Vie de Machiavel, de Roberto Ridolfi

Une nouvelle traduction française de la biographie de Machiavel de Roberto Ridolfi.

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Vie de Machiavel, de Roberto Ridolfi

Publié le 4 avril 2019
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Par Jean-Baptiste Noé.

Machiavel, beaucoup en parlent, mais peu l’ont lu. Roberto Ridolfi ne s’est pas contenté de le lire, il a vécu avec l’auteur du Prince, explorant ses lettres et ses œuvres, analysant sa vie et celle de son temps. Né en 1899 et mort en 1991, Roberto Ridolfi a publié sa biographie de Machiavel pour la première fois en 1958. Puis elle fut régulièrement augmentée et améliorée, jusqu’à la version finale de 1978 qui est aujourd’hui proposée dans une nouvelle traduction française.

Né en 1469 à Florence, Nicolas Machiavel a été secrétaire de la République, diplomate, puis mis à l’écart de la cité et exilé au temps des Médicis. Il a vécu la politique tout autant qu’il l’a écrite, raison pour laquelle son œuvre est si dense et si forte. Si on connaît essentiellement Le Prince, paru après sa mort en 1532, il est aussi l’auteur du Discours sur la première décade de Tite-Live et d’une dizaine d’autres ouvrages politiques.

Renaissance italienne et cités-États

Son œuvre majeure est celle de la Renaissance italienne et de la puissance des cités-États, qui ne cesse d’inspirer depuis lors de nombreux hommes politiques. Il est tout autant nécessaire de lire Machiavel que de le dénoncer, de tonner contre. Même sans l’avoir lu, il faut s’offusquer du machiavélisme du Prince et du cynisme de l’auteur. Ridolfi ne s’est pas contenté de le lire, il l’a vécu et il en restitue toute la vie et la puissance.

Machiavel est d’abord un homme profondément attaché à la République et désireux de défendre l’indépendance des cités italiennes contre les attaques étrangères, notamment celle de Madrid. Certes il manie les idées, mais son œuvre est d’abord inscrite dans une réalité et une nécessité : la lutte pour une Italie indépendante.

Machiavel est un esprit éclectique, serviteur de l’État et auteur d’œuvres politiques, mais aussi de pièces de fiction, comme la comédie La Mandragore. C’est un érudit issu de la bonne bourgeoisie florentine, qui se lamente sur la mainmise des Médicis et regrette le temps de l’indépendance de la ville de Florence.

Amoralité et immoralité

Machiavel est loin d’être un machiavélique. Si le politique peut être amoral au nom de la raison d’État, l’individu doit, lui, se montrer vertueux : être un bon mari et un bon père de famille et capable de gérer ses affaires convenablement. L’amoralité n’est pas l’immoralité et Machiavel fixe des limites nettes au pouvoir du Prince. Il doit viser le bien de la cité et garder en tête l’intérêt de ses citoyens.

Il y a une certaine ascèse de la politique, à l’image d’un Caton et d’un Cicéron. Machiavel replonge sa pensée dans les auteurs antiques, qui ont tout inventé et qui ont déjà parlé de tout. De ces géants, il sort une œuvre originale et tout aussi grandiose, à la fois réflexion sur son époque et intemporelle.

Le Prince doit avoir deux qualités : la fortuna et la virtù, la chance, toujours nécessaire et la force d’âme, qui permet d’affronter les situations les plus compliquées. Machiavel a passé une partie de sa vie en exil, loin de Florence et loin de la cour qu’il a fréquentée et de la cité qu’il a défendue. Sa vie recèle une part d’échec et c’est grâce à ses livres qu’il est passé à la postérité. Preuve que les mots et les idées peuvent l’emporter sur les gestes.

Bien écrite, largement documentée, analysant tout autant la personne Machiavel que le contexte florentin de son époque, cette biographie est une référence tant historique qu’intellectuelle. Elle permet de dépasser les médisances et de découvrir le véritable auteur du Prince.

Roberto Ridolfi, Vie de Machiavel, Les Belles Lettres, 2019

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  • La philosophe politique Hannah Arendt a écrit que Machiavel a été le premier à anticiper l’émergence ou le retour d’une sphère purement laïque dont les principes et les règles de conduite s’émancipaient des commandements de l’Église et dont les valeurs morales ne seraient plus fondées sur la religion.

    Telle est, selon elle, la véritable signification de sa doctrine largement incomprise, selon laquelle la politique consiste à apprendre à « ne pas être bon, » et ne pas agir dans le sens de la moralité chrétienne.
    Machiavel a préconisé une division claire entre l’église et l’état .
    En conclusion de sa réflexion à propos de la révolution, on peut lire:

    « Apparaissez comme vous voudriez être et entendez par là:
    Comment vous êtes en vérité n’a aucune signification pour ce monde et sa politique; en tout cas, il ne s’agit que d’ apparence , et le véritable être n’y joue aucun rôle … « 

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