Derrière sa ligne Maginot, la France dans la « drôle de crise »

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Derrière sa ligne Maginot, la France dans la « drôle de crise »

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 janvier 2014
- A +

Depuis une quarantaine d’années, la France vit une crise dont la sortie est imminente. Les UFOlogues de la reprise n’étant plus écoutés que par eux-mêmes, la France s’enfonce dans une « drôle de crise » et attend au lieu de se préparer au pire et œuvrer au meilleur.

En théorie, une crise est le moment d’une rupture, d’un retournement de la croissance ; dans la mesure où cet ajustement n’est pas sans conséquence, on désigne aussi par « crise » la période suivant immédiatement le moment de la crise. Nous vivons donc, depuis 40 ans, les conséquences immédiates de la crise, à tel point qu’on ne sait plus bien laquelle.

Il faut dire que la France ne s’est pas vraiment adaptée. Si son modèle social a changé, c’est dans le sens d’un renforcement de l’État-providence et de l’État tout court. Les idées majoritaires sont toujours dangereusement opposées à la liberté et de plus en plus mises en pratique ; le marché toujours plus absent est toujours plus tenu pour responsable de tous les maux de la terre.

Mais alors qu’ils scrutent l’horizon et y voient régulièrement les signes d’une reprise imminente, alors qu’ils trouvent les fondamentaux de l’économie française toujours aussi solides, alors que la France dispose de toujours plus d’atouts sur la scène internationale, force est de reconnaître qu’il ne s’agit que d’une succession de fausses alertes.

Les Français ne ressentent en réalité que modérément les conséquences directes de la crise ; les difficultés de l’emploi et du pouvoir d’achat, les salaires touchés qui n’augmentent pas alors que les prix gonflent, les entreprises qui font faillite et celles qui n’embauchent pas, même celles qui ne se créent pas : tous ces problèmes tiennent plus à un poids croissant de l’État qui prélève, prélève, et lutte contre une crise fantôme dont il est pourtant le seul à penser qu’elle finira bientôt.

Et les Français se sentent protégés par leur modèle social, cette ligne Maginot face à la concurrence internationale, au dumping social et à l’exploitation capitaliste. Le numéro d’équilibriste des fins de mois leur fait sans doute moins peur en sachant qu’un filet de sécurité sociale les protège, et la fonction publique garantissant l’emploi à vie lisse les statistiques de l’emploi. Mais le filet est fragile.

Il est fragile car le nombre de personnes qui tendent le filet diminue alors que le nombre de personnes qui vivent dessus croît. En rigidifiant le marché du travail et en protégeant les monopoles, en fixant pour tout des règles contraignantes, l’État rigidifie le filet dès lors moins élastique. Mais là où un plus élastique s’adapte, un filet rigide casse, et c’est ce qui, mathématiquement, arrivera si rien n’est fait. Et rien n’est fait.

Rien n’est fait car les hommes politiques croient non seulement en l’imminence de la reprise dont les signes leur apparaissent en songe et dont ils ne comprennent pas pourquoi elle touche nos voisins et pas nous, mais aussi dans une version tordue de l’auto-réalisation des croyances keynésiennes.

Pour Keynes, qui est à l’économie ce que madame Irma est à l’astrophysique, si tout le monde est optimiste, l’économie repart (parce que les consommateurs consomment, les investisseurs investissent et tout le monde mange des Mars) ; si tout le monde est pessimiste, personne ne fait de projets et la consommation en berne maintient l’économie au ralenti. En bref, les anticipations sont une cause de leur réalisation. Pas toujours faux, mais loin d’être toujours vrai.

Pour leurs dirigeants, on peut en effet faire survenir ce qu’on arrive à faire gober aux Français. L’inversion promise de la courbe du chômage, pas tout à fait là mais « bien amorcée », avait presque tout pour convaincre les Français de ne pas chercher à trop épargner pour préparer l’hiver et, au contraire, de chanter tout l’été et consommer pour relancer la machine. Au-delà d’erreurs conceptuelles qui considèrent que la richesse, c’est la demande et non l’offre, l’inversion n’était pas crédible, et sans doute les Français font-ils la fête quand ils décrochent un CDI plus que quand les statistiques sont annoncées meilleures.

Et la croyance va plus loin : nos dirigeants pensent qu’en plus de faire survenir ce qu’on fait gober aux Français, on peut empêcher ce en quoi on refuse de croire.

La France n’est donc pas en déclin, nos entreprises n’ont pas de problèmes de compétitivité, le climat des affaires est bon, les défaillances d’entreprise et le chômage qui augmentent ne sont pas des fatalités et ce n’est pas parce qu’on ne change rien qu’ils vont continuer. Les déclinistes ont d’ailleurs tort ; toute attaque de la France relève du French-bashing, et notre société en pleine santé prend la voie du bonheur enfin accessible à chacun. Hommes politiques et journalistes ont bien compris, au même titre que les scénaristes de séries, qu’ils auraient beaucoup de succès en vendant de la peur et de l’espoir.

Et cet état d’esprit selon lequel notre modèle social nous protègera d’une crise qui n’en a plus pour longtemps est la véritable cause du déclin français. Nulle part ailleurs, les dirigeants ne sont aussi convaincus du bien fondé de leur action et de l’absence de nécessité de changer quoi que ce soit à leur logiciel. Nulle part ailleurs, les citoyens ont aussi peu confiance dans leurs dirigeants et dans l’avenir, sans pour autant chercher à changer réellement quoi que ce soit. Nulle part ailleurs, on est entré à ce point dans le déni qu’on ne cherche ni à œuvrer à améliorer la réalité, ni à préparer son éventuelle détérioration.

Les Français ne font pas de projets, ne reprennent pas en main les missions que l’État s’est arrogées et ne remplit plus ; (relativement) rares sont encore ceux qui partent réellement, même si leur nombre croît mois après mois ; de même pour ceux qui envisageraient des jours difficiles et décideraient d’acquérir des métaux, d’assurer leur approvisionnement en nourriture quoi qu’il advienne ou de préparer le pire de toute façon qui leur semblerait appropriée. Tout cela parait si loin, si improbable, si impossible, si irréel…

Et pourtant. Nous sommes assis sur la plus grand bulle que l’humanité ait connue, sans même que la plupart des citoyens ne bénéficient du grand bingo auquel quelques-uns se livrent depuis quelques années. Une formidable redistribution de richesse s’opère, et ce ne sont pas les dollars sur un compte en banque qui comptent ; ce sera, au moment de la crise authentique, les actifs réels qui, comme toujours, compteront. Nous sommes au royaume des aveugles, et les borgnes préparent leur règne à venir.

Les Français, derrière leur ligne Maginot en Cerfa et centres de la CAF, se croient à l’abri ; ils ne croient ni vraiment à la reprise, ni vraiment à la crise. Quand la crise, la vraie, viendra par les Ardennes, la déroute sera aussi économique qu’intellectuelle ; bien que, de ce point de vue, on puisse difficilement attendre autre chose qu’un rebond.

Voir les commentaires (17)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (17)
  • Quand on a la patate, on mange des frites. Vous m’ excuserez mais Keynes n’ a peut-être pas SI tort.

  • Bonjour,

    Alors en pratico-pratique, en attendant l effondrement de notre social-économie selon un scénario à l argentine
    En plus d une très probable élection national socialiste en 2017 (MLP) élue democratiquement par la majorité ( comme solution à la complexité du monde et pour punir ce libéralisme responsable de tous les maux du monde selon nos co citoyens )
    rajoutez à ça, un zeste d émeutes urbaines ,ethniques et religieuses si ce n est carrément une guerre civile

    une question se pose à moi en tant qu individu qui ne veut pas sombrer, en attendant une hypothétique expatriation ( très peu probable en famille) ou une solution survivaliste
    que puis je faire ( que pouvez vous faire) pour se protéger et survivre ?

    Transférer une partie des économies en franc suisse ou en couronne norvégiennes ?

    acheter des actions dans les marchés émergents ?

    acheter une petite terre agricole ?

    acheter de l or surcoté ?

    Laisser une réserve d argent sur soi? Combien ?

    Faire une réserve de conserves ? (sic)

    Dire que chaque jour nous avançons tranquillement vers un Chaos à la Mad Max

    Peut être que ce chaos est nécessaire pour rebondir
    mais nous risquons de trinquer et l histoire humaine est remplie de gens qui ont payé pour les autres

  • « Et pourtant. Nous sommes assis sur la plus grand bulle que l’humanité ait connue, »

    Il ne me semble pas sain de mélanger les incertitudes économiques mondiales et le déclin français inéluctable.
    Que je chômage stagne ou augmente et que la crise se prolonge en France est pour moi une certitude : la récente augmentation de la TVA, des taxes sur l’énergie et autres prélèvements ont par avance plombée toute reprise qui nous viendrait d’outre-atlantique. On peut même s’attendre si la reprise n’est pas la (chez les autres – en France faut pas rêver) à une sévère aggravation de la situation.
    L’évolution mondiale me semble plus difficile à prédire. Les prévisionnistes de 2008 se sont plantés. Ce qui est sur, c’est que les perdants seront les classes moyennes inférieures. Les très riches auront toujours les moyens de réorganiser leur richesses pour se mettre à l’abri ; et les classes moyennes supérieures sont celles qui dictent la politique, ne serait-ce que parce que nos élus en font partie, et elles s’arrangeront pour faire porter le fardeau aux autres.

  • Un article pertinent comme toujours
    Les symptômes de l’importance de la déliquescence du système français fait de connivence et de verrouillages sont devenues tellement évidentes que même les plus obtus d’entre nous s’en rendent compte. Mais en ce qui concerne l’analyse de l’origine c’est une autre affaire….. dans ce cas même beaucoup d’entre nous même « intelligents » tournent en rond comme « une poule autour d’un couteau » , cherchant à appliquer la grille d’analyse inculquée par l’éducation nationale et les médias mainstream et ne trouvant évidemment pas de solution (du moins cohérente)
    aujourd’hui la dissonance cognitive est tellement forte entre ce qui est dit et ce que l’on voit qu’une majorité se rends compte qu’il y a un problème de taille mais mais l’analyse correcte du problème se heurte au formatage pratiqué par ces mêmes institutions en crise
    Toutes nos « analyses libérales » se heurtent en définitive au moment de leur transmission aux outils intellectuels d’appréhension du monde de beaucoup de nos compatriotes

    • « Toutes nos « analyses libérales » se heurtent en définitive au moment de leur transmission aux outils intellectuels d’appréhension du monde de beaucoup ( majorité DÉMOCRATIQUE) de nos compatriotes »

      l’analyse libérale est donc forcément limitée en action ( collectivement) et même si cet exercice de pensée procure d’un point de vue neurocognitif un certain plaisir elle n’en reste pas moins une pensée (de salon : pour être un peu provocateur)

      Alors en tant qu’individu se disant libéral ou libertarien, mais assujetti à la réalité de l’interdépendance collective :
      Que puis je faire pragmatiquement ?
      Que puis je espérer ?

      • « Que puis je faire pragmatiquement ?
        Que puis je espérer ? »

        Pas grand-chose. Encourrager vos enfants ou petits-enfants à apprendre l’Anglais. Les élever dans la certitude que la France sera un jour pauvre et sans avenir, et que s’ils veulent un avenir meilleur il devront aller le chercher ailleurs.
        On peut se glorifier des richesses de notre pays en terme de culture, d’éducation, de qualité de vie ou n’importe quoi. Il faut aussi reconnaître une incroyable suffisance, bien perçue par le monde entier, qui nous mênera à notre perte. Chacun peut se tromper, mais le pire danger est de persister dans l’erreur parce que l’on se croit supérieur aux autres.

        • Oui apprendre l’ anglais et tenter une carrière dans l Administration ou un bon business tiens ! la politique !
          Vous en connaissez des politiciens français qui ont fini clodos ?

      • liberal think: « Que puis je faire pragmatiquement ? Que puis je espérer ? »

        Étant d’un autre pays peuplé de gens pragmatique je vous préconiserais de pousser à mort pour la démocratie participative à la suisse. (initiative, référendum etc)

        Les pays les plus libéraux et stable avec des économie maitrisées sont en majorité des démocraties participative. En tous cas elle vont incomparablement mieux:
        http://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_d%C3%A9mocratie

        La situation est mure, plus personne ne croit au(x) gouvernement(s) et les gens se demandent ou est passé la démocratie. Des voix s’élèvent pour la réclamer et là contre, si la folie médiatique s’empare du sujet, les aristocrates seront sans force et sans aucun moyen de lutte. (Sauf à dire que la démocratie c’est de la « démagogie » mais ça tombe un peu court de la part des « tous pourris »)

        Le constat c’est qu’ils tiennent tous les leviers, qu’il n’y a aucune autre solutions ni homme providence à attendre et qu’une bonne majorité silencieuse voterait parfaitement à bon escient sur les sujets qui vont réduire le pouvoir de l’oligarchie et augmenter les libertés.

        Comme la Suisse qui a voté abrogation du statut de la fonction publique à 67%, 40 ans de frustrations et de défiance des administrations pourraient sortir et ça ferait mal pour elles.
        http://www.ifrap.org/La-suppression-du-statut-de-fonctionnaire-en-Suisse,12272.html

        ———————————————————————–

        Cela dit j’ai eu de très nombreuses preuves même ici que les Français ne conçoivent pas le pouvoir autrement que centralisé, royaliste pour tout dire avec une tendance régicide. 🙂

        Donc il vaut mieux suivre le conseil de pragma, ce pays est foutu.

        (Que des collectivistes soient contre la dispersion du pouvoir en dehors des mains d’une oligarchie je peux le concevoir mais des libéraux, la je ne comprend plus… les libéraux suisse sont bien plus pragmatiques)

  •  » les français se sentent protèger par leur modèle social, cette ligne maginot  »

    ça ressemble de plus en plus à une ligne  » marginot « …

    • oui, en plus le bobo / marginal / alter n’importe quoi / anti capitaliste / anti argent , vivant de terre glaise et d’idées romantiques devient la figure philosophique idéale de ce pays. Une vache sacrée de l’imaginaire français.
      Rajoutons y le « pauvre », sans bien savoir le définir mais peu importe, comme figure la plus noble et la plus inattaquable de notre panthéon; et nous avons des lendemains qui chantent de drôles de chansons.

      Va donc rigoler un peu des pauvres et tenter de leur mettre la honte en prime time a la télé… La mort médiatique sera instantanée, la mort réelle devient probable.

      Ce pays est foutu, non?

      • cette pensée idolatrice du pauvre peut trouver racine dans ce qui reste de culture catholique
        Dessinez une ligne sur la carte occidentale séparant les pays jadis
        catholiques de ceux protestants et une grille de lecture plus claire

        Catholisisme socialiste et islam sont les deux perdants de l histoire

  • le déclin des grandes nations est un phénomène récurent dans l’histoire:

    sans remonter à l’empire romain, plus prés de nous, l’exemple espagnol est édifiant:

    au 16ième siècle, l’espagne domine l’europe ( imparfaitement ), domine l’atlantique, et s’est taillé en amérique grace à l’audace des conquistador, un empire d’ou elle soutire or et surtout argent en quantité incroyable. pourtant, rapidement, la péninsule va s’endormir. les metaux américains vont permettre aux espagnols, l’achat sur le continent, de biens en tout genre, qu’ils n’ont, finalement pas besoin de produire eux mème ( un peu comme les américains avec les chinois à la fin du 20ième siècle ). l’argent espagnol fait ainsi monter les prix sur tout le continent, avec comme corrolaire négatif, l’appauvrissement des classes laborieuses, mais l’inflation ainsi produite, favorisera l’ entrepreunariat capitaliste de l’europe du nord, qui remboursera d’autant plus facilement ses dettes d’investissement. rapidement, la hollande et l’angleterre suplenteront l’espagne.

    le déclin chinoix au 19ième siècle, est pas mal non plus. première puissance économique encore en 1800, la chine, vieille état nation de 400 millions d’ames, s’est refermé sur elle mème, refusant d’explorer le pacifique, alors qu’elle en avait largement les moyens financiers ou technique. les gouvernants estiment qu’ils n’ont pas besoin de produits etranger: la balance commerciale est largement exédentaire, car soierie, porcelaine et thé, sont trés demandé en europe.
    à partir de 1820, elle devient déficitaire à cause du nombre exponentiel d’opiomanes dans l’empire. l’opium est vendu par les anglais et ces derniers détruise la flotte chinoise pour garantire la liberté commerciale qui les arrange bien. incapable de se réformer et de faire face, la chine va connaitre 120 ans de guerre civile et d’humiliation, avant que la reprise initiée par deng xiao ping, ne la replace prochainement, probablement à la première place des économies mondiales

  • J’adore le parallele ligne maginot / drole de crise : c’est exactement ça. Et d’ailleurs il va falloir qu’un petit mouvement de l’ennemi, sur les taux tiens par exemple, pour que ca commence a fuir de partout.

  • Curieusement je pensais que l’ armement atomique était une nouvelle ligne Magie no mais il y en aurait une autre ?

  • « tout le monde mange des Mars »
    Pour votre santé, mangez cinq fruits et légumes par jour. A compter du 01/01/2015, tout citoyen qui sera surpris mangeant moins de cinq fruits et légumes par jour sera pendu haut et court place de la Concorde.
    Bienvenue dans la Cité du Soleil, lieu de justice, d’égalité, de crucifixion. Là ou le chant du coq romain est pénible à l’ouïe des achéens.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don