Cigarettes : comment chiffrer le bilan pour la société ?

Québec réclame 60 milliards de dollars pour se faire « rembourser » les coûts que les fumeurs ont imposés au système de santé depuis 1970 ainsi que ceux qu’ils occasionneront jusqu’en 2030, mais gagne pourtant énormément de la vente de cigarettes. Quel bilan?

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Cigarettes : comment chiffrer le bilan pour la société ?

Publié le 15 juin 2012
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Québec réclame 60 milliards de dollars pour se faire « rembourser » les coûts que les fumeurs ont imposés au système de santé depuis 1970 ainsi que ceux qu’ils occasionneront jusqu’en 2030, mais gagne pourtant énormément de la vente de cigarettes. Quel bilan ?

Par Nathalie Elgrably-Lévy, depuis Montréal, Québec.

Dans le dossier des droits de scolarité, Québec invoque les principes de justice et d’équité pour justifier son initiative. En revanche, il renie ces nobles principes dans le cas de la poursuite intentée contre l’industrie du tabac.

Soyons clairs. Le tabac est un produit nocif et quiconque se soucie de sa santé devrait éviter d’en consommer. Néanmoins, comme la production et la consommation de cigarettes sont légales et encadrées par la loi, Québec doit faire, dans ce dossier également, des calculs « justes et équitables ». Or, c’est tout le contraire.

Québec réclame 60 milliards de dollars pour se faire « rembourser » les coûts que les fumeurs ont imposés au système de santé depuis 1970 ainsi que ceux qu’ils occasionneront jusqu’en 2030, soit une moyenne d’un milliard de dollars pour chacune de ces 60 années. Toutefois, ce calcul n’est qu’un écran de fumée derrière lequel il faut regarder : on ne peut pas simplement comptabiliser les coûts que les fumeurs engendrent et faire fi des recettes qu’ils génèrent et des dépenses qu’ils épargnent à la société.

Pour effectuer un bilan honnête, il faut soustraire du montant réclamé les taxes prélevées par Québec sur la vente de cigarettes. En 2011, l’État a empoché 850 millions de dollars grâce aux fumeurs, soit l’équivalent de 85% du montant annuel moyen faisant l’objet de la poursuite. Il faut également tenir compte des impôts et taxes que les fumeurs paient en tant que contribuables et dont une partie finance le système de santé, de l’impôt sur les bénéfices payé par les compagnies de tabac, et des amendes imposées lors d’infractions à la Loi sur le tabac.

De plus, comme les fumeurs voient leur vie écourtée de dix à quinze ans, la plupart d’entre eux ne recevront pas les soins de santé habituellement nécessaires aux aînés (traitements pour les problèmes cardio-vasculaires, soins gériatriques, etc.). Ils n’occuperont pas de places dans les CHSLD. Ils ne se prévaudront pas du service de transport adapté. Ils ne réclameront aucun crédit d’impôt et ne profiteront d’aucun programme gouvernemental destiné aux aînés. Surtout, la Régie des rentes du Québec conservera une bonne partie, sinon la totalité de leurs cotisations.

Pour justifier sa poursuite, Québec accuse les cigarettiers d’avoir caché la dangerosité du produit. En réalité, depuis au plus tard le 11 janvier 1964, date à laquelle le directeur général de la santé publique des États-Unis a publié un rapport officiel établissant que la cigarette cause le cancer, il est impossible de plaider l’ignorance.

Néanmoins, selon la logique de Québec, les alcooliques devraient donc être en droit de poursuivre le gouvernement pour les cirrhoses et autres maladies provoquées par l’alcool. Après tout, il n’y a aucun message d’avertissement sur les bouteilles de vodka, la SAQ nous incite à la consommation grâce à des promotions et des campagnes publicitaires et, contrairement aux cigarettes, les bouteilles d’alcool ne sont pas cachées de la vue du public.

Les employés de l’État devraient également intenter un recours contre le gouvernement qui les a maintenus dans l’ignorance quant à la présence d’amiante dans les édifices publics dans lesquels ils travaillent.

Si une poursuite est légitime pour Québec, elle devrait l’être aussi pour les Québécois. Non ?


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