Comment on nous prépare à une exception économique française bidon

Ce qui se pratique ailleurs dans le monde ne marche pas en France. Inversement, ce qui marche en France ne marchera pas ailleurs.

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Comment on nous prépare à une exception économique française bidon

Publié le 9 octobre 2012
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La France, on le sait, est un pays complexe. Sur le plan culturel, l’exception française est devenue une référence mondialement connue dans tout le pays. Il faut maintenant aller plus loin : après le coup de cinq croissances nulles d’affilée (oui, c’est possible môssieur d’abord), après « la récession ne passera pas la frontière » (oui aussi môssieur, c’est comme ça), voilà à présent qu’on nous prépare psychologiquement à l’Exception Économique Française.

Mais de quoi aurait l’air cette exception économique française ?

Pour le gouvernement, même s’il ne fait aucun doute qu’elle existe bel et bien, le travail de fond qui consiste à en persuader tous les Français passe, bien évidemment, par une communication musclée rodée dans ce but. Les ministres ne sont pas seuls dans leur démarche innovante. Cela fait, en réalité, des années qu’on travaille tous les corps sociaux pour bien leur faire comprendre les tenants et les aboutissants de cette particularité économique essentielle, celle qui permettra d’asseoir la politique gouvernementale sur des bases saines d’adhésion naïve du peuple.

On aura donc tout fait, au niveau de l’enseignement de l’économie dans les écoles, à l’Université, à chaque fois que la presse aura relaté des raisonnements économiques, sur chaque plateau télé, dans chaque rédaction de média, pour bien distiller les petites fragrances, les morceaux utiles, les pépites croustillantes de la nouvelle exception économique française.

Cette exception économique française est, finalement, simple à résumer : ce qui se pratique ailleurs dans le monde ne marche pas en France. Et inversement, ce qui marche en France est novateur, différent, et adapté à la situation si particulière du pays, et n’a que peu de chance de fonctionner ailleurs. Il ne faudrait pas oublier le cadre économique si différent de l’Hexagone, qui le rend imperméable à certaines grandes lois économiques valables pour le vulgum pecus des nations du reste du monde. Par exemple, la France dispose de la meilleure infrastructure de transports ou de télécommunication. Elle a les meilleurs soins du monde. Ses réseaux ferroviaires sont l’archétype de ce que tout le reste du monde voudrait chez lui. Ses systèmes d’éducation, de protection sociale, de retraite, amoureusement bâtis de toute pièce sur les ruines d’une guerre qu’elle a brillamment gagné, sont l’exemple même de ce qui se fait de mieux en matière de durabilité et de gestion saine et pérenne.

(Et je ne parle même pas cuisine, fromages ou vins, parce que là, on touche au divin.)

Partant de ces constatations frappées au coin du bon sens et d’une foi inébranlable dans un pays qui a su relever absolument tous les défis (si le Français n’a pas marché sur la Lune, c’est parce qu’il avait mieux à faire, ne l’oubliez pas), il est absolument évident que les bidouilles économiques proposées dans d’autres pays, indigents dans à peu près tous les domaines précités, ne risquent pas de fonctionner chez nous. Et puis quoi encore.

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Concrètement, cela se traduit par un fait aussi simple qu’indiscutable : diminuer la dépense de l’État français va jeter le pays dans les affres d’une récession carabinée, alors qu’augmenter les impôts de façon musclée va permettre d’éviter les principaux écueils et emmener le pédalo vaisseau France vers les eaux calmes des lendemains qui (évidemment) chantent.

D’ailleurs, ce n’est pas moi qui le dit, ni même le gouvernement (encore qu’on peut le soupçonner de paraphraser très légèrement la source), mais bien le Fonds Monétaire International. Cet organisme, nous explique un article de Challenges, a mené une brillante étude qui aboutit à la conclusion (évidente pour les élites qui nous gouvernent) qu’une baisse des dépenses publiques n’est pas une bonne solution pour la France. En effet, si la plupart des économistes soutiennent qu’un plan de rigueur épargne davantage la croissance quand il repose sur une baisse des dépenses publiques, l’étude reconnaît que la règle ne vaut pas pour la France.

Et la voilà, votre belle Exception Économique Française !

Vite, précipitons nous sur les millions de données que le FMI, louangé par tous et dans tant d’occasions et étudions cette révélation qu’on peut lire ici !

Et là, stupeur dès le début de l’étude : ce n’est pas une étude du FMI. C’est dit dès le préambule, c’est une étude de trois chercheurs qui travaillent aussi au FMI, mais qui ne représente pas les vues du FMI, ni ses politiques. On découvre que c’est une étude qui date de Juillet 2012 et qui aura donc mis quelques mois à parvenir aux oreilles du gouvernement. Gouvernement tout joyeux de la ressortir maintenant et qui peut alors la brandir en déboutonnant un peu le col de sa chemise, pour pousser le soupir de soulagement lié à une découverte de cette taille : « Ça y est, les cocos, on a un truc du FMI qui indique clairement qu’on peut augmenter les impôts en France sans toucher à la dépense publique ! Banco ! »

La réalité de l’étude est évidemment un chouilla plus ardue. Je passe rapidement sur la présence, dans les principales conclusions du papier, de ces quelques éléments :

5. The probability that a fiscal consolidation initiated in a downturn deepens or extends the downturn is almost twice as large as the probability that a consolidation started in an upturn triggers a downturn;

6. “Strong” (defined as 2 standard deviation fiscal shocks) consolidations are 20 percent more likely to trigger or extend downturns than “mild” (defined as 1 standard deviation fiscal shocks) consolidations. In other words, the same fiscal adjustment is less recessionary if made via an extended adjustment as opposed to a more abrupt one.

Autrement dit, dans le petit modèle économétrique de ces chercheurs, le fait d’augmenter les impôts a tendance à accroître la récession plutôt que l’améliorer, et plus on augmente, pire c’est.

Quant au reste de l’étude, c’est, pour résumer à gros traits, le résultat d’une simulation sur un pur modèle économétrique, dont les entrées et les sorties sont totalement dépendantes de la façon dont il est construit. Y voir plus qu’un travail purement théorique, c’est pratiquer un double-salto arrière carpé particulièrement vigoureux. Ce serait comme, par exemple, utiliser des modèles climatiques basés sur des hypothèses plus ou moins hardies, et en déduire, pour rire, les températures 50 ans en avance… Robuste ?

D’autant que la réalité, elle, continue de pointer du doigt vers cette autre réalité économique à laquelle la France échapperait miraculeusement. D’ailleurs, étude pour étude, autant jeter un œil sur celles qui existent déjà et qui sont, elles, validées par l’expérience et le passage du temps. Bizarrement, elles montrent qu’augmenter les impôts était néfaste et bien moins efficace que diminuer les dépenses.

Quant aux expériences en grandeur réelle, récentes ou pas, il y en a, et elles aboutissent tous à la même conclusion. L’exemple suédois, abondamment décrit dans Contrepoints, s’ajoute à celui de l’Estonie, qui obtient les mêmes résultats, du Canada (qui, c’est tout de même étrange, aboutit à la même conclusion) ou celui de la Nouvelle-Zélande, que même le Sénat français avait jugé éclairant.

En somme, à chaque fois que les dépenses publiques ont été notoirement diminuées, les résultats furent meilleurs que toute augmentation d’impôt correspondante, la sortie de récession plus rapide, les dégâts sur l’économie plus modérés.

Le défaut majeur de ces exemples factuels, de ces études et de cette triste réalité, c’est que les politiciens doivent alors se doter d’une grosse paire de balloches pour mettre en place les mesures correspondantes et se taper la grogne de tout leur électorat traditionnel (celui qui est, justement, accro à la bonne dépense étatique dont il bénéficie en premier lieu). Et le souci, c’est que pour les balloches de bon calibre, en France, on est en rupture de stocks pour les politiciens depuis 30 ans (et le colis de la dernière commande, faite par la Poste, a été « perdu »). Quant à la paire de petits raisins secs qu’ils se partagent entre ministres, en time-sharing, elle leur permet à peine de s’expliquer sur l’état des lieux.

Incompétence

En vertu de quoi, la France va renouer avec délice avec « les propositions du FMI », et assommer son peuple d’impôts. Certains diront que c’est normal, puisque le FMI est ultralibéral, mais on se demande pourquoi, dès lors, il fait du keynésianisme et trouve les impôts aussi commodes.

La seule position cohérente est, encore une fois, celle des libéraux : réduire la dépense, avant toute autre chose. Les politiques du FMI ont toujours été pourries. Une fois mises en place, elles ont assez régulièrement conduit à la catastrophe dans les pays qui les ont suivies et les pays qui s’en sont tenus loin s’en sont toujours mieux portés.

Pourquoi en irait-il différemment cette fois-ci ?

—-
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  • Le problème c’est que même des politiciens de droite, UMP, Modem et autres soutiennent ces niaiseries sur l’exception française.
    Le problème, c’est que l’on vit dans un pays où les groupes sociaux se sont tellement cloisonnés, repliés sur le petit monde où ils vivent qu’en effet on peut s’imaginer dans une sorte de royaume enchanté pour peu qu’on n’aille pas voir derrière les décors. Mais derrière les décors, c’est sinistre.
    Il y a en Europe peu de décor urbain aussi lugubre, sentant autant la peur, la pauvreté et l’abandon que certains quartiers de la banlieue parisienne. Mais pour oublier ça, c’est simple, il suffit de ne pas y aller. C’est ce que font tous les bien-pensants de « l’exception française ». Vous voyez, c’est pas compliqué.

  • Pas besoin d’étude, on ne soigne pas une intoxication avec du poison.

    C’est pour avoir oublié la logique la plus élémentaire que la France va être condamnée à au moins 50 ans de misère et de soubresauts violents.

    Suivant.

  • Je viens de lire 2 articles de Contrepoints (H16 et la limitation de vitesse sur le periph’) et je me pose une question :
    Qui sont les gens qui y croient encore ? Se battre pour ce pays ou vous avez grandi en vaut-il encore la chandelle ? Un combat ne vaut que si il y a une lueur d’espoir, non ?
    Il a fallu plus de 30 années de lobbying, lavages de cerveau et magouilles en tout genre pour arriver ou vous en êtes. Il faudrait au moins la même période pour que les gens recommencent à réfléchir sans subir la propagande. Qui a la force de se battre aussi longtemps et pour quel résultat surtout que, jusqu’à preuve du contraire, nous n’avons qu’une vie ! Une vie entière de misère à subir la jalousie et la haine du voisin et à entendre les différents gouvernements vous répéter que c’est pareil ailleurs !
    Je suis parti il y a 20 ans et je peux vous dire que ce n’est pas partout pareil ! Tout n’est pas forcement rose tous les jours mais la France vu de l’extérieur ressemble trait pour trait à la Corée du Nord.
    Un conseil, gardez votre énergie pour des causes qui en valent la peine. Que la France sombre dans la dictateur bolchevique. Quand elle en sortira, vous ne serez de toute façon plus là pour le voir.

    • Il faut donner du temps au temps….
      Rome ne s’est pas faite en un jour…

      • « Rome ne s’est pas faite en un jour… »

        Quand elle s’est faite elle montait…
        Par contre quand elle s’est défaite elle descendait effectivement.

    • Vous avez de la chance . Je vis en tant que chef d’entreprise (2 employés) un supplice permanent . Aujourd’hui il a fallu que je signe une autorisation de prélèvement au fisc pour les accomptes de TVA (c’est nouveau ça vient de sortir ). A ces branquignols!!!
      Je crois que la goutte d’eau qui met le feu à la poudre ou l’inverse n’est pas loin . Je rage encore.

      • De la chance je ne sais pas. J’ai tout fait pour et ca n’a pas été facile. Partir et apprendre un nouveau pays n’est jamais simple mais au final quelle satisfaction. J’imagine la difficulté pour un chef d’entreprise de partir à l’étranger avec une famille mais croyez moi, quelle bonheur une fois le pas franchi !

    • Je pense que les Coréens du Nord seraient assez choqués par votre affirmation que c’est pareil « trait pour trait ». Dommage d’écrire des choses qui invalident purement votre discours. Quant à pourquoi se battre, eh bien, on s’amuse plus en se battant qu’en se laissant faire, voilà tout.

  • Bon, j’ai lu vite fait en diagonale, une interview de Monsieur Cahuzac sur Challenges page 60. Et bien, ce monsieur dit que vous avez tout faux sur toute la ligne. Imaginez donc ! Les augmentations d’impôts seraient bien moins douloureuses que les coupes budgétaires alors qu’elle seraient bien plus justes socialement, les pauvres n’ayant pas à subir l’engraissement éhonté des riches qui les exploitent. Et puis, comme il dit si bien, il est impossible de réduire davantage les dépenses. Et s’il le dit, c’est qu’il a raison, car lui, à la différence de vous, H16, détient la vérité absolue, comme tout bon socialo. Gare à vous, on sera sans doute contraint de vous interner en HP si vous continuez à dénigrer les propos de nos gouvernants, car ceci serait le symptôme d’une démence certaine de votre part. Non, mais !

    • Il faudra interner beaucoup de monde . A commencer par moi qui n’ai pas eu le courage de me remettre au boulot après le commentaire que j’ai écrit précedemment.
      C’est terrible la capicité du gouvernent à nous faire tomber les bras.

      • Esteld : « Il faudra interner beaucoup de monde . A commencer par moi qui n’ai pas eu le courage de me remettre au boulot après le commentaire que j’ai écrit précedemment. »
        ————————-
        C’est ceux qui ont le courage de se remettre au boulot qu’il faudrait interner.

    • MDR : « Bon, j’ai lu vite fait en diagonale, une interview de Monsieur Cahuzac sur Challenges page 60 »
      ——————————-
      Eh ben, il se décarcasse pour rien à nous bourrer le mou avec la « nécessité » d’augmenter les impôts. Car ses copains politicards de Bruxelles viennent d’adopter une mesure bien plus efficace pour nous faire les poches à l’insu de notre plein gré : la planche à billet (baptisé par l’euphémisme « fond de stabilité » dans la plus plus belle tradition de la novlangue du grand banditisme étatique).
      Bientôt, on sera tous millionnaires en euros, où tout le monde sera assujetti à l’ISF… et où un billet de 500 euros permettra d’acheter un oeuf.

    • Dans cet interview Cahuzac dit que réduire les dépenses publiques de 20 milliards équivaut à baisser de moitié le budget de l’Education Nationale (qui je le rappelle est de 70 milliards)

      Bravo M. le Ministre du Budget !

  • L’exception économique française, ça me rappelle la phrase : « souviens toi que tu es unique…
    comme tout le monde ».

  • La folie consiste a recommencer indéfiniment la même chose en espérant chaque fois obtenir un résultat différent.

  • Frédéric Bastiat pronostiquait : « Les abus iront toujours croissant, et on reculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage, jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du droit, de la propriété, de la liberté et de la justice ».

  • Bon, au PS, on a une nouvelle idée de taxe. Selon BFM, un jeune député socialiste de Seine Saint-Denis préconiserait de créer une taxe spéciale sur les logements vendus plus de 1 million, avec des taux proportionnels allant de 1 à 10 % selon le prix du bien. Ceci permettrait, selon notre acolyte, de taxer non seulement les méchants français qui ont l’indécence d’être riches (non mais !), mais aussi les très méchants riches étrangers (non mais !) tout ceci pour financer soi disant la rénovation de l’habitat insalubre (on y croit très fort…). Heureusement que le PS est là pour rétablir la justice « sociale » !

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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Éric Chaney est conseiller économique de l'Institut Montaigne. Au cours d'une riche carrière passée aux avant-postes de la vie économique, il a notamment dirigé la division Conjoncture de l'INSEE avant d'occuper les fonctions de chef économiste Europe de la banque américaine Morgan Stanley, puis de chef économiste du groupe français AXA.

 

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