Par Fatima Chohan.
Un article de Libre Afrique.
« Le vent du changement est en train de souffler sur ce continent…» Ces mots célèbres prononcés par le Premier ministre britannique, Harold Macmillan, il y a 54 ans, sonnent vrai encore aujourd’hui, bien que le contexte soit différent.
Aujourd’hui, l’Afrique est la plus en vue mondialement sur le plan économique. Le rendement moyen des capitaux pour les investisseurs sur le continent varie de 35 % à 55 %, contre 5 % à 7 % aux États-Unis et en Europe. Le boom de l’investissement est sur une tendance durable, selon l’économiste en chef panafricain Iraj Abedian. Les marchés de consommation africains sont devenus d’un grand intérêt pour les investisseurs, avec une classe moyenne qui a crû de plus de 30 % au cours des 10 dernières années pour atteindre environ 120 millions de personnes.
C’est dans ce contexte que nous, Africains, devrions nous demander : comment pouvons-nous profiter de ce nouvel intérêt pour notre continent et de la croissance économique qui va de pair pour servir l’intérêt des peuples de l’Afrique ? Quelle Afrique voulons-nous ?
Le Dr. Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’UA, décrit ainsi la vision de l’Afrique de nos rêves : une Afrique intégrée et prospère, pacifiée, démocratique et inspirée par les valeurs du panafricanisme. Une Afrique qui prend sa place sur l’échiquier mondial. Elle dit que l’unité et l’intégration du continent et le développement de ses infrastructures sont essentiels pour établir une Afrique pacifiée et prospère.
« Au niveau national, les infrastructures en matière d’énergie, de transports, de TIC et celles destinées à élargir l’accès aux services de base tels que l’assainissement, l’eau potable, la santé et l’éducation, constituent le socle pour le développement et l’amélioration de la vie de tous nos citoyens africains. Aux niveaux régional et continental, nous cherchons, à relier les capitales africaines et les centres commerciaux à travers les routes, les chemins de fer et les TIC, à alimenter nos communautés grâce à des projets d’énergie, et à augmenter la production agricole à travers des projets d’irrigation et la construction d’installations de stockage et les infrastructures de distribution et de commercialisation. Tout aussi important : l’investissement dans les citoyens via leur éducation et leur accès aux services de base et de santé. »
Comme le souligne le Dr. Dlamini-Zuma, « Notre développement continuera d’être à contretemps si nous ne donnons pas également aux femmes un rôle important à jouer dans les affaires sociales, politiques et économiques de nos sociétés. Les femmes représentent un peu plus de 50 % de la population croissante de l’Afrique et leur sous-représentation dans les sphères sociale, politique et économique doit être abordée si l’Afrique veut tirer pleinement parti du potentiel qu’elle détiennent. Dans la plupart des pays africains, seulement un tiers des femmes participe activement à l’économie et quand elles le font, c’est souvent de manière très limitée. Afin de maximiser les opportunités de croissance que connaît l’Afrique aujourd’hui, les hommes comme les femmes doivent être en mesure d’exprimer leur plein potentiel. »
Comme l’a souligné Ernst & Young, les défis pour les femmes africaines sont de deux ordres. Pour celles qui sont impliquées dans les activités économiques informelles, le défi est de leur faciliter l’accès à une participation économique plus formelle. Pour celles qui sont instruites et qui travaillent dans le secteur formel, le défi consiste à progresser au sein de leur entreprise.
Créer des opportunités pour que les femmes participent à l’économie permettra d’améliorer leur potentiel de gains et d’aider les familles à sortir de la pauvreté. La participation des femmes africaines à l’économie formelle est négligée et sous-évaluée. Il y a un manque patent de femmes aux postes de direction. Selon la dernière enquête auprès des entreprises réalisée par la Banque mondiale, seulement 1 femme africaine salariée sur 26 est employée à un poste de direction, comparativement à 1 sur 6 pour les hommes.
Une étude réalisée par la Fondation Nike au Kenya estime qu’investir dans le capital féminin pourrait apporter 3,2 milliards de dollars supplémentaires à cette économie. C’était Kofi Annan, l’ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qui a déclaré qu’il n’y a pas d’outil de développement plus efficace que l’éducation des femmes.
Un développement positif est celui dans lequel les femmes ont plus de place et de voix dans les structures politiques formelles. La plateforme d’action de la Conférence sur les femmes de Beijing en 1995 a appelé à l’instauration d’un quota de 30% pour les femmes dans les postes de direction publique. Plusieurs pays africains ont relevé le défi de Beijing et ont introduit des lois qui mettent en Å“uvre des systèmes de quotas pour augmenter leur représentation dans les assemblées législatives et le gouvernement. Cependant, dans des pays comme la RDC et le Cameroun, où aucune intervention n’a été faite, la disparité est aveuglante.
Les femmes leaders au niveau national sont également très rares. En 2006, Ellen Sirleaf a été investie comme la première femme présidente élue en Afrique, ouvrant la voie à plusieurs femmes.
Afin de capitaliser sur la croissance actuelle et prévue de l’Afrique dans les prochaines décennies, les dirigeants africains sont face au défi de faciliter le passage de nos femmes à la participation économique. Cela passe par :
- des politiques qui encouragent la parité ;
- l’autonomisation des femmes sur le plan politique par le biais de quotas à tous les niveaux ;
- l’atteinte des objectifs de développement du Millénaire, répondant ainsi aux besoins en matière de prestation des services de base ;
- l’implémentation de réformes économiques et la régulation des marchés pour que les femmes puissent participer équitablement, et l’assouplissement des règlementations qui entravent leur participation économique ;
- l’accès aux programmes de crédit et de soutien pour offrir aux femmes la possibilité d’employer plus de personnes, et de constituer un maillon fort dans la chaîne de la lutte contre la pauvreté.
Au final la construction de l’Afrique de demain est un projet qui ne peut aboutir sans l’autonomisation des femmes et sans leur implication effective dans tous les chantiers de développement ouverts en Afrique.
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