Arthur Schopenhauer : À chacun son Monde

Portrait du philosophe allemand, idéaliste athée pour qui le monde est à la fois représentation et volonté

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Arthur Schopenhauer : À chacun son Monde

Publié le 12 février 2012
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Portrait du philosophe allemand, idéaliste athée pour qui le monde est à la fois représentation et volonté. Selon Arthur Schopenhauer (1788-1860), si les individus sont capables d’intuition, de raison, pour se faire une représentation du monde, c’est qu’ils sont animés d’une volonté qu’ils portent en eux : un élan vital.

Un article de l’aleps.

C’est par sa seule intuition que chacun de nous perçoit le monde. Il s’en fait une « représentation » qui lui est propre. Il n’y a donc pas de connaissance globale et universelle du monde, même s’il existe des connaissances scientifiques, toujours très appliquées.

Ainsi le monde nous est-il perçu plutôt que connu, mais l’être humain, à la différence de l’animal, est capable d’ordonner cette perception, d’ériger en système de pensée et de se faire une « représentation de la représentation ». Cette capacité c’est la raison.

La raison est donc une mise en ordre, elle ne conduit pas à une vérité intemporelle, elle est celle qui s’inscrit chez un sujet dans un espace-temps donné.

Science et intuition

Pour qu’une connaissance scientifique existe, il faut assembler des concepts, nés eux-mêmes de l’intuition. La science est organisation cohérente de concepts. Mais cette cohérence est relative, elle n’est pas dictée par la seule raison, et débouche très souvent sur des erreurs, conduisant à de nouveaux concepts. La prétention de bâtir la science sur la raison est donc vaine, car la raison ne peut se passer de l’intuition d’où naissent les concepts. Hélas la raison qui veut toujours conduire à des concepts immuables est la cause d’erreurs qui peuvent se prolonger pendant des siècles. Il y a « un art d’avoir toujours raison » chez les scientifiques – ce qui s’applique aussi aux philosophes, et sûrement à Schopenhauer qui a expliqué cet art avec sa « dialectique éristique » : les fausses idées conduisent à leur contraire. Schopenhauer n’est pas loin de Hegel (qu’il n’aime pas) ni de l’évolutionnisme (il a admiré Lamarck).

La Volonté, servante et maîtresse

Mais comment les individus sont-il capables d’intuition, de raison, pour se faire une représentation du monde ? C’est qu’ils sont animés d’une volonté qu’ils portent en eux. On peut l’assimiler à un élan vital. C’est une force permanente qui les habite, et cette force est elle-même incompréhensible, et aveugle. Elle n’est pas fille de la raison, elle n’a rien à voir avec quelque prédestination divine (Schopenhauer est athée), elle s’impose à l’individu malgré lui, alors même qu’il s’imagine que c’est sa propre volonté qui s’opère. Nous sommes ainsi les jouets d’un déterminisme historique. Schopenhauer était d’ailleurs persuadé que l’histoire est un éternel recommencement, et que les hommes n’y sont pour rien. Ainsi certains font-ils de Schopenhauer le père de l’existentialisme qui fleurira au XXème siècle. Seul le présent importe, les choses se répètent. Au fond, l’homme de Schopenhauer est un genre de Schwarzenegger qui ne verrait pas plus loin que le bout de son nez et s’occuperait plutôt de lui-même.

Le désir, l’amour et l’espèce

Son élan vital pousse l’être humain à laisser s’exprimer ses passions, à assouvir ses désirs. La volonté est un « vouloir-vivre », c’est-à-dire rompre avec la souffrance et prendre du bon temps.

Le sujet de l’amour est aux yeux de Schopenhauer le plus important qui soit : « Aucun thème ne peut égaler celui-là en intérêt, parce qu’il concerne le bonheur et le malheur de l’espèce, et par suite se rapporte à tous les autres ». La référence à « l’espèce » est importante car derrière l’amour Schopenhauer croit deviner la sexualité, et derrière la sexualité le désir de procréation et de conservation de l’espèce. Ainsi, même dans sa vie sentimentale, l’individu est-il animé par la Volonté, par cet élan vital qui l’habite. Là encore, Schopenhauer fera école : n’annonce-t-il pas la philosophie du subconscient et le freudisme ? Il est vrai, dit Schopenhauer, que l’on peut concevoir une autre forme d’amour : la compassion. Reprendrait-il à son compte la distinction entre l’agapé et l’eros ? Certainement pas : l’agapé des Grecs, qui sera la caritas des Latins, implique une attention aux autres, un dévouement, une amitié profonde. Pour Schopenhauer la compassion ou la pitié, bien que d’apparence spontanée, est également commandée par la volonté. Elle est animée par un amour abstrait, l’amour de l’humanité, qui veut que chaque homme se reconnaisse dans les autres, mais ce n’est pas l’autre, ni sa souffrance, qui nous intéresse, c’est qu’en l’autre nous nous reconnaissons nous-mêmes. Pour faire bonne mesure Schopenhauer pose l’identité du bourreau et de la victime : un régal pour les psychiatres !

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