Par Paul Laroche.

Le 8 avril 2016, Ismail Omar Guelleh (IOG) était réélu à sa propre succession à 86,6 % des voix. Ce quatrième mandat n’a été rendu possible qu’à la suite d’un nouvel amendement de la constitution djiboutienne qui limitait le nombre de mandats successifs à trois. IOG entame ainsi sa dix-septième année à la tête du petit État de la Corne de l’Afrique. Il occupait auparavant les fonctions de Chef de cabinet du Président Hassan Gouled depuis 1977. Le Président totalise donc à lui seul près de 40 ans de carrière passée aux plus hautes fonctions de l’exécutif djiboutien.
La campagne présidentielle a été dénoncée tant par la société civile locale que par la communauté internationale pour le manque de transparence et l’absence de contrôle indépendant et impartial contre les manipulations, IOG ayant rejeté l’offre de l’Union Européenne de dépêcher une mission d’experts pour superviser le processus électoral, ainsi que pour les attaques répétées contre les candidats de l’opposition et les tentatives répéter de museler les médias, à l’image de l’expulsion d’une équipe de la chaîne britannique BBC.
Djibouti, emblème de la Chinafrique
François Hollande et Barack Obama ont refusé de reconnaître la validité du scrutin. Un refus de taille de la part des deux partenaires historiques de Djibouti. La France est un allié privilégié du pays en raison de son passé colonial. Les États-Unis se sont installés à Djibouti en 2002 au moment du lancement de la « guerre contre la terreur », en reprenant le camp Lemonnier, une base militaire française, dont la rénovation, débutée en 2013, s’est élevée à 1,4 milliard de dollars.
Pourtant, les États-Unis commencent à prospecter ailleurs sur le continent. Un accord militaire a été signé avec le Sénégal dans le cadre de la stratégie d’expansion du programme Africom piloté par la branche du ministère de la Défense américain en charge des questions de sécurité sur le continent Africain. Deux Sénateurs républicains ont adressé une lettre au secrétaire d’État américain ainsi qu’au ministère de la Défense pour dénoncer la politique anti-démocratique du gouvernement d’IOG qu’ils qualifient d’ailleurs de « partenaire peu fiable ».
Djibouti est par ailleurs devenu en quelques années l’emblème de la Chinafrique, accueillant sans scrupule les investissements chinois dans des secteurs clefs de son économie, au risque de remettre en question sa propre souveraineté. En laissant 23,5 % du port de Djibouti à l’entreprise chinoise China Merchants Holdings International, IOG se prive d’un levier essentiel de son économie, presque exclusivement soutenue par le transport maritime grâce à sa position stratégique dans le golfe d’Aden.
Le risque de plus en plus grand d’un défaut de paiement
Malgré ces investissements directs étrangers massifs, la dette publique du pays reste colossale. Le Fonds monétaire international a exprimé à plusieurs reprises ses craintes de voir le pays faire défaut. « Le fort taux de dépense publique exerce une pression considérable sur les recettes fiscales et sur la dette extérieure » s’alarme l’organisation internationale, « la politique budgétaire actuelle est intenable ». L’Union européenne et la Banque africaine de développement ont exprimé des doutes similaires quant à la capacité du pays à soutenir sa dette. Même la Chine commence à s’inquiéter. En réponse à l’incapacité de Djibouti de se conformer au planning de remboursement initial, Pékin a exigé le doublement de sa présence militaire pour atteindre 20 000 soldats chinois postés dans le pays.
La santé du chef d’État djiboutien pourrait compromettre son quatrième mandat. Récemment admis dans un hôpital parisien où il a suivi un traitement sous haute sécurité, IOG souffre de pression artérielle, de diabète et d’apnée du sommeil. Avec la détérioration précipitée de sa santé vient la question de son successeur, qui devra composer avec le lourd héritage d’IOG, l’importante présence étrangère et la dette du pays.
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