« L’instant infime d’une respiration » de Catherine Bex

Tout commence par une histoire de couple ordinaire pour ensuite mieux surprendre le lecteur. Un roman à découvrir.

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« L’instant infime d’une respiration » de Catherine Bex

Publié le 29 avril 2015
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Par Francis Richard.

Catherine Bex l'instant infime d'une respirationDans un texte, quel est le plus important, la lettre ou l’esprit ? Ce devrait être l’esprit, bien sûr, mais la tentation est grande pour d’aucuns de le prendre à la lettre. Et, dans le cas où ce texte incite à l’action, il n’est pas étonnant que leur interprétation de celui-ci puisse être radicale, surtout s’ils sont naturellement enclins à ou épris d’absolu.

Dans L’instant infime d’une respiration, Catherine Bex raconte ce à quoi un tel mode de lecture peut conduire. En l’occurrence, il s’agit d’une lecture de la Bible, mais ce pourrait être aussi bien celle de tout autre texte considéré comme sacré, qu’il soit religieux ou non, comme l’actualité la plus récente en donne de nombreux exemples.

Le récit commence gentiment. Si l’on excepte la première page et si l’on n’y prête pas trop attention : « Ils serrent. Surtout ils serrent. Sans secouer. Mais ils serrent. » Car c’est l’histoire d’une famille ordinaire, composée de deux parents, Martin et Sylvie, de deux enfants, un garçon et une fille, Camille (« Camomille« ) et Romain.

Martin et Sylvie se sont connus sur leur lieu de travail, la Poste. Lui, facteur. Elle, au guichet. Il a trouvé en elle son contraire : elle était sociable, souriante, lumineuse, dégageant une énergie positive. Elle, elle a aimé sa droiture, son honnêteté foncière, son professionnalisme, sa timidité contrôlée, sa détermination dans le sport : ce solitaire est féru de course à pied.

Leurs enfants se chamaillent, mais ce n’est pas bien grave. Martin est sévère avec eux, mais c’est pour leur bien. Martin est routinier, maniaque, perfectionniste, et ce sont sans doute ces attitudes d’esprit qui peuvent expliquer en partie la suite de son comportement. Les avertissements, tels que celui de la première page, jalonnent le récit et rendent le lecteur interrogatif.

Les choses basculent peu à peu. Sylvie attend un troisième enfant, Noé. À la Poste, « le spectre d’un nouveau licenciement plane« . Martin accepte bon gré mal gré ce nouveau venu, mais, dans ces circonstances pleines d’incertitude, le moral en prend un coup : « Le moral, c’est pas ça« . Il commence à éprouver un mal de vivre : « L’esprit grumelle. Comme du lait caillé. Aigre.« 

Il ne le sait pas encore, mais il est mûr : « Martin a découvert la lumière un soir où son esprit, embourbé dans l’insomnie et les ruminations, était plongé dans les plus parfaites ténèbres. Désœuvré dans cette obscurité à peine entravée de bruits de canalisation et de chasses d’eau, il a ouvert le livre sacré et s’est mis à feuilleter les pages vaporeuses et crissantes. »

En lisant des passages du livre sacré pris au hasard, Martin prend tout au pied de la lettre et la lettre prend bien dans son esprit. Le récit sort peu à peu de l’ordinaire. Aux brefs avertissements, qui l’entrecoupent depuis le début – « L’instant infime d’une respiration, ils ont serré. Surtout serré. Sans secouer, mais serré. » -, succèdent des avertissements de plus en plus précis sur le drame qui couve.

Au début, Catherine Bex décrit très bien la vie somme toute banale d’un couple ordinaire, truffée de petits détails vrais. Et le lecteur se demande ce que peuvent bien avoir affaire avec cette banalité tous ces « ils serrent« , ces « sans secouer » qui le balisent. Puis il se demande ce que vient faire là-dedans l’improbable conversion de Martin. En fait c’est pour mieux le surprendre, après l’avoir averti. C’est pour mieux le saisir d’effroi. Et c’est réussi.

 

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