Dallas, mais tant que personne ne leur fait de leçon de morale, ils n’en font pas. En France, nous entendrions «C’est honteux!» et en Espagne «¡Esto es la leche!» et encore c’est un euphémisme puisque l’expression populaire est bien plus vulgaire mais tout aussi démunie de connotation morale.

      Ce que l’on voit dans les émissions politiques espagnoles, avec des «tu» et «toi», quel que soit le statut de la personne, les confrontations sans politiquement correct, sans diplomatie à la française, aboutissent souvent, non pas à des humiliations ou des dénigrements propres aux ego frustrés et narcissiques, mais par des «¿Dónde vas?» «No me toques las pelotas». Comme dans le quotidien de bien des espagnols. Il suffit de voir, entre autres, une émission comme «El gato al agua» pour comprendre toute la différence, voire même le fossé existant, avec des émissions politiques à la française. L’étatisme à coup de subventions et de niches fiscales a même tué le métier de journaliste en France.

      Quand j’entends, entre autres, Claude Weill parler de l’Espagne, je pleure tant il est dans la carte postale virtuelle à la française. Pire, à la bobo de gauche. Il ne suffit pas de transiter par l’Espagne ou d’être en relation avec quelques espagnols pour affaires ou pour relations professionnelles. Même le cliché de «farol» et «muy macho» fait souvent oublié leur aptitude à «dar el camelo» lorsqu’ils veulent obtenir quelque chose et leur propension à mettre «los mansos» devant faisant oublier la force de «los bravos» qui se trouvent derrière. Ce n’est qu’une immersion complète en Espagne, comme celle de Seb Fargis, qui permet de découvrir certaines facettes du pays. En France, comme au temps des rois, nous nageons encore dans l’ostentatoire et l’étiquette. La façade et les apparences reluisantes. L’Etat formateur de statuts. Du socialisme donneur de leçons. La plupart des espagnols, contre vent et marée, de la misère à l’opulence, cultivent en eux et transmettent en héritage l’amour de la vie, de la terre, de la liberté, et l’esprit de conquistador.

      Malgré les apparences, mes propos ne visent pas à minimiser tous les atouts de la France et de nous français, mais simplement à réhabiliter le potentiel et les capacités des espagnols à prendre leur destin en main en marge de l’Etat dont ils n’attendent rien, hormis peut-être une partie de la jeune génération formatée par Zapetero. J’aurai pu en faire autant pour d’autres pays. Aimer son pays ce n’est pas faire du patrie-autisme, ni du nombrilisme, ni du dénigrement d’autrui. Aimer son pays ce n’est pas un sentiment par défaut, mais un attachement particulier et personnel qui n’enlève en rien les qualités et le potentiel des autres pays. Il y a de la grandeur dans un pays à être le meilleur parmi les grands. Et la France a tous les atouts pour le devenir, si elle sort de son étatisme castrateur et adepte du formatage de masse et en masse.

  • @ SebFargis :
    merci de votre commentaire ;
    je vis aussi en Espagne , depuis qq années ;
    je partage tout à fait votre point de vue ;
    malheureusement la presse française occulte la réalité ( ? pourquoi …?);

    La + grande difference que l’on peut voir ( France / Espagne ), c’est que :

    Espagne les politiques font confiance aux Espagnols , sachant qu’ils vont réagir et relever les manches;

    France : on  » materne » les electeurs qui en bon veaux (qualificatif de De Gaulle )viennent quemender leur tété.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a annoncé deux milliards d’euros de baisses d’impôts pour les classes moyennes, financées par la solidarité nationale.

En langage courant, cela signifie payé par les riches. Les classes moyennes ne devraient pas se réjouir trop tôt : François Hollande avait déjà opéré ce type de transfert fiscal au début de son quinquennat et pour lui, être riche commençait à 4000 euros par mois. Le jeune Gabriel Attal était à cette époque membre du cabinet de Marisol Touraine. Le fruit ne tombe... Poursuivre la lecture

La rupture conventionnelle est un dispositif de rupture du contrat de travail d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Contrairement à la démission, elle permet au salarié de bénéficier des allocations chômage.

Voici 5 raisons de conserver tel quel ce dispositif.

 

Sa remise en cause serait un acte de défiance envers le dialogue social

La rupture conventionnelle est issue de la négociation entre partenaires sociaux : sa création a été prévue par l’accord national interprofessionnel de 2008 (signé par l’e... Poursuivre la lecture

2
Sauvegarder cet article

Un article de Philbert Carbon.

 

L’Insee dresse un portrait des multinationales françaises dans une note récente. Par firme multinationale française, l’institut désigne un groupe de sociétés (hors services non marchands et filiales bancaires) dont le centre de décision est situé en France et qui contrôle au moins une filiale à l’étranger.

 

Les multinationales françaises réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’étranger

En 2021 (année sur laquelle porte la note), elles contrôlaient 51 00... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles