Emmenez-moi au pays des pillards…

La crise ? Pas pour tout le monde. Washington n’a jamais été aussi prospère.

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Emmenez-moi au pays des pillards…

Publié le 24 août 2012
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La crise ? Pas pour tout le monde. Washington n’a jamais été aussi prospère.

Par Gene Healy, depuis les États-Unis.

Vous avez vu les dernières nouvelles du marché de l’emploi ? Déprimant : le chômage est toujours aussi haut, la croissance toujours aussi basse, la reprise se fait attendre…

Mais pas ici : le District de Columbia est en plein essor ! « Washington a sans doute l’économie la plus forte de toutes les grandes agglomérations du pays », écrit David Leonhardt, le chef du bureau du New York Times dans la capitale fédérale, dans une de ses éditions du dimanche. « On voit vraiment la prospérité ! »

Oh oui, on peut la voir. Les grues de chantier dominent l’horizon de la ville, et le SDF moyen peut à peine faire quelques pas avant de voir une nouvelle boutique éclore et de devoir poser son sac de couchage plus loin.

C’est vrai, dès qu’on s’éloigne un peu de l’orbite de l’Étoile Noire pour en visiter les colonies à l’occasion de Thanksgiving ou de Noël, vous verrez de nombreuses boutiques définitivement closes. Vous pourriez même ressentir un pincement de honte quand Matt Drudge vous balance un titre du genre de « La capitale est en tête de la liste des villes les plus accros au shopping en Amérique ».

Peu importe : la culpabilité, c’est pour les perdants ! La grande leçon que le reste du pays devrait apprendre de la prospérité de la capitale, c’est, selon Leonhardt, que « l’éducation est importante ».

L’économie de Washington dispose de plus de diplômés de l’université que toute autre grande agglomération américaine. « Si vous voulez vous figurer ce à quoi pourrait ressembler si le pays était bien plus éduqué, écrit Leonhardt, vous pouvez regarder Washington ».

Hé, les gens du pays qu’on survole : nous prenons le pain de votre bouche parce qu’on est plus intelligent que vous ! Ouvrez un bouquin, les péquenots ; nous, on a construit tout ça ! [NdT : Allusion au récent discours d’Obama affirmant aux entrepreneurs « you didn’t build that »].

Même ainsi, j’ai trouvé un peu dérangeant de lire, l’automne dernier que « en termes de revenus, la capitale est plus riche que la Silicon Valley », selon un titre de Bloomberg News. Après tout, la Silicon Valley « crée » de la richesse, alors que nous, malins comme nous sommes, nous la distribuons aux quatre vents.

Les facteurs clés identifiés dans le reportage de Bloomberg incluent d’énormes contrats de défense, « les employés fédéraux dont la moyenne de la rémunération dépasse 126.000 dollars », « la plus grande concentration d’avocats de tout le pays » et des dépenses record en lobbying. « Wall Street a déménagé à K Street », commente Barbara Lang, qui dirige la chambre de commerce du District. [NdT : K Street est historiquement la rue de Washington où se concentraient la plupart des think-tanks, des groupes de pression et des agences de lobbying]

Le District n’est « pas exactement la capitale entrepreneuriale du pays », observe Steven Pearlstein, du Washington Post. « À part les biens et services produits par la puissance publique, seuls 12 pour cents de la richesse produite dans la région est vendue à l’extérieur, et le chiffre a décliné ces dernières années ».

Pour être juste, Leonhardt reconnait qu’une partie de la prospérité du District vient du parasitage de « la valeur économique créée par d’autres ». Mais ce que Leonhardt concède dans un paragraphe, il le reprend dans le suivant. Une des principales raisons de « la bonne forme de Washington ne provient pas de la captation de rente », argumente-t-il, mais de ce que la capitale a englouti « davantage de dollars des plans de relance par habitant que n’importe quel État fédéré ». Vous pouvez répéter ça ?

Le boom de D.C. montre que « une réponse keynésienne à une crise économique peut vraiment faire la différence », insiste Leonhardt. Bien sûr, et si chacun recevait davantage que sa proportion du gâteau fédéral à l’oseille, alors toutes les villes seraient au-dessus de la moyenne.

Leonhardt a raison quant à la valeur économique de l’éducation. Mais c’est une chose d’utiliser du jus de neurones pour construire de nouveaux produits, et une chose entièrement différente de l’employer à distribuer la richesse que d’autres ont créé. La Mecque de l’intelligence qui bourgeonne à Washington est construite sur le deuxième de ces élans : « Emmenez-moi au pays des pillards, emmenez-moi au pays des merveilles, il me semble que des milliards y ont été jetés la veille ». [NdT : la version originale est « Take me down to Parasite City, where the kids are smart and the girls are pretty », parodie de « Paradise City » des Guns N’ Roses]

Le train me ramène chez moi deux fois par an le long de la côte Est, et à chaque fois je suis intrigué par ce grand panneau à l’entrée de la capitale du New Jersey : Ce que Trenton façonne, le monde le consomme. [NdT : en anglais, « Trenton Makes, the World Takes »] Façonne quoi, au juste ?

Je propose d’apposer un panneau similaire aux abords de Union Station, à Washington : « Le pays façonne, D.C. consomme ». On pourrait profiter du prochain plan de relance pour le faire.

—-
Paru sur WashingtonExaminer.com le 06.08.2012 et Reason.com sous le titre Take Me Down to the Parasite City.
Traduction : Benjamin Guyot pour Contrepoints.

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  • Il y a des facepalms qui se perdent…

  • Depuis quand les contrats de défense américain n’apportent ils plus de l’argent aux entreprises privées de la Silicon Valley?

    • Depuis que chaque élu fédéral achète sa réélection en demandant à ce qu’une partie de la production soit effectuée dans sa circonscription, voyons !

      Les seuls bénéficiaires nets sont les politiciens et les lobbyistes. Les parasites de la capitale politique, donc.

    • Chruchill: et d’ou vient-il cet argent des contrats de la defense qui profitent a certaines entreprises privees de la Silicon Valley?

      • Exactement, l’argent public sert également si ce n’est plus à favoriser la création d’entreprises privées. Apple (Steve jobs est né dans la Silicon Valley) et que serait Google/Facebook sans le darpanet/internet issu des laboratoires de la défense américaine?

        L’état ne parasite donc pas la valeur économique créé par d’autres, il participe à sa création..

        • Pas si vite Churchill.

          Les laboratoires de la défense américaine travaillaient en étroite collaboration avec le secteur privé pour mettre sur pied Aparnet. Ces entreprises privées avaient bien les compétences pour mettre sur pied un aparnet public mais ce n’était aucunement viable sur la plan économique.

          Je ne pense pas que l’état en soi nuit à la créativité économique. Lorsqu’il applique les lois sur la propriété intellectuelle par exemple, il joue pleinement son rôle. Mais quand les personnes qui l’incarnent son prix de la folie des grandeurs et veulent produire la fibre optique pour leur aparnet, alors tous aux abris !

          Vous dites: »que serait Google/Facebook sans le darpanet/internet issu des laboratoires de la défense américaine? ». Je vous réponds: Y aurait-il eu Aparnet sans le dynamisme des entreprises tels que General Electric? Graham Bell, l’inventeur du téléphone, était-il un fonctionnaire? et Morse? et Chappe?

  • La c…ie socialiste à front de taureau est la même des deux côtés de l’océan: « Les gens plus diplômés gagnent plus, donc donnons des diplômes à tout le monde pour que tout le monde gagne plus. »

    DAns une économie libérale, effectivement, les diplômes ont une utilité, une efficacité économique, qui justifie qu’on les paie pour inciter à les passer et permettre de les amortir.

    DAns une économie socialiste, les diplômes sont gratuits et n’ont pas de lien avec les besoins de l’économie: C’est un gaspillage de plus.

    Les USA ont construit la première économie du monde avec uen population majoritairement non diplômée.

    • Fucius, je ne crois pas que le texte parle de la distribution quasi gratuite de diplômes. Au contraire, il s’agit davantage du complexe de supériorité des surdiplômés de la capitale fédérale, qui les motive à penser « Nous sommes plus diplômés, nous sommes plus intelligents, donc nous avons le droit de prendre l’argent de ces crétins de rednecks. De toute façon, ils ne votent pas pour nous. ».

  • Il semblerait que les americains vont bientot comprendre pourquoi Paris est une si belle ville… En pratiquant le parasitisme systematique depuis Richelieu, cette ville a pu devenir une « perle », aux depens de tout le reste du pays.

    On peut dire la meme chose de Rome sous l’empire romain, d’istambul avant Ataturk, de Moscou, etc… Whashington sera bientot une nouvelle capitale de la honte.

    Quand le pouvoir permet un reel et un grand profit financier, la liberte periclite. C’est bete, mais comme disait un pote, il faut supposer que tous les dirigeants sont des voyous et qu’ils vont forcement taper dans la caisse. ca evite qu’on leur donne trop de moyens.

    • Pas besoin de supposer dans le vide, l’histoire nous apprend que les dirigeant on TOUJOURS été les parasites de la société.

    • La beauté de Paris est tout de même soumise à caution: lorsque l’on voit la capital sous divers angles, on peut s’apercevoir de la prospérité (quartiers hausmanniens) ou un immense bidonville (tout le reste)

  • Les commentaires sont fermés.

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