Côte d’Ivoire : à quand la fin de l’indépendance « tcha-tcha » ?

Le 7 août, la Côte d’Ivoire célébrait son indépendance. Mais elle a fêté une indépendance de façade car elle n’a jamais coupé le cordon avec l’ex-puissance coloniale dont elle reste dépendante aux plans politique, militaire, monétaire, financier et économique.

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Côte d’Ivoire : à quand la fin de l’indépendance « tcha-tcha » ?

Publié le 9 août 2012
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Le 7 août dernier, la Côte d’Ivoire célébrait son indépendance. Mais d’évidence, la Côte d’Ivoire a fêté une indépendance « tcha-tcha » (*), c’est-à-dire une indépendance de façade car elle n’a jamais coupé le cordon avec l’ex-puissance coloniale dont elle reste dépendante aux plans politique, militaire, monétaire, financier et économique.

Par Aquilas Yao, depuis la Côte d’Ivoire.
Publié en collaboration avec Audace Institut Afrique

« En vertu des droits inaliénables qu’a tout peuple de disposer de lui-même, je proclame solennellement, en ce jour béni du 7 août 1960, l’indépendance de la Côte d’Ivoire». C’est par ces mots pleins d’espoir que Félix Houphouët Boigny proclamait l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Cette date, marquait la libération de tout un peuple après plus d’un siècle d’annihilation des droits humains. Cependant, 52 ans après,  le progrès se fait désirer. Les rêves de développement se sont transformés en la recherche d’une émergence peu probable dans la prochaine décennie encore. Le désenchantement s’est emparé de ceux qui ont vécu l’indépendance et la désolation anime le cœur des nouvelles générations. La question fondamentale qui se pose est de savoir ce que l’on célèbre réellement les 7 août ? Sommes-nous vraiment indépendant ?

Une dépendance politique et militaire

D’évidence, la Côte d’Ivoire fête une indépendance de façade car elle n’a jamais coupé le cordon avec l’ex-puissance coloniale et se complait même dans la domination française. Sur le plan politique, toutes les décisions importantes se font sous l’influence de Paris. Même dans un passé récent, souvenons-nous que toutes les résolutions de l’ONU sur la Côte d’Ivoire ont été cousues sur mesure par l’Élysée. Il faut aussi noter la présence pérenne de la base militaire française du 43ème BIMA, bataillon maintenant, sur la base d’accord de défense brumeux, le pays sous haute surveillance.

Une dépendance monétaire

De surcroît, la Côte d’Ivoire, appartenant à la Zone franc, a opté pour le franc CFA (Franc de la communauté financière africaine), monnaie qui dépend directement du Trésor public français. Créé en 1945, le franc CFA est l’une des rares monnaies à avoir survécu à la décolonisation et témoigne aujourd’hui encore de l’hégémonie de l’ancien empire colonial sur la Côte d’Ivoire. Cette domination se manifeste à travers la centralisation de la moitié des réserves de change sur un compte d’opération en France et, entre autres, par une implication directe de la France dans les banques centrales locales. Elle dispose même d’un droit de véto sur les décisions de ces banques. Alors que l’instrument monétaire est le pilier d’une économie, cette dépendance n’est pas propice à la compétitivité des pays de la zone, ce qui les oblige à se tourner vers l’aide extérieure et à rester d’éternels assistés.

Une dépendance à l’aide

Malgré ses énormes ressources naturelles, la Côte d’Ivoire continue de tendre la main pour tenter de trouver des solutions au chaos de son économie. Aujourd’hui, plus que jamais, elle dépend de l’aide publique au développement. Régulièrement, les medias annoncent des dons qui s’élèvent souvent à plusieurs millions d’euros provenant généralement d’institutions financières internationales, telles que le Fonds monétaire International (FMI), la Banque mondiale ou même de la France ou de l’Europe, sans préciser que tout cet argent constitue en réalité des prêts à rembourser avec intérêts. L’atteinte du point achèvement de l’initiative PPTE (Pays pauvres Très Endettés) ne résout pas l’équation. Cette dépendance à l’aide limite fortement l’indépendance d’un pays car elle est liée à des politiques imposées. Les dirigeants africains sont pourtant friands de ces aides qui favorisent un environnement hautement corrompu. Ils consacrent leur énergie à la séduction que ces IFI plus qu’au recul de la pauvreté dans leur pays.

Dépendances politique, militaire, monétaire, financière et même économique si l’on rajoute les entreprises françaises dont les monopoles sont protégés depuis des décennies par l’État ivoirien. Comment célébrer l’indépendance dans un tel environnement ?

À quand la véritable indépendance ?

Voila plus d’un demi-siècle que la Côte d’Ivoire tourne en rond, s’enlisant dans la pauvreté sans trouver (ou même chercher) la voie du développement. D’évidence, aucun pays ne peut se développer en privant sa population de liberté. La liberté « n’est pas un mot vide mais  un moteur ». La Côte d’Ivoire doit donc totalement changer et comprendre que c’est l’Ivoirien qui est lui-même sa première richesse. C’est en lui donnant plus de liberté qu’il pourra enfin progresser dignement. Ce progrès est la clé de l’essor de tout le pays et c’est seulement à ce prix que la Nation pourra trouver une véritable place sur l’échiquier international. Aujourd’hui, les courbettes faites par les « grands » de ce monde aux dirigeants ivoiriens ressemblent plus à l’empressement d’un requin affamé face à un morceau de viande fraiche qu’à une relation de partenariat propice aux populations locales.

C’est la liberté qui va conduire la Côte d’Ivoire à une indépendance effective. Il faut donc avoir l’audace de s’attaquer au problème de la monnaie en saisissant les autorités françaises pour réformer le franc CFA ; reconnaître le droit de propriété sur la terre aux Ivoiriens ; permettre à chacun d’échanger librement dans le monde pour profiter de toutes les opportunités du marché ; régler les problèmes de sécurité et revenir à un véritable état de droit pour inciter les investisseurs nationaux comme étrangers à créer des richesses intérieures. Ce sont autant de reformes nécessaires pour que nous puissions enfin célébrer honnêtement l’indépendance.

C’est au prix de sacrifices, de sang et de sueur, que le pays est sorti de l’esclavage puis de la colonisation. Toutes ces souffrances ne sauraient être vaines. Le fatalisme ne conduira qu’à plus de pauvreté. Savoir que la liberté apporte le progrès devrait être un catalyseur de la cohésion sociale. Depuis 52 ans, l’État fait preuve de son incapacité à développer, il est temps de lutter pour cette liberté qui partout dans le monde apporte le progrès.

—-
Sur le web.

(*) « Indépendance « tcha tcha » : chanson populaire des années 60 célébrant l’indépendance des pays africains. L’expression a été ensuite utilisée pour exprimer l’indépendance de façade de ceux-ci.

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