Par Isidore Kwandja Ngembo.
Il y a un proverbe africain qui dit : « Quand la case de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne. »
À moins de cinq mois de la tenue des élections présidentielles et législatives en République démocratique du Congo (RDC), conformément à la Constitution, des signes très inquiétants donnent à penser que le pays est vraisemblablement assis sur un volcan qui couve et prêt à exploser à tout moment.
À quand un vrai dialogue ?
Les acteurs de la vie politique congolaise, toutes tendances politiques confondues, savent pertinemment bien que cet exercice démocratique appelé élection est devenu quasiment intenable du point de vue logistique. Et que, seul le dialogue national franc entre toutes les parties prenantes afin de trouver un accord politique, s’avère être l’alternative possible pour traverser sans heurt cette période de turbulence et aller vers des bonnes élections libres et transparentes. Mais à cause des tergiversations des uns et des autres, conséquentes à la méfiance qui règne entre eux dans les pourparlers en vue d’un dialogue national, l’on assiste à un jeu de ping-pong qui n’en finit pas.
Les jours avancent et le dialogue politique tant souhaité, aussi bien par la communauté nationale et internationale, pour baliser le chemin vers des élections apaisées, tarde à se tenir. Un véritable casse-tête pour le facilitateur désigné par l’Union africaine, Edem Kodjo, qui s’est embourbé dans des tractations sans fin, en voulant convaincre à tout prix les acteurs socio-politiques congolais à participer au dialogue.
C’est dans ce contexte que le président Denis Sassou Nguesso, qui connait très bien les acteurs socio-politiques de l’autre côté du fleuve Congo, s’est invité volontairement notamment en offrant ses bons offices, et en invitant les différentes parties prenantes dans son fief d’Oyo pour rechercher ensemble avec eux, les voies et moyens propices à un règlement anticiper de la crise imminente en RDC. Mais les observateurs avisés ne peuvent imaginer un seul instant que la motivation première de Denis Sassou Nguesso soit uniquement d’aider son grand voisin à se sortir du pétrin. Qu’est-ce qui motive alors le président Sassou Nguesso en RDC ?
Deux raisons majeures pourraient bien expliquer pourquoi le président du Congo-Brazza serait très intéressé par les tractations politiques en RDC. En effet, il éviterait à tout prix qu’il y ait des heurts qui pourraient, par effet domino, déstabiliser son propre pouvoir.
Quand Kinshasa attrape un rhume, Brazzaville éternue, et vice versa
Première raison majeure, il est important de rappeler que Brazzaville et Kinshasa sont les deux villes capitales les plus rapprochées au monde. Près de 5 km seulement séparent les deux rives du majestueux fleuve Congo. Les deux agglomérations transfrontalières ont chacune une population d’environ 10 millions d’habitants à Kinshasa et 2 millions à Brazzaville. Les deux pays ne partagent pas seulement le même nom (Congo), mais les deux peuples sont liés par un destin commun. Quand Kinshasa attrape un rhume, Brazzaville éternue, et vice-versa.
À chaque fois qu’il y a des troubles politiques, une instabilité majeure ou un conflit armé dans un côté du fleuve Congo, le premier réflexe de la population concernée, à commencer par les dignitaires et personnalités politiques, est sans doute de traverser de l’autre côté du fleuve pour y trouver refuge ou transiter. Mais Brazzaville ne saurait absorber un afflux massif de la population kinoise sans en subir les conséquences humanitaires et surtout les contrecoups politico-sécuritaires qu’entraînent souvent les flux important de réfugiés.
Vingt-deux ans après, l’histoire du génocide rwandais de 1994 est encore fraîche dans la mémoire, par le nombre considérable de pertes en vies humaines enregistrées en RDC, pays d’accueil, et la grande souffrance que les populations locales continuent d’endurer jusqu’à ces jours. Ce génocide qui déclencha l’exode d’environ 2 millions de réfugiés rwandais en RDC, exporta en même temps une guerre qui finira par chasser le président Mobutu du pouvoir, par des rebelles de l’Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) soutenues essentiellement par le Rwanda et l’Ouganda.
Sassou Nguesso veut-il redorer son image ?
Deuxième raison majeure, après une réélection sévèrement critiquée à cause des graves irrégularités enregistrées dans le scrutin de mars dernier, le Président Sassou Nguesso, apparemment mis sur la touche diplomatiquement, veut redorer son image sur la scène internationale.
En effet, sachant parfaitement bien que le regard de la communauté internationale – qui investit d’énormes moyens financiers, humains et matériels pour restaurer un semblant de paix -, est actuellement braqué sur la RDC qui s’apprête à vivre un moment historique avec la passation de pouvoir pacifique, Denis Sassou Nguesso veut saisir cette opportunité et est prêt à offrir son aide pour trouver rapidement un compromis politique, si jamais les élections présidentielles ne se tiennent pas telles que prévues dans la Constitution.
En tant que plus proche voisin, le président Sassou Nguesso a l’avantage de connaitre mieux que quiconque les réalités congolaises de la rive gauche du fleuve et ses hommes politiques. Il mesure bien la situation dans laquelle se trouve ce pays et a conscience de la dangerosité du volcan qui couve actuellement chez son voisin. Raison pour laquelle il tente visiblement de désamorcer cette crise imminente, en cherchant à ramener les Congolais autour d’une table pour dialoguer.
C’est ainsi qu’on observe ce va-et-vient de tout le gratin politique de Kinshasa, d’opposition comme du pouvoir, chez le doyen d’Afrique centrale, Denis Sassou Nguesso, afin d’explorer les pistes devant les amener à un dialogue sans exclusive, pour préparer des élections apaisées. Le premier à ouvrir le bal était le président Joseph Kabila qui était reçu le 27 juin dernier, suivi du facilitateur désigné par l’Union africaine, Edem Kodjo. Depuis, c’est un ballet diplomatique en coulisses qui s’enchaîne.
Comme on peut le deviner, au-delà de l’exercice des bons offices, le président Sassou Nguesso, en homme politique suffisamment averti et prévoyant les conséquences néfastes qui pourront découler de la dégradation de l’environnement politico-sécuritaire en RDC, notamment à Kinshasa la capitale, évite absolument qu’une telle situation ne vienne fragiliser le climat politique déjà tendu dans son pays depuis les dernières élections.
Tant mieux si cette initiative peut également aider à solutionner le problème de la RDC, mais l’implication des autorités de la république sœur du Congo est purement une question de sécurité nationale. Elle sert d’abord l’intérêt national du Congo-Brazza, la préservation sa sécurité intérieure et la protection du pouvoir établi.
Raison de plus pour les RD Congolais de ne pas donner du crédit à cette médiation de Sassou Nguesso.