Halte sur le parcours, de Samuel Brussell

Les poèmes de ce recueil sont écrits alors que Brussell n’a qu’une vingtaine d’années.

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Halte sur le parcours, de Samuel Brussell

Publié le 24 août 2015
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Par Francis Richard

ob_b5e49b_halte-brussell« There is no change of place. » dit le poète Wystan Hugh Auden : « On ne change jamais de lieu. » Ce vers, extrait d’un poème d’Auden, figure dans l’un de ceux qui composent le recueil de Halte sur le parcours, de Samuel Brussell.

Cette affirmation peut sembler paradoxale puisque, pour la plupart, les poèmes de ce recueil sont écrits pendant le « mouvement continu et obsessionnel » de Brussell en Europe, en Amérique du Nord et en Israël, alors que cet enfant du demi-XXe siècle (il est né en 1956 à Haïfa), n’est encore que vingtenaire.

Cela peut sembler paradoxal, mais cela ne l’est pas vraiment. Dans ce poème, Elena, Brussell ajoute en effet que ce mouvement connaît « un dialogue constant ». Et il est vrai que, pendant son parcours, le poète se ménage des haltes de rencontres qui ne sont pas seulement géographiques, mais aussi littéraires et humaines.

Lors de ces haltes, il dialogue ainsi constamment avec les lieux bien réels qui sont sous ses yeux et qui sont chargés d’histoire ; les textes inspirés – de Yeats, T.S. Eliott, Emerson, Pouchkine, Pasternak, Ferrater, Machado ou Virgile -, dont il se souvient ; et les belles vies qu’il appréhende concrètement, qu’il vit charnellement ou qu’il imagine spirituellement.

Dans Ellis Island, s’adressant aux voyageurs éternels que sont les

Migrants mus par l’espoir de voir
se lever d’autres horizons

Samuel Brussell leur dit être de leur tribu :

Votre errance a réduit votre bagage à peu
et c’est là votre force

Dans Fin d’empire, le sien se réduit même à rien :

« Pas de bagage ? » et pourquoi faire ?
D’une gare à une autre, du ferroviaire
au maritime, je ne suis qu’en transit.
Mon palais voudrait tant s’accorder à ma langue…

Ce n’est pas grave. Comme il le dit dans Port-Bou :

Tu as oublié la langue, tu as oublié les moeurs ?
N’aie crainte : et cet oubli et cette absence
seront le don d’une rencontre.
Chacun des mots, chacun des gestes se révèlera
à toi dans la lumière d’une prière.

Brussell entretient donc un dialogue constant en dépit de la distance, celle, par exemple, qui, de sept Méridiens, le sépare de l’être aimé :

D’une correspondance inachevée
la conclusion viendra avec dans son
ressac cent anecdotes retrouvées.

En dépit du temps écoulé (dans Summer song), qui le sépare d’une autre époque :

Toujours je me disais qu’il y avait
des secrets que je voulais savoir
de ces terres où j’étais où je me
déplaçais et toujours je lisais
dans l’espace éclaté ce que d’autres
avant moi avaient interrogé
en des temps convenus d’appeler
anciens.

En fin de recueil se trouvent des poèmes plus récents, des années 2010. Dans L’Humanité à Kishinev, Samuel Brussell persiste. S’il y a toujours errance, la constance du dialogue demeure :

Pourquoi donc ma langue m’est-elle en ce moment si chère ?
Parce que je la sens s’imprégner de toutes les musiques,
emprunter d’autres chemins,
éclore au monde dans une infinie diaspora.
Le cyrillique se fond dans la liturgie
du gothique, de l’hébraïque.
À l’obsessionnel « je suis ici chez moi » qui me poursuit
une voix sans fin m’apaise : « Demain je partirai. »

Avec sa perspective unique de poète angoissé, Samuel Brussell n’exprime-t-il pas ainsi la réalité commune à tous, qui serait, selon Auden, comme le rappelle Franco Fortini dans sa préface, ce qu’il faut exiger de la poésie en sus d’être « un objet verbal parfait, qui fasse honneur à la langue dans laquelle elle est écrite » ?

Samuel Brussell, Halte sur le parcours, La Braconnière, 162 pages, 20 Août 2015.

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