Une amende de 10% sur le salaire des journalistes

Le rapport officiel du FMI ne propose pas de prendre 10% de l’épargne des Européens. Bien au contraire.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Une amende de 10% sur le salaire des journalistes

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 octobre 2013
- A +

Par Gaspard Koenig.

fmi

J’aimerais réagir sur l’article « Lagarde la pillarde », basé sur (je cite) « une proposition du FMI : prendre 10% de l’épargne des Européens ».

Je ne chercherai même pas à discuter du fond du raisonnement, puisque les prémisses en sont fausses : le FMI n’a jamais formulé une telle proposition. L’auteur reprend les approximations honteuses qui ont traîné dans la presse récemment (y compris dans les journaux les plus réputés) et qui ne reflètent que la paresse et le manque de professionnalisme des journalistes et commentateurs français.

Toute cette affaire vient d’un rapport publié à l’occasion des Assemblées Annuelles du Fonds : le « Fiscal Monitor », un exercice biannuel qui fait le point sur l’état des finances publiques dans le monde et propose des pistes de réflexion en matière de fiscalité. En page 49 d’un rapport qui en compte plus d’une centaine se trouve un modeste, très modeste encart que je reproduis ci-dessous :

encart fmi

Comme chaque lecteur de bonne foi peut le constater, l’hypothèse d’une « one-off capital levy » (taxe exceptionnelle sur le patrimoine) est évoquée en réponse à ses partisans, tels que Stefan Bach, économiste et professeur à l’université de Postdam.

L’avis du FMI sur une telle mesure, censée permettre de rembourser une partie des dettes accumulées par les États, est négatif. Le Fonds évoque principalement deux raisons :

  1. L’expérience a déjà été tentée après les deux guerres mondiales et a échoué, ne réussissant qu’à provoquer fuite de capitaux et inflation.
  2. Les taux de taxation requis seraient trop élevés, le FMI indiquant à titre d’exemple que, pour ramener les dettes européennes à leur niveau d’avant-crise, il faudrait prélever 10% du patrimoine privé.

Il a donc fallu qu’un journaliste pressé extraie les 10% de ce contexte et, flairant le bon coup éditorial, fasse ses choux gras de « la-taxe-à-10%-proposée-par-le-FMI », relayé dans l’instant par ses confrères et les réseaux sociaux. Nommons-le, ce journaliste : Jean-Pierre Robin, « envoyé spécial à Washington », qui a titré le 9 octobre dans Le Figaro : « l’idée d’une supertaxe sur le capital ressurgit ».

Envoyé spécial, vraiment ? Quand les comités de déontologie des journaux décideront-ils de sanctionner de telles inventions ? Quand appliquera-t-on à la presse le dixième des exigences demandées aux autres professions ? Quand les commentateurs cesseront-ils de reprendre benoîtement ce genre d’informations de seconde main, sans aller lire eux-mêmes les textes originaux, pourtant publics ? Bien sûr, la tribune est trop tentante : « Lagarde vous pille ». Tout le monde a droit à ses quinze secondes de buzz, n’est-ce pas ? Et c’est ainsi que naît le « vent médiatique » que chacun déplore par ailleurs à longueur d’articles.

Je formulerai donc à mon tour une proposition : imposer une amende de 10% du salaire aux journalistes qui ne respectent pas la vérité.

Il est vrai que mon sang n’aurait peut-être pas bouilli aussi vite si je ne gardais pas pour Christine Lagarde, pour qui j’ai travaillé, une affection et une admiration sans réserve.

Mais les faits sont là, clairs, précis, documentés, incontestables. Avant d’écrire n’importe quoi, prenez donc le temps de lire.


Lire en contrepoint : En réponse à Gaspard Koenig sur Christine Lagarde

Voir les commentaires (20)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (20)
  • Je ne partage pas votre optimisme. Les termes du rapport du FMI sont bien moins catégoriques que ceux avec lesquels Tobin a lui-même condamné la taxe qui porte son nom, ils disent simplement « si ça n’a pas marché, ça reste une option ». A mon avis, ce sera la justification d’un emprunt obligatoire, dont on nous fera valoir combien il nous épargne par rapport à ce qu’on pourrait nous faire.

  • Effectivement, c’est un hoax répandu par les journaleux.
    Mais comment se fait-il que la rumeur ait eu plusieurs jours pour se répandre SANS démenti ?
    Lagarde et son armée de parasites sont payés à quoi faire ? A un tel niveau d’apathie, ce n’est plus une faute, c’est soit l’incompétence, soit de la malfaisance.

  • Le fait qu’un tel encart existe est bien la preuve que ce genre de prelevement est considere
    comme un outil envisageable par le FMI. Ils ne font pas d’encart sur les idees qu’ils considerent
    idiotes.

    Le ton general de ce passage du FMI n’est pas negatif.
    Il recense le pour et le contre:
    Pour:
    – plusieurs essais bien documentes existent
    – envisage par de nombreux economistes
    – ne cause pas de distorsion
    – vu comme « juste » par certains
    Contre:
    – Conditions strictes necessaires
    – Echec en cas de possibilite d’evitement
    – Taux de prelevement necessaire important (10%)

  • La compréhension du texte en anglais vous échappe. L’avis du FMI n’est pas négatif. Bien au contraire, citer les noms des économistes à faveur d’une telle mesure lui confère une certaine taux de probabilité, surtout si les aspects négatifs illustrés sont faibles.

    « largely because the delay in introduction gave space for extensive avoidance en capital flight »

    Autrement dit, le FMI estime que cette solution a échoué en passé parce qu’elle a été annoncé trop tôt, donnant le temps au capitaux de fuir le pays en question. Si tel n’était pas le cas on aurait probablement réduit la dette publique.

    Après tout, n’oublions pas que qu’il y a des précédents assez récents (le cas Chypriote) que le FMI n’a pas condamné.

    • Correction: un certain taux de probabilité

      • Tout a fait. J’ajouterai meme que l’avis du FMI n’est pas negatif pour la simple et bonne raison qu’il n’emet pas d’avis dans ce texte. Il pese le pour et le contre (sans conclure) mais introduit bien que la deterioration des comptes a ravive l’interet de certains (non pointes du doigt) pour l’introduction d’un « capital levy ». Question ouverte, donc.

  • Comment a-t-elle dit déjà ? « c’est décourageant ».

  • Mouai, si le FMI était vraiment contre, il aurait simplement ignoré la proposition.

    Lagarde est une crapule que ça vous plaise ou non

  • J’ai le meme doute concernant la taxation retroactive des pea. pas moyen de confirmer l’info.

  • Sachant que cette confiscation de l’épargne est en fait déjà existante de façon annuel en France, il est savoureux de constater que le FMI considère que cela amène à une fuite des capitaux et autres effets négatifs … En effet, en additionnant CSG et IR des dernières tranches on arrive de base à un taux de saisie des intérêts d’au moins 45%. A cela, il faut bien souvent ajouter l’ISF qui saisit annuellement une partie du capital. je note au passage qu’il n’y a qu’en France que l’on considère qu’un impôt devient confiscatoire à partir de 75%. dans le reste du monde, cette notion commence à 50% …

  • De toute façon, en France nous avons déjà mieux! la taxe rétroactive de 15,5% sur les plue-velues des produits d’épargne. Et ça, c’est déjà dans la proposition.

  • le mieux c’est sans doute de lui demander, à Christine Lagarde, ce que ce document veut dire.
    Gaspard, toi qui la connait, pourquoi ne pas lui envoyer un SMS ?

  • Gaspard Koenig se vernit des valeurs du libéralisme pour défendre les intérêts du grand Kapital de connivence et de corruption, cad un capitalisme totalement anti-libéral ! Il est tout sauf un authentique libéral.

    • Ouais quand même….

      On a déjà tellement de casseroles à leurs coller sur le dos qu’il n’est nul besoin d’en inventer. Si je suis libéral ce n’est pas pour reprendre les méthodes collectiviste de mensonges et désinformations à l’encontre des « ennemis du peuple ».

      Donc le FMI ne l’aurait pas dit ? soit. Mais ça nous pend au nez de toute manière.

  • Bravo pour votre commentaire !!! Enfin vous mettez à jour le manque de professionnalisme flagrant des journalistes inféodés au pouvoir (même ceux du Figaro – 13 millions d’euros de subventions gouvernementales annuelles) qui désinforment systématiquement leurs lecteurs. Une forme de mépris intolérable ! Je ne citerai seulement pour exemple d’intoxication la dette du Japon, je crois avoir laissé un commentaire sur Contrepoints à ce sujet, qui « sert » le pouvoir en place en France. Puisque le Japon a une dette gigantesque, les journalistes ont utilisé d’autres termes extravagants, il va à sa perte, mais heureusement celle de la France est moindre. Les journalistes oublient d’indiquer que cette dette est entre les mains (à plus de 90 %) des résidents. Or, que fait le gouvernement ? Il attend … Et il attend quoi ? Que les détenteurs de dette meurent et ainsi la dette du Japon s’évaporera comme par magie dans les 20 ans à venir car la plupart des détenteurs de cette dette sont des personnes âgées. Ce que les journalistes omettent de mentionner, et cela prouve qu’ils ne sont pas informés ou refusent de s’informer, c’est que les droits de succession au Japon rendent impossible la cession des titres de dette d’Etat aux descendants de par leur taux prohibitif qui est de plus de 90 %. Voilà un bel exemple de malhonnêteté journalistique que de ne présenter que la face avantageuse d’un fait pour justifier les errements du gouvernement français actuel empêtré dans une dette qui atteint les 250 % du PIB en prenant en compte le « hors bilan », une invention de Juppé s’il fallait le souligner ici !!! Triste France, triste presse française … Comme le dit si justement H16, ce pays est foutu.

  • Le probleme n’est pas de savoir si le FMI est plus ou moins pour ou contre, c’et bien plus tactique que ca : le problème est qu’il l’évoque, et fasse vivre cette option, dédouanant les gouvernements d’avoir émis l’idée.
    L’idée vient d’ailleurs, les politiques adorent ca quand elle est juteuse et impopulaire. Il ne leur reste plus qu’a lui permettre de progresser lentement, jusqu’a ce qu’ils s’en emparent.

  • A la limite, le FMI serait résolument contre qu’il fournirait des armes aux socialistes pour l’appliquer (contre le grand satan qu’il représente)

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Dans leur enquête biannuelle sur l’évolution de l’économie mondiale à court et à moyen terme, les économistes du FMI révisent la croissance de l’économie mondiale de 2,7 % à 2,9 % pour 2023.

Selon eux, cette relative embellie de 0,2 % au niveau mondial, par rapport à l’enquête précédente, aurait surtout lieu aux États-Unis (+0,4 %), en Allemagne (+0,4 %), en Italie (+0,8 %), en Chine (+0,8%) et en... Russie (+2,6 %).

Comme le rappelle ici Kristalina Georgieva, la directrice du FMI, il n’en reste pas moins qu’un tiers des économi... Poursuivre la lecture

Le vendredi, c’est poisson et la morue en est un excellent qu’on peut par exemple déguster en brandade. Sans rapport aucun, signalons qu’Anne Hidalgo fait actuellement parler d’elle alors que la ville dont elle a la charge serait en très fâcheuse posture budgétaire.

Il est vrai que la situation économique du pays et l’inflation galopante finissent par toucher tout le monde, même la Ville des Lumières. Ajoutons-y une petite guerre à l’Est, un méchant covid qui a nettement pénalisé les activités touristiques et voilà la capitale français... Poursuivre la lecture

Madame Lagarde, s’exprimant au nom de la BCE, a indiqué, en évoquant l’hypothèse d’un ralentissement économique : « Nous ne croyons pas que cette récession sera suffisante pour dompter l'inflation ». Fabio Panetta ajoute « Lors du calibrage » des décisions, « nous devons faire très attention à ne pas amplifier le risque d'une récession prolongée ou de provoquer une dislocation du marché ».

La BCE considère donc, d’une part, qu’un durcissement monétaire est nécessaire pour réduire l’inflation au-delà de l’effet du ralentissement de l’in... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles