CASI : une mauvaise nouvelle pour les consommateurs, les industriels et la planète

Nous avons besoin d’un environnement réglementaire simple et stable pour inviter les investisseurs à se lancer dans le passionnant défi environnemental. Avec CASI nous n’en prenons pas le chemin.

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CASI : une mauvaise nouvelle pour les consommateurs, les industriels et la planète

Publié le 30 septembre 2013
- A +

Nous avons besoin d’un environnement réglementaire simple et stable pour inviter les investisseurs à se lancer dans le passionnant défi environnemental. Avec CASI nous n’en prenons pas le chemin.

Par Pierre Garello.

Par une étroite majorité, le Parlement européen vient de voter en faveur de la prise en compte par la réglementation des effets du changement d’affectation des sols indirect (CASI dans le jargon scientifique) engendré par les cultures destinées à la fabrication de bio-carburants. Ce CASI fait l’objet d’une étude récente que j’ai publié, avec l’université d’Aix-Marseille. L’objet de ce vote dans le Parlement européen paraîtra sans doute obscur au commun des mortels aussi une petite explication du texte est-elle nécessaire.

Il y a une théorie, promu par des organisations écologiques en Europe. La théorie dit ceci – lorsqu’un agriculteur européen décide d’abandonner une culture destinée à l’alimentation des hommes ou des animaux et se lance dans la production, disons de colza, pour l’industrie des biocarburants, cela va entraîner, quelque part sur cette planète, un autre agriculteur à produire ce que notre agriculteur européen ne produit plus (il faut bien continuer à nourrir les hommes et les animaux !). Si l’on tente à présent de dresser le bilan en termes d’émission de gaz à effet de serre de l’énergie fournie par les biocarburants il faut prendre en compte les émissions liées à l’utilisation de cette énergie (par le consommateur), les émissions dues à la production de cette énergie (par l’industrie et l’agriculture) mais aussi le surcroît d’émissions que va éventuellement (selon cette théorie) engendrer le changement d’affectation des sols en un endroit non-identifié et non-identifiable de notre planète. Mais, on a un problème: cette théorie ne présente pas l’acuité scientifique qui lui permettrait d’être d’une quelconque utilité.

La politique européenne de l’énergie a pour objectif de promouvoir une énergie renouvelable et propre

C’est-à-dire, entre autre, à faibles émissions de gaz à effet de serre. A ce titre, l’Union européenne a fortement soutenu au cours des dix dernières années la filière des bio-carburants qui sont à la fois renouvelables et propres comparés aux carburants classiques. Entre temps, de nombreuses études scientifiques ont expliqué qu’une bonne partie des résultats sur lesquels est basée la politique de l’énergie renouvelable de l’UE, tels que le calcul des émissions, était défectueuse. Certains biocarburants, comme le colza, sont en réalité moins « propre » que l’UE réclamé. Pour autant, mon étude montre que CASI n’est pas la solution. Non seulement cela rendra difficile la réalisation des objectifs de la politique européenne, mais lesfilières concernées, privées à terme du support financier de Bruxelles, ne seront plus économiquement viables alors même qu’elles auraient du embaucher 40,000 personnes supplémentaires dans les années 2014-2020 (voir l’étude citée en référence). L’agacement des acteurs de cette filière (agriculteurs, industriels, investisseurs) qui recevaient jusque là la bénédiction des autorités est facilement compréhensible.

Le contribuable européen devrait lui aussi s’inquiéter de cette décision pour au moins deux raisons. Tout d’abord un effort supplémentaire lui sera sans doute demandé afin que nous ne nous éloignions pas trop des objectifs fixés par la politique de l’énergie. Bien que la filière européenne des biocarburants soit d’ores et déjà la plus subventionnée, il faudra multiplier les aides pour que les biocarburants de seconde et troisième générations viennent combler le vide laissé par le déclin de leurs aînés (l’étude précitée avance le chiffre de 1 milliards d’euro par an pour la seule filière française). En suite, il faudra changer ses habitudes de consommation, le biodiesel étant le carburant le plus utilisé. Sans doute aussi les nouveaux carburants seront-ils plus chers d’autant que la mise en œuvre de cette réglementation sera discriminatoire et risque fort de rendre les importations (souvent moins chers et plus efficaces) plus difficiles. Mais pourrons nous au moins nous consoler à l’idée que nous ferons ainsi un petit effort pour la planète ? Rien n’est moins certain.

L’arrivée de CASI dans la réglementation ne va pas favoriser le développement d’une énergie propre et renouvelable

Pour commencer, il n’existe aucune évaluation fiable de ces effets indirects. Les évaluations existantes débouchent en effet sur des résultats divergents allant de scénarios où tous les biocarburants commercialisés à ce jour sont propres jusqu’à des scénarios où ils sont tous plus « polluants » que les carburants classiques (voir l’étude citée). De surcroît, étant donnée la nature scientifique du problème, il est fort peu probable que l’on arrive à une quelconque évaluation fiable sous peu. Cette réalité aurait du à elle seule conduire la Commission et le Parlement à renoncer à cette nouveauté. On peut aussi redouter que la complexité et l’arbitraire de cette réglementation accroissent les coûts de production et servent une nouvelle fois de barrière aux produits importés. Enfin, ce nouveau revirement de la réglementation (si ce n’est dans ses objectifs, en tous les cas dans ses effets) fera l’effet d’une douche froide à tout ceux qui avaient basé leurs investissements sur les précédents règlements. En bref, la CASI est une erreur.

CASI est soutenu par la députée européenne française Corinne Lepage, et c’est elle qui portera la responsabilité de ces effets négatifs sur l’emploi, l’industrie, et l’environnement si l’idée est adoptée. Notre analyse des effets négatifs de CASI suggère que Mme Lepage a besoin de réfléchir à nouveau. La sécurité, la soutenabilité et la propreté de notre énergie nous concernent tous. C’est un enjeu important qui ne doit pas être traité par des réglementations changeantes et douteuses. Ce dont nous avons besoin c’est d’un environnement réglementaire simple et stable qui invite les investisseurs à se lancer dans ce passionnant défi. Avec CASI nous n’en prenons pas le chemin.


Sur le webPublié initialement par Economie Matin.

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  • Incroyable ! mais vrai !

    1/ Le Biofuel est un « crime contre l’humanité »
    “Un expert de l’ONU a appelé la pratique croissante de convertir des cultures vivrières en biocarburant « un crime contre l’humanité, en disant qu’il crée des pénuries alimentaires et des sautes de prix qui obligent des millions de pauvres à souffrir de la faim » (*1)
    Avec la demande croissante de Biofuel, les affres de la faim du Guatemala augmentent d’autant. (*2)

    2/ Le Biofuel est irrationnel, il est pire que les fuels fossiles. (*3)
    « Si vous prenez en compte les effets indirects, les biocarburants d’huiles végétales donnent en réalité dans le monde entier plus d’émissions de CO2 que d’utiliser directement du diesel, »

    3/ L’Ethanol n’est pas aussi vert que vous le pensez (*4)
    « Des études montrent que l’éthanol demande 30 % en plus d’énergie à le produire que ce que contient l’éthanol. Par exemple, une étude à Berkeley sur les rendements d’apport en énergie pour produire de l’éthanol ont conclu que l’éthanol de maïs exige 29 % plus d’énergie de fossile que le carburant produit; la céréale « switchgrass (Panicum virgatum) exige 45 pour cent plus d’énergie fossile que le carburant produit; et la biomasse du bois exige 57 % en plus d’énergie fossile que de carburant produit. »

    À quand un procès style « Nuremberg » pour tous ces lobbies qui n’ont de « verts » que le nom qu’ils se donnent, font mourir les plus pauvres et conduisent à des catastrophes économiques et environnementales.

    (*1) http://www.livescience.com/4692-expert-calls-biofuel-crime-humanity.html
    (*2) http://www.nytimes.com/2013/01/06/science/earth/in-fields-and-markets-guatemalans-feel-squeeze-of-biofuel-demand.html?_r=1&
    (*3) http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-22127123
    (*4) http://tucsoncitizen.com/wryheat/2010/09/10/ethanol-fuel-not-as-green-as-you-may-think/

    • le point 3 explique tout simplement la nécessité du subventionnement des énergies dites renouvelables…tant qu’il y a du pétrole .
      sinon , il ne faut pas chercher bien loin la raison de tout ce pataquès : les gains financiers offert par les subventions et les pénuries alimentaires .
      cette politique du renouvelable est prématurée et aurait due rester dans les labos de recherche encore une bonne vingtaine d’années..mais les lobbys veillent aux gains

      • reactitude : « cette politique du renouvelable est prématurée et aurait due rester dans les labos de recherche encore une bonne vingtaine d’années..mais les lobbys veillent aux gains »
        ———————————
        Ca devrait rester dans les labos une « bonne vingtaine d’années » pendant une bonne vingtaine de décennies. Car c’est pas comme si on ne nous avait pas déjà fait le coup du « bientôt opérationnel » hein ! L’Histoire, ce n’est pas fait pour les chiens.

        Washington Post 31 octobre 1915 : Les prix sur les voitures électriques continuent de chuter jusqu’à ce qu’ils soient à la portée d’une famille moyenne.

        NYT 26 juillet 1959: L’électrique pourrait être la voiture du futur

        Washington Post 26 septembre 1979 : GM dévoile sa voiture électrique… une avancée dans la technologie des batteries rend désormais les voitures électriques possibles commercialement

        Barry Commoner en 1976: « Les installations mixtes solaires/conventionnelles pourraient devenir l’alternative la plus économique dans la plus grande part des USA dans dans quelques années »

        Worldwatch Institute en 1984: « Les subventions sont essentielles pour la viabilité économique des fermes d’éoliennes mais ne seront plus nécessaires dans quelques années »

        American Wind Energy Association en 1986: « L’industrie de l’éolien a démontré un niveau de fiabilité et de performance qui la rend très compétitive. Au point que la Commission à l’Energie de l’état de Californie a prédit que l’énergie éolienne sera la source d’énergie au coût le plus bas dans les années 1990, surpassant même les grands barrages hydroélectriques. »

        Solar Energy Industries Association en 1987: « Le consensus tel que je le vois est qu’après 2000, entre 10 à 20% de notre énergie pourrait venir des technologies solaires, très facilement »

        • bah , ne soyons pas prophète , 20 ans c’est déjà suffisamment lointain pour se tromper.
          la voiture électrique plus le solaire/éolien permettra sans doute l’indépendance énergétique des individus mais est ce que l’état y trouvera son compte avec cette perte de recette fiscale ?

          • @reactitude
            L’indépendance énergétique n’a pas plus de sens que l’indépendance en café, en banane, en coton ou en micro-processeurs. C’est un mot creux à la mode qui n’a aucun sens.

            La sécurité énergétique elle par contre est importante. Mais ce n’est certainement pas en construisant des moulins à vent, en interdisant l’exploitation du charbon ou du GdS et en s’approvisionnant en gaz ou en uranium auprès de dictatures qu’on y arrive.

  • Le contrepouvoir viendra de la sagesse des nations.

    Plus personne ne marche désormais dans ce lobbying absurde, et les gens commencent même à « découvrir » que de CO² est indispensable à la vie, et que son augmentation (qui ne doit rien à l’homme ou pas grand chose) favorise la végétation à tel point que l’ensemble des déserts du monde a régressé de 10 %, soit une surface supérieure à l’Europe !

    Les USA ont abandonné leurs éoliennes qui pourrissent comme des monuments à la bêtise humaine, les anglais se préparent à faire pareil, et petit à petit, les gens se réveillent. L’éolien est contre-performant et augmente la consommation des centrales en bac-up, le photovoltaïque est in-amortissable sans des montagnes de subsides, les pompes à chaleur sont utiles quand elles puisent dans des lacs, mais leur version « air-air » n’a plus l’ombre d’un rendement si la température passe sous les 7 °.

    Alors, le « non merci » va se généraliser, au grand bénéfice de nos budgets.

    • « L’Europe “débranche la prise” de son avenir vert. » (http://www.skyfall.fr/?p=1227)
      « A mesure que les pays l’un après l’autre abandonnent, restreignent ou renoncent au premier généreux soutien aux énergies renouvelables, l’Europe commence à se rendre compte que sa stratégie pour l’énergie verte a la gueule de bois. Les rêves verts laissent place aux dures réalités économiques. »

  •  » le passionnant défi environnemental »
    Foutaise mystique et totalitaire; ordre moral à tous les nibeaux; psychose du grand TOUT

    Où va « Contrepoints »???

  • merci pour cet article
    c’est heureux on n’a pas encore reçu l’interdiction de manger mais soyons en sûr un jour ou l’autre elle arrivera .Tous ces lobbys devraient ne plus avoir autant de poids malheureusement il y a trop de politiciens qui marchent main dans la main avec eux .Vive le copinage autre gangrène de ce nouveau siècle

  • Les commentaires sont fermés.

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