MonParcoursPsy : chronique d’un échec annoncé

Un an après son lancement par le gouvernement, le dispositif MonParcoursPsy peine à convaincre. Entre objectifs manqués et enjeux mal cernés, Léo Sick pointe les limites de la réforme.

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MonParcoursPsy : chronique d’un échec annoncé

Publié le 30 avril 2023
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À l’ère de la libération de la parole au sujet de la santé mentale, et alors qu’on perçoit l’accès à des professionnels du domaine sous un jour meilleur, quelle meilleure décision que celle de l’exécutif que d’offrir aux moins fortunés une chance d’avoir accès aux soins psychologiques ? 

 

Les origines du dispositif : entre ambitions et réalités

C’est un postulat noble qui a poussé le gouvernement à proposer un dispositif nommé MonParcoursPsy. Maintenant que nous fêtons son premier anniversaire, il est à propos d’en dresser un portrait pour analyser son efficacité et en pointer les écueils.  

Les premières analyses montrent que l’engouement pour ce dispositif a été largement surévalué par le gouvernement, et qu’il n’a trouvé d’intérêt ni chez les psychologues (7 % d’entre eux y participent) ni chez les Français (environ 90 000 personnes en ont bénéficié). Nous allons essayer d’en comprendre les raisons. 

Tout d’abord, MonParcoursPsy a été pensé pour répondre à l’accroissement des troubles psychologiques pendant l’épidémie de covid, en particulier pour aider les « publics précaires » qui n’auraient pas la chance de pouvoir bénéficier d’un accompagnement psychologique. Olivier Véran, pour qui cet outil devait viser « des centaines de milliers de Français » propose un remboursement de huit séances par an, remboursées 30 euros en moyenne. Ces séances durent une demi-heure et sont supposées correspondre aux personnes qui « ont du mal à dormir, se sentent dépassées, sont dans une relation toxique, ont des difficultés à échanger avec leur entourage, ou désirent trouver une personne à qui parler sans jugement ».

Ces termes vagues ne correspondent pas forcément à une réalité médicale et interrogent sur la pertinence de faire entrer l’État dans l’activité privée et personnelle qu’est la séance de suivi psychologique. Ils participent à l’hyper psychologisation du mal-être social dans un contexte (la crise liée au Covid-19) où les inégalités et la précarité se sont développées, et où l’anxiété trouve ses sources dans les évènements que nous vivons, sans avoir systématiquement des causes psychologiques.  Les temps durs nous montrent, avec une acuité singulière, que la source du malheur et le sentiment de désespoir qui peut nous habiter résident le plus souvent dans nos expériences de vie.

Partant de ce constat, pour aller mieux, il « suffit » parfois de régler ces problèmes concrets, qu’ils concernent les finances, la vie de couple, la famille…

 

Obstacles et enjeux de MonParcoursPsy

Abordons maintenant le dispositif lui-même, et ses défauts.

Les séances ne sont pas en libre-service

Pour y accéder, il faut le « courrier d’adressage » d’un médecin. Cette pirouette destinée à éviter le terme d’ordonnance médicale est à l’origine de multiples problèmes. En effet, ce parcours alourdit le processus d’accompagnement pour le patient car il doit décrire sa détresse à deux reprises et à deux personnes différentes. Pire, il doit légitimer sa démarche et « convaincre » un médecin généraliste du bien-fondé de sa requête avant de pouvoir rencontrer un autre professionnel aguerri. Cette lourdeur administrative typiquement française est loin de faciliter l’accès au soin des personnes dans le besoin qui hésitent donc à sauter le pas. 

De plus, cela crée un flou dans le processus d’établissement du diagnostic du médecin généraliste qui avait pour mission de diriger les personnes affligées de troubles mentaux vers des psychiatres, et voient apparaître un nouvel acteur dans l’écosystème de soin. Comment le médecin peut-il définir quel patient nécessite un accompagnement, mais pas celui d’un psychiatre ? Et comment peut-il, sans formation en psychologie, déterminer qui peut accéder au dispositif remboursé par l’État ? Et surtout, sur quels critères ? 

Le respect de la procédure de soin

Le deuxième problème a été soulevé dès l’annonce du dispositif par les associations de psychologues. MonParcoursPsy enferme patients et psychologues dans un tunnel thérapeutique qui ne respecte ni les besoins d’accompagnement du premier ni l’expertise et la démarche du second. Même s’il est souhaitable de faciliter l’accès aux psychologues, les modalités présentées par l’État nuisent à la qualité du soin pour plusieurs raisons.

Premièrement, les tarifs sont inférieurs au marché existant (entre 70 et 120 euros de l’heure) et ne prennent pas en compte les différences territoriales. Ils incitent les plus jeunes praticiens à s’y intéresser, par exemple pour développer leur clientèle et leur expertise, mais ils contraignent certains psychologues expérimentés à considérablement diminuer leurs tarifs pour coller à un dispositif d’État qu’ils n’ont pas réclamé et pousse plus loin encore l’impact du gouvernement sur la pratique de leur métier. Ces séances ne sont censées durer que 30 minutes, ce qui peut être trop court pour une séance et pousse les psychologues à allonger leurs séances sans surcoût par conscience professionnelle.

Deuxièmement, l’État a défini arbitrairement une limite de huit séances, principe nuisible à la qualité des soins et à la continuité de la prise en charge. On comprend alors aisément pourquoi si peu de praticiens décident en connaissance de cause de participer à cette expérience qui leur correspond si peu.  

Faciliter l’accès des thérapeutes aux publics précaires

C’est là que l’échec est le plus retentissant puisque seulement 10 % des participants seraient concernés. Cet écart entre objectif et résultat rappelle qu’il ne suffit pas de claquer des doigts pour changer nos habitudes culturelles, et que la difficulté d’accès au soin ne relève pas seulement de considérations financières.

C’est d’autant plus surprenant que MonParcourPsy a été créé et valorisé alors que de nombreux dispositifs équivalents existent et sont gratuits : services téléphoniques, séances gratuites en hôpital, chèques psy étudiants, bureaux d’aide psychologique (BAPU), Centres médico-psychologiques (CMP), etc. En somme, loin de résoudre les inégalités causées par l’épisode pandémique, la démarche les a aggravées en permettant à ceux qui avaient déjà le réflexe et les moyens de prendre soin de leur santé mentale de le faire à moindre frais. Ceci, sans aider le moins du monde ceux pour qui l’option ne s’est jamais présentée, faute d’en mesurer l’intérêt et les avantages. 

 

Les limites d’une approche unilatérale

Cette réforme a au moins le mérite de mettre en lumière les limites d’une approche verticale et unilatérale, sans consultation avec les acteurs et experts du domaine.

Le dispositif ne répond pas aux besoins, déséquilibre l’écosystème en place et n’atteint pas ses objectifs alors que les sommes déployées auraient pu être utilisées à bon escient. Si l’on ne doute pas de la sincérité des sentiments ayant conduit à la mise en place de MonParcoursPsy, et s’il est évident qu’un problème aussi complexe ne peut se résoudre par un simple coup de politique publique, on ne peut que regretter la forme finale de cette solution déconnectée des véritables enjeux.  

La majorité se félicite d’avoir agi, le contribuable paye, et les personnes en détresse psychologique, elles, continuent de souffrir en silence. 

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  • MonParcoursPsy: les dommages psychologiques générés par la confrontation avec l’administration.
    Le meilleur passage est lorsque le patient dépressif/suicidaire/schizophrène etc doit convaincre, par deux fois, qu’il a besoin d’aide. Ca tombe bien, car ces personnes sont connues pour leurs dons oratoires. Bref un bidule pour les hypochondriaques qui veulent économiser de l’argent.

    • Je ne connaissais pas le détail des procédures qu’il faut respecter pour accéder à ce fameux parcours psy on y voit tout le délire administratif et bureaucratique habituel dont sont capables les services de l’État qui pervertissent tout ce qu’ils touchent, c’est assez remarquable et impressionnant

  • En fait la chronique d’un échec annoncé vaut pour absolument toutes les activités dans s’occupe l’État.
    lorsqu’on parle de limiter l’État aux activités régaliennes c’est parce que là l’échec est moins cuisant mais lorsqu’on voit comment la police est gérée comment la justice est gérée, comment l’armée française a démontré sa bonne gestion lors de la Seconde Guerre mondiale on ne peut qu’être impressionné par la capacité de l’État à foirer absolument sur tous les plans. Et c’est parfaitement normal car si on prend l’exemple de l’armée française les chefs qui ont été promus en temps de paix n’était pas les plus compétents mais les plus courtisans les plus flatteurs les plus politiques les plus manipulateurs donc ceux qui ont le plus de capacité à s’élever dans la hiérarchie administrative et pas ceux dont les compétences de terrain sont les plus avérées d’où l’échec terrible de l’armée française avec la ligne Maginot une capitulation sans honneur, suivie bien sûr de Pétain qui a souillé la France et avili les français pour longtemps…

  • Ces idiots ont voulu monter une usine à gaz alors que son prix a explosé !
    Comme la réforme retraite gérer comme des abrutis:
    Retraites : «Rien n’a été clairement expliqué», déplore François Bayrou.
    Exactement pour cela que ça coince.
    Ils n’ont pas fini de patiner et nous avec, nous glissons jusqu’à la chute:
    Dette : Fitch abaisse la note de la France d’un cran à «AA-».

  • Pourquoi l’auteur ne dénonce-t-il pas le fait que ces consultations psy doivent être soumises à un avis médical? Pourquoi personne ne voit la manoeuvre, qui consiste ainsi à subrepticement mettre les professionnels de la psychologie sous le contrôle de l’état, comme les médecins le sont maintenant ?
    Ca ne suffit pas de constater les conséquences catastrophiques du monopole de l’état sur la Santé, il faut maintenant faire la même chose pour la Psychologie, et les psychothérapeutes en particulier ?

    Pourquoi l’auteur ne dit rien à propos des importantes questions éthiques que soulèvent cette volonté de l’état de rembourser les consultations psy ? pourquoi ne dit-il rien de la façon dont les associations de professionnels ont dénoncé ces interventions contraignantes de l’état dans l’exercice de leur métier singulier ? A le lire, on croirait presque qu’il regrette cet échec.
    Et aux libéraux qui ne semblent rien comprendre à ce qui se joue là, croyez-vous que ce serait une bonne nouvelle si ce dispositif était un succès pour l’état ?

    • Je me suis toujours posé la question de qui peut décider objectivement qu’une consultation psy va être une bonne chose. Probablement pas le patient, pour qui identifier et reconnaître son mal serait largement l’avoir guéri, pas le psy qu’on imagine mal dire « vous n’avez pas besoin de moi », pas une tierce personne qui ne connaît pas le patient…

      • Comme pour toute activité, personne n’a à décider si elle est « bonne ». Elle concerne uniquement les parties prenantes, et éventuellement celles qui en subissent des retombées indirectes. Tant qu’un patient veut aller parler de ses problèmes à quelqu’un qu’il paie, que ça l’aide ou non, objectivement ou non, ni moi, ni vous, ni l’Etat n’avons à nous y opposer. La main invisible fait son travail, ce qui marche s’impose naturellement avec le temps et la liberté de choisir.
        Soumettre la psy à avis médical avec aval de l’administration est dangereux; qui nous dit que demain le même raisonnement ne sera pas retourné pour envoyer chez le psy public une personne qui ne semble pas « alignée » sur le modèle sociale (un peu climatosceptique, factieuse sur les retraites, ou antipass par exemple) ?

        • Formulé autrement, si je vais voir un psy et que ça n’est pas la sécu qui paie, en aurai-je pour mon argent ? Je ne crois pas que les hôpitaux psychiatriques pour dissidents viennent progressivement, et si on en arrive là, il y a bien d’autres préoccupations plus prioritaires. En revanche, je ne crois pas non plus au marché dans un domaine où la comparaison est si difficile et où même l’évaluation est assez arbitraire. Alors bien sûr ce « Monparcourspsy » est une stupidité étatique de plus, mais ne manque-t-il pas quelque chose pour que l’action des psys soit efficace ?

  • Encore une confirmation que l’état providence doit être éradiqué au plus vite et au plus radical possible pour remettre petit à petit en place ses vraies prérogatives…

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