Le cumul des mandats, dangereuse particularité française

Qui peut imaginer que, à cause du cumul des mandats, la responsabilité d’un parlementaire d’adopter des lois et de contrôler l’exécutif puisse être assumée à mi-temps, voire à tiers-temps pour certains grand élus de province ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Les cumulards dans la précédente législature

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le cumul des mandats, dangereuse particularité française

Publié le 26 septembre 2012
- A +

Qui peut imaginer que, à cause du cumul des mandats, la responsabilité d’un parlementaire d’adopter des lois et de contrôler l’exécutif puisse être assumée à mi-temps, voire à tiers-temps pour certains grand élus de province ?

Par Alexandre Dakos.

Article publié en collaboration avec le Cri du Sorbonnard.

Les cumulards dans la précédente législature

Fort d’une importante prééminence socialiste au sein du Parlement et des collectivités locales François Hollande possède désormais toute latitude pour mettre en œuvre ses engagements de campagne. Le 48ème engageait le candidat socialiste à voter une loi contre le non-cumul des mandats.

Le chef de l’État n’a pas dévié de son cap, soucieux de se porter garant d’une République exemplaire et l’ensemble de son gouvernement a démissionné de tout mandat local, dans la lignée de l’ère jospiniste.

Mais force est de constater que plusieurs élus socialistes s’élèvent contre cette promesse de campagne. Dérogations sénatoriales, engagement valable seulement pour les nouveaux élus, absurdité de l’interdiction, mille et un motifs sont invoqués pour échapper à cette astreinte.

L’exigence démocratique imposerait pourtant d’en finir avec la pratique cumularde française, exception hexagonale dont nous nous serions bien passés tant elle empoisonne les mécanismes institutionnels du pays.

La France est la championne d’Europe en la matière puisque 75% des députés exercent un, deux, voire trois (!) mandats locaux en plus de leur mandat de parlementaire : maire, conseiller général, présidence d’intercommunalité…

Les autres parlementaires européens sont peu voire très peu concernés par le cumul des mandats :  moins d’un quart cumulent un mandat national et local en Espagne et en Allemagne quand à peine 5% des élus de la Chambre des communes et du Parlement italien détiennent un mandat local.

Cette anomalie démocratique qui semble la règle en France  ne reçoit que peu d‘échos favorables ailleurs. Comment admettre effectivement qu’un homme ou une femme politique chargé par ses électeurs d’assumer un mandat national , de représenter la nation toute entière au cœur du pouvoir législatif, puisse occuper dans le même temps d‘importantes fonctions locales ? Qui peut imaginer que la responsabilité d’un parlementaire – adopter des lois et contrôler l’exécutif – puisse être assumée à mi-temps, voire à tiers-temps pour certains grands élus de province ?

Le cumul des mandats est en effet un puissant motif d’absentéisme parlementaire, les députés et sénateurs étant plus enclins à privilégier leurs fonctions locales dans un souci de proximité avec la population plutôt que les fonctions parlementaires où « il y a moins de contact direct avec la population » mais davantage avec les acteurs économiques et les élus locaux, comme le souligne Jean-Louis Bricout, député de l’Aisne. En ce sens la pratique cumularde est un puissant facteur d’immobilisme du corps législatif français, puisque le mandat parlementaire prend une tournure honorifique, réduit à une simple légitimation électorale, une confortation nationale au service d’actions locales.

Se rendre à Paris le mardi et mercredi après-midi pour la visibilité médiatique qu’offrent les séances de questions au gouvernement et repartir aussitôt après dans sa mairie ou son conseil général de province ne peut décemment assurer ni un travail législatif efficace ni un renouvellement régulier des pratiques politiques.

Le cumul des mandats est un symptôme de l’affaiblissement du rôle du Parlement, et par là même un facteur de son effritement, au bénéfice d’un pouvoir exécutif toujours plus soucieux de réduire ce contre-pouvoir à une simple chambre d’enregistrement.

Ainsi la réforme du cumul des mandats loin d’être un engagement de campagne superfétatoire serait une avancée démocratique majeure. Loin de restreindre la démocratie elle la vivifiera en entrainant un renouvellement du personnel politique dans le paysage politique local et en redonnant à la fonction parlementaire toute la valeur qu’elle mérite. .

Édouard Balladur disait que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. Il est fort à parier que l’exécutif déposera un projet de loi en ce sens début 2013 ainsi que l’a rappelé la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem. Mais il incombe aux parlementaires de tous horizons de dépasser leurs intérêts personnels et d’accepter cette indispensable modernisation de la vie politique française.


Sur le web – Le reste de nos articles sur le cumul des mandats 

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • De plus le cumul des mandats est le premier et le plus courant des conflits d’intérêts.

  • Au delà de l’aspect que vous relevez, il me semble qu’il en est un autre tout aussi important: la représentativité. En effet, la cumul des mandats impose un resserement de fait du personnel politique autour de figures professionalisées. La conséquence est l’xclusion quasi totale de pans entiers de la société, au point qu’on en vient à appeler (les politiques) société civile des ONGs qui ne sont qu’un avatar supplémentaire de la professionalisation de la politique. L’unicité de mandat forcerait l’ouverture de la classe politique, laissant (en tout cas c’est à espérer) émerger de nouveaux venus qui ne seraient pas issus des sérails de la politique professionnelle.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par h16.

Aujourd'hui, soyons fous. N'ayons peur de rien, soufflons bien fort dans le appeau à trolls et imaginons que nous ayons toute latitude pour tenter de résorber la crise actuelle, ou, au moins, d'en atténuer au maximum les effets. Quelles pourraient être les mesures les plus efficaces pour relancer l'activité économique du pays et y créer des emplois ?

On pourrait pour commencer imprimer plusieurs centaines de milliards de billets de 100 euros et les distribuer aux pauvres, directement. Cela n'enrichirait pas tellement le... Poursuivre la lecture

candidat
0
Sauvegarder cet article

Par Éric Verhaeghe.

Peut-on être ministre fictif ? L'engouement de l'équipe en place pour la campagne électorale le prouve. On peut être chargé d'un maroquin prestigieux en pleine période de tension politique et juger utile de battre la campagne des municipales pour se faire élire en province. Pas sûr que ce message envoyé aux Français fasse vraiment sérieux.

Jusqu’ici, on pensait qu’il était difficile d’être un ministre fictif. Mais cette prudence ou cette pudibonderie de l’ancien monde n’a plus cours dans la start-up nation, o... Poursuivre la lecture

Par Éric Verhaeghe

Interdire le cumul des mandats est-il démagogique ? Édouard Philippe, député, maire du Havre et proche d’Alain Juppé, conseiller d’État dans la vie civile, accessoirement plausible prochain Premier ministre, n’a pas craint de le dire à l’Assemblée Nationale lorsque la proposition est venue sur le tapis.

Combat contre le cumul des mandats, mesure « démagogique »

Le 15 novembre 2012, Édouard Philippe a posé une question au gouvernement sur le cumul des mandats, formulée comme ceci :

Ma question s’adresse... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles