Par Aurélien Chartier.
À l’heure du bilan du Parti libertarien aux élections de 2016, il régnait un sentiment d’occasion manquée. Pourtant, les chiffres sont bons à première vue : 3,29 % des votes, loin devant le record précédent de 1,06 % en 1980. Et près de quatre millions et demi de votes là où le record précédent était d’un peu plus d’un million en 2012. Sauf que les sondages qui donnaient à un moment un score de plus de 10 % laissaient l’espoir que le parti puisse réellement jouer le rôle de trouble-fête.
Las, un choix désastreux de vice-président, des attaques vicieuses venant des médias et le retour du bon vieux pragmatisme américain ont eu raison des espoirs libertariens. Le parti rentre dans le rang et deux ans plus tard affiche un résultat peu glorieux de 0,70 % aux mid-terms du Sénat et du Congrès. Seul Gary Johnson sort son épingle du jeu en obtenant 15 % des votes pour l’élection de gouverneur du Nouveau-Mexique alors qu’il avait précédemment gagné cette élection au sein du Parti Républicain.
Bref, la voie d’un troisième parti indépendant semble toujours aussi bouchée et nombreux sont ceux au sein du parti qui réclament d’allouer moins de fonds à ces élections nationales et davantage aux élections locales, vues comme plus simples à gagner. L’argument opposé étant que ces élections nationales donnent au parti l’opportunité de faire connaître les idées libérales au sein de la population générale. Le Parti libertarien se trouve donc tiraillé entre deux buts d’éducation et de pragmatisme pas toujours compatibles.
La stratégie du pragmatisme est réglée
Et ce tiraillement risque de revenir au premier plan pour l’élection de 2020. À première vue, la stratégie de pragmatisme de 2016 semblait être définitivement réglée. Gary Johnson a renoncé à se lancer dans une troisième campagne présidentielle. Bill Weld, son choix de vice-président, est retourné au GOP pour stopper Trump dans la primaire républicaine. John McAfee se déclarait candidat de nouveau, mais semble avoir été arrêté par la CIA. Austin Peterson tentait de rejoindre le Parti républicain avec un succès que l’on qualifiera charitablement de mitigé.
Reste donc des personnalités moins connues avec un message bien plus radical que ne l’était celui de Gary Johnson en 2016. Kim Ruff fait campagne sur la légalisation complète des drogues, de la prostitution et de l’euthanasie. Arvin Vohra veut abolir toute forme d’État-providence et n’hésite pas à défendre un programme anarchiste abrasif. Adam Kokesh propose également un programme politique de dissolution du gouvernement fédéral et est connu pour s’être fait arrêter de nombreuses fois que ce soit pour port d’armes illicites ou possession de marijuana.
Et pourtant, subsiste la tentation de présenter de nouveau un candidat plus reconnu et une fois de plus issu du Parti républicain. En effet, la défection de Justin Amash du GOP le 4 juillet dernier a alimenté directement les soupçons qu’il pourrait tenter de chercher à devenir le candidat libertarien pour 2020. Le fait qu’il ne fasse pas campagne actuellement n’a que peu d’impact. La primaire libertarienne est organisée sur le principe original que chaque délégué peut voter librement pour un autre candidat que celui qu’il soutenait originellement.
Le symptôme du sauveur républicain
Conséquence directe : Justin Amash pourrait se déclarer candidat la veille de la convention nationale (qui aura lieu du 21 au 25 mai 2020 à Austin, Texas) et devenir le visage du parti pour l’élection générale. Inutile de dire que les autres candidats ne sont pas forcément heureux de cette situation. Comme le rappelle Max Abramson, un de ces candidats, le symptôme du « sauveur Républicain » est toujours aussi vivace.
Difficile donc de juger à ce jour à quoi ressemblera la stratégie du Parti libertarien pour 2020. Cherchera-t-il à améliorer le score de 2020 en présentant un candidat relativement connu et relativement consensuel ? Ou au contraire, partira-t-on dans une direction bien plus radicale avec un candidat proposant un programme libéral sans compromis ? Il se joue là un choix majeur de stratégie pour le Parti Libertarien et potentiellement son avenir.